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Quelle eau préférera le client demain ?

Équipements et nouvelles technologies - lundi 29 décembre 2008 12:42
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Devrons-nous bientôt facturer la carafe d’eau servie au restaurant ? L’eau est devenue un nectar, de plus en plus cher et de plus en plus rare. Ce liquide va devenir, plus encore que l’accès à l’énergie, l’enjeu du siècle. C’est en tout cas l’avis de Jean-Luc Fessard, auteur du nouveau blog des experts « Développement durable en CHR ». Il nous fait part ici de ses réflexions.



Une réponse au courrier d’un restaurateur parisien parue dans le numéro 3108 de L’Hôtellerie-restauration du 20 novembre 2008 m’a interpellé et m’a incité à m’interroger sur le problème posé par l’eau dans la relation avec les clients en restauration. Ce restaurateur se plaignait de ne pouvoir facturer 1€ une carafe d’eau prise seule à table. La réponse très juridique et technique expliquait que l’eau, comme le pain sont inclus dans le couvert mis à disposition du client.
Dans un premier temps ma réaction fut l’indignation. J’ai pensé que nous étions au degré zéro de l’hospitalité ! Comment pouvions-nous être devenus des gestionnaires aussi obtus pour vouloir faire payer l’eau que dans d’autres lieux, où elle est rare, une coutume immémoriale veut qu’elle soit offerte avec plaisir par les personnes qui vous accueillent.
Puis, dans un deuxième temps je me suis dit que ce n’était finalement que la suite logique du comportement horripilant adopté par certains serveurs qui n’apportent la carafe d’eau que si le client insiste. De fait, il est légitime pour un commerçant de facturer ses prestations et de privilégier les eaux minérales inscrites à sa carte. C’est là que je me suis demandé quelle allait être la pérennité de ces pratiques…

L’eau n’est pas un produit comme les autres 

L’eau est tellement indispensable à la vie que les scientifiques recherchent des traces d’eau sur une planète pour en déduire une probabilité de vie. Et sur terre il y a paradoxalement très peu d’eau buvable facilement accessible, 1% seulement de toute l’eau de la planète. Et l’un des scandales majeur de notre civilisation est que 1,5 milliard de personnes (dont 26 millions en Europe) n’ont toujours pas accès à l’eau potable, avec les conséquences sanitaires désastreuses qui en découlent. A l’opposé la surconsommation d’eau dans les pays développés (7 fois plus en 50 ans pour la France) est lourde de menaces. L’accès à l’eau sera, plus encore que l’accès à l’énergie, l’enjeu du siècle. L’ONU a recensé 300 points sur le globe où l’accès à l’eau risque d’être à l’origine de conflits armés. De nombreux pays partagent des fleuves et des nappes phréatiques, la tentation est forte pour certains de s’approprier cette richesse. Dans certains pays c’est entre des régions que les tensions se font jour. Aujourd’hui comme pour le pétrole, l’eau est considérée comme une ressource gratuite, les coûts pris en compte sont uniquement ceux de son extraction, de sa distribution et son assainissement. Il n’existe pas de valorisation pour prendre en compte le remplacement de la ressource. 

Mais à qui appartient l’eau ?  

À la communauté locale ? Au pays ? À l’humanité ? À celui qui possède le terrain ? À celui qui installe une pompe ? À celui qui la distribue? Dans certains pays des conflits opposent les communautés locales aux industriels qui détiennent les pompes ou aux distributeurs. Deux des plus grands groupes mondiaux de distribution d’eau sont Français. Ils expliquent qu’ils valorisent simplement leur savoir faire pour collecter, assainir et distribuer l’eau. Et il faut effectivement un grand savoir faire pour réaliser le miracle quotidien d’apporter dans la moindre de nos maisons une eau saine et fraiche que l’on obtient juste en ouvrant le robinet. De nombreuses populations osent à peine rêver de bénéficier un jour de ce luxe inouï. Et n’oublions pas qu’il y a moins de 50 ans que ceci est possible dans nos campagnes. Et la tâche des distributeurs, pour assainir cette eau, se complique de jour en jour avec tous les rejets de pesticides et autres phosphates de notre agriculture intensive (70 % des prélèvements), mais aussi de notre industrie ou encore toutes les substances médicinales et autres que nous rejetons après ingestion. Néanmoins certaines villes estiment que les distributeurs d’eau font des profits excessifs et elles leur retirent les concessions au profit de régies publiques. 

Des qualités d’eau différentes 

Certaines eaux présentent des caractéristiques minérales qui leur confèrent des vertus sanitaires particulières que les clients apprécient. Ce sont ces eaux qu’un restaurant propose sur sa carte. Néanmoins elles présentent deux inconvénients majeurs :
-        Un prix d’achat 250 fois plus élevé que l’eau du robinet*
-        Un bilan écologique médiocre**
C’est pourquoi certaines villes ou communautés urbaines, ont pris l’initiative de favoriser leur propre eau. Paris, Besançon, Grenoble, la Baie du Mont Saint Michel proposent des carafes estampillées du type : La Bisontine, L’eau…
Par exemple, Besançon a diffusé gratuitement un premier lot de carafes aux restaurateurs et elle serait de ce fait présente sur 9 tables sur 10. La ville commercialise même une eau gazéifiée : La Bisontine pétillante « première eau du robinet avec des bulles, 100% durable », qui remporte un réel succès. Elle est vendue dans des bouteilles en verre consignées et les capsules sont apposées par un centre de handicapés. Gageons que cette tendance va s’accroitre et que dorénavant la carafe d’eau locale sera un must qu’un restaurateur se devra de proposer à ses clients. Gageons également qu’avec les traitements de plus en plus sophistiqués qui seront nécessaires et la rareté de plus en plus probable de l’eau potable, le prix de l’eau du robinet sera de plus en plus cher. Alors serons-nous finalement amenés à facturer la carafe ? L’avenir nous le dira mais en attendant, je vous propose plutôt d’inclure l’offre de la carafe d’eau dans votre stratégie d’accueil et de fidélisation de vos clients. Faites-en un réel geste de bienvenue pour vos clients : que le personnel de salle offre spontanément à l’arrivée du client une carafe d’eau et la renouvelle avec gentillesse avant même que le client n’en exprime le souhait.
Pour accompagner ce geste procurez-vous des carafes locales si votre commune a mis en place la stratégie dont je parle plus haut. A défaut, investissez dans de belles carafes. Il y a de grandes chances que vos ventes d’eau minérales diminueront mais soyez certain que cette tendance risque d’être inéluctable avec la prise de conscience écologique actuelle. En revanche, vous renforcerez votre crédibilité d’hôte et votre image « Développement Durable » par un geste simple mais apprécié.


*prix d’achat d’un litre d’eau minérale = 1 € environ, prix d’achat d’1m3 (1000 litres) d’eau du robinet = 4€ environ

**ces eaux sont acheminées de très loin et souvent dans des bouteilles en plastique (pour la vente au grand public). Selon certaines mesures elles rejetteraient en moyenne 200 à 300 fois leur volume en Gaz à effet de serre.

Jean-Luc Fessard

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