Entretien croisé entre Christian Petitcolas et Christian Navet sur le bac pro en 3 ans
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75 - Paris Le débat sur le bac pro en 3 ans est-il clos ? Pas encore. Les travaux restent en cours jusqu’en 2010 et peut-être 2011. La 17ème CPC (commission professionnelle consultative), chargée de travailler à l’élaboration des contenus des nouveaux référentiels, va lancer une consultation nationale auprès des professionnels de la restauration. En amont, Christian Petitcolas, Inspecteur général de l'Education nationale, et Christian Navet, président de la 17ème CPC, ont accepté de débattre pour les lecteurs de L’Hôtellerie-Restaraution sur l’esprit et les conséquences de cette rénovation de la formation professionnelle.

Christian Petitcolas : Le cursus tel qu’il est organisé met en cause, pas seulement le diplôme lui-même, mais l’ensemble de l’architecture des diplômes conçus dans le cadre de la 17ème CPC. Jusqu’à maintenant, la voie professionnelle était bien identifiée avec des CAP dont la vocation première était l’insertion et l’objectif à terme d’aller vers le brevet professionnel. L’architecture permettait d’arriver au niveau IV avec un cursus en 4 ans, comprenant donc le BEP suivi du bac pro. Sachant qu’il existe également un bac technologique dont la vocation est la poursuite des études pour atteindre bac plus 2.
Cette fois, on est sur un cursus en trois ans avec des objectifs aussi européens : 80% d’une classe d’âge doivent parvenir au niveau IV et le bac professionnel en fait partie. Le bac professionnel se développe dans cet esprit et ce n’est pas propre à l’hôtellerie.
Christian Navet : Ce que nous constatons, nous, c’est qu’il est mis en danger une filière qui fonctionnait bien. Il y avait entre 10 et 11 000 jeunes qui quittaient la filière après le BEP. Ils sortaient pour différentes raisons, pas assez motivés pour la poursuite des études, parce qu’ils n’avaient pas le niveau ou pour des questions financières. Ces jeunes qui entraient sur le marché du travail, nous ne les aurons plus. Si en face du bac en trois ans, des ouvertures de CAP ne sont pas prévues, nous allons nous trouver avec un déficit de jeunes employables dans peu de temps. Deuxième souci, dans le cadre de l’apprentissage, les professionnels vont devoir prendre des contrats sur trois ans, certains n’ont pas envi de s’engager sur trois ans, d’autres n’ont pas le niveau. Un maître d’apprentissage doit avoir un niveau requis pour former au niveau IV. Il y a un tas de problématiques sur lesquelles le ministère n’a pas réfléchi. Le principe d’un bac 3 ans est peut-être valable pour certaines filières. Pour la nôtre, il aurait fallu se pencher davantage sur les conséquences. Nous avons demandé un délai jusqu’à 2010 voire 2011 pour juger des expérimentations aujourd’hui malheureusement trop nombreuses à notre goût car si nous sommes selon le ministère en période d’expérimentation, nous trouvons ça absolument scandaleux que des recteurs obligent actuellement l’ensemble des lycées et des CFA a passer au bac professionnel en 3 ans au lieu de mettre un lycée en test par académie par exemple. Résultat, certains étalent les deux années de BEP sur trois ans, d’autres ramassent les deux années de BEP en un an… Si bien que tous les jeunes qui vont sortir actuellement de ce cursus n’auront pas les mêmes compétences. Pour nous, c’est grave.
C. P. : C’est un peu plus compliqué. Le bac pro 3 ans ne sera véritablement un cursus de trois ans que lorsqu’il sera rénové. Sachant que le ministre, pour penser la généralisation des bacs pro, a permis une phase d’expérimentation qui, pour l’instant, en ce qui concerne l’hôtellerie et la restauration, va jusqu’en septembre 2010. C’est écrit dans le texte et signé par le ministre, on laisse se juxtaposer un cursus 4 ans et un cursus expérimental de 3 ans dans les établissements, de façon à familiariser les équipes et leur permettre de raisonner l’apprentissage tel qu’il est prévu dans le texte. C’est vrai que certains recteurs ont pris des initiatives. Mais nous sommes bien dans une phase d’expérimentation. Les équipes doivent réaménager leur contenu et leur façon de faire dans une logique de trois ans. C’est ce qu’il se passe. Une des idées à la base de la généralisation, c’est de dire que les jeunes resteront plus volontiers dans un cursus de trois ans, que dans un cursus de 4 ans. C’est le raisonnement du ministère, qui souhaite aussi que le jeune ne puisse pas sortir sans qualification. Dans le cursus de trois ans, non seulement on organise les choses autrement mais les jeunes vont pouvoir passer une certification intermédiaire. C’est vrai que le texte le prévoit pour les scolaires. Pour l’apprentissage, ils pourront la passer mais ce ne sera pas obligatoire.
C. N. : Le ministre insiste, voire oblige, les secteurs à avoir une certification intermédiaire. Puisque le ministre veut supprimer le BEP, je ne vois pourquoi nous le reconnaîtrions comme diplôme. Est-ce que dans la filière générale, en seconde ou en terminale, une certification existe ? Non, donc je ne vois pas pourquoi il y aurait une certification d’un côté et pas de l’autre… Si certification il y a, pour nous, ce doit être le CAP. Mais pas autre chose. La profession n’en veut pas, on ne la reconnaîtra pas.
C. P. : Le ministère veut éviter la sortie sans qualification. Effectivement, le cursus, et c’est une première, va permettre théoriquement de préparer deux diplômes. Néanmoins, chaque secteur a la possibilité de choisir. Les bouchers charcutiers ont accepté une certification intermédiaire portant sur un Bep rénové. En revanche, les professionnels de la boulangerie pâtisserie ont fait références à leur CAP. Sachant que c’est complexe sur trois ans de préparer deux diplômes et que les équipes là encore doivent s’emparer de l’organisation. Ce qui est certain, c’est nous, corps d’inspection, on tient à ce que la part d’enseignement professionnel ne soit pas sacrifiée.
C. N. : Dans ce dossier, nos spécificités n’ont pas été prises en compte.
C. P. : Je suis dans une situation un peu complexe. En ce qui me concerne et vous le savez, j’ai depuis longtemps parfaitement identifié les spécificités de la profession. J’ai notamment essayé d’éclairer le ministre sur les spécificités de cette filière et sur l’importance des 13 600 jeunes qui actuellement passent le BEP. Des jeunes présents aux épreuves… Et de rappeler la problématique importante : deux tiers des emplois sont au niveau 5. Rassurez-vous, la logique du ministère est aussi de dire, si on passe le bac pro à 3 ans, il faut pour ne pas perdre de flux rouvrir des CAP. Personnellement, j’irais plus loin en disant, pourquoi ne pas ouvrir quelques secondes technologiques qui permettraient aussi de développer une peu les BTS, dans la proportion nécessaire pour, qu’un jour l’université, s’y intéresse et créent des écoles supérieures de l’hôtellerie et de la restauration. J’y crois et je me battrais toujours là-dessus pour donner une image complète de la carte et une valeur à la filière, qui fasse qu’on peut aller du CAP jusqu’au maximum que l’université française devrait faire. C’est un autre aspect des choses, mais il est important de l’évoquer. C’est vrai que j’ai toujours essayé de défendre les cursus 4 et 3 et l’égalité de traitement entre les bacs professionnel, général et technologique., On est dans le niveau IV et je ne vois pas pourquoi il y aurait des sous bacs…
Bien sûr, la décision de mise en place du bac en 3 ans a été prise par décret, c’est donc une loi. Mais la généralisation va se faire sur la base d’un bac rénové. Donc à créer.
C. N. : Peut-être, mais je le répète, ce qui existait, satisfaisait le plus grand nombre.
C. P. : Il faut comprendre que dans le tertiaire, à part le commercial, il y a très peu d’insertion niveau 5…
C. N. : Passer de quatre ans à trois ans, cela veut dire supprimer des heures… D’enseignement général, de technologie mais aussi et surtout de pratique professionnelle… Cela va manquer. Il va falloir des jeunes en face motivés et d’un niveau scolaire bien supérieur à celui actuel. La profession demande depuis des années qu’une sélection soit faite au niveau du bac professionnel. Elle existait mais elle a été interdite, elle doit absolument être réintroduite.
C. P. : Parmi les 13 600, une proportion va réussir. Que tous réunissent, ce n’est pas évident. Il va falloir que les parents admettent l’intérêt du CAP. Les établissements font beaucoup d’efforts pour donner de l’information. La profession le fait aussi de son côté. L’action coordonnée existe mais la profession a pendant trop longtemps eu un discours négatif en disant que c’était des métiers durs et difficiles… En ce qui me concerne,je le répète, je ne veux pas perdre de flux. Je suis obligé de mettre en application les textes ; mais j’ai alerté tous les corps d’inspection pour dire, attention, on entre dans une logique de généralisation. Si on supprime des structures d’accueille, je demande instamment de bien vérifier à ce qu’on ouvre des CAP. On est à 70% de niveau V, 18/19% de niveau IV et le reste au dessus. C’est clair que cette structure donne satisfaction au secteur et évite la déqualification.
Propos recueillis par Sylvie Soubes |
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