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«Le secteur de la restauration devient attractif avec des salaires corrects et des heures de travail de plus en plus maîtrisées»

Emploi - mercredi 21 janvier 2009 13:38
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Wissous (91) Barbara Cohen, gère avec son mari, La Grange aux Dîmes à Wissous (91), un restaurant qui emploie 7 salariés (3en salle, 4 en cuisine) et privilégie une clientèle d’entreprise (fermeture le WE, les jours fériés, trois semaines par an) et les évènements (banquets, mariages). Pour ce couple de restaurateurs, la pénurie de main d’œuvre les a transformé en ‘chercheurs d’employés’, alors que « le secteur devient attractif avec des salaires corrects et des heures de travail de plus en plus maîtrisées ».



Barbara Cohen : «L’arrivée d’un employé de qualité est un bol d’air frais pour l’entreprise, une re-motivation générale et une formation interne quelque fois. La qualité augmente et les clients aussi »
Barbara Cohen : «L’arrivée d’un employé de qualité est un bol d’air frais pour l’entreprise, une re-motivation générale et une formation interne quelque fois. La qualité augmente et les clients aussi »

Pourquoi pensez-vous que le recrutement est un volet particulièrement important dans la gestion de votre entreprise ?
D’une part, parce qu’un restaurant, c’est une petite équipe de personnes qui vivent et travaillent ensemble de manière très soudée, très proche. Il faut intégrer des gens qui vont s’entendre sur des comportements. D’autre part, parce qu’un recrutement raté a un coût non négligeable face une pression économique sans cesse renouvelée (un marché qui nous impose de ne pas faire évoluer nos prix à la hausse contre une forte augmentation des coûts de main d’œuvre du fait de la pénurie sur le marché du travail).

Comment se traduisent les difficultés de recrutement dans votre entreprise ?
Par l’obligation de recruter sans cesse. Ainsi, même si nous avons fidélisé les 2/3 de notre effectif, nous devons recruter régulièrement pour renouveler le personnel qui ne reste pas ou qui se démotive. En 8 ans, un embauché sur 10 reste une durée significative, mais avec les CDD et les apprentis, sans compter les extras (et peut-être une centaine d’intérimaires en 7 ans), mon cahier de personnel compte environ 65 personnes. Ces dernières années, nous avons l’impression que la tendance s’est inversée : les employeurs sont devenus des ‘chercheurs d’employés’. Ainsi, de plus en plus, quand on diffuse une offre d’emploi, les candidats ne contactent pas immédiatement car ils sont sollicités par tous les restaurateurs qui ont un besoin urgent. Son portable devient une mine d’or de propositions et c’est à nous d’être persuasif et percutant  au premier appel.

Autre difficulté, les charges sociales de 70% ne nous permettent pas toujours d’offrir les salaires demandés alors même que la pénurie de personnel nous force à proposer des salaires trop élevés par rapport aux compétences. Enfin, en contre partie des bons salaires qui culminent actuellement en restauration, les horaires sont exigeants (en  coupure l’après-midi, soirée sauf deux soirs), nécessité d’habiter à proximité ou d’avoir une voiture...  

Comment les expliquez-vous ?
Par un changement d’implication dans le métier. On a l’impression que les professionnels de la restauration préfèrent actuellement le tandem interim/assedic ce qui leur permet une grande flexibilité dans leur temps de travail et des “ congés ” payés deux fois. Beaucoup sont déclarés en intermittents du spectacle et s’arrêtent dès qu’ils ont leurs heures.
Il y a aussi un décalage de génération. Au départ, la génération « Google » était dure à gérer car ses aspirations professionnelles étaient très lointaines de notre conception des choses. Ces jeunes veulent tout, tout de suite : les responsabilités, la possibilité de commander et de gros salaires - lol !. Nous avons maintenant compris que pour les canaliser et les motiver il est impératif de leur donner des “ mini ” objectifs régulièrement et de leur donner la possibilité d’exprimer leur créativité. Nous devons maîtriser ce choc entre  deux générations qui ne se ressemblent absolument pas ni ne se comprennent. Chacune d’elles a des talents complémentaires qu’il faut souligner.

A cela s’ajoute une inadéquation entre la formation des jeunes et  nos besoins. Souvent, les titulaires de CAP sont issus de l’échec scolaire, d’autres ont seulement suivi des formations courtes de 6 mois qui sont insuffisantes. Quant aux Bac pro, ils ont des ambitions et des prétentions de salaires qu’on ne peut satisfaire. Les assedic-anpe nous parlent de talents à former en 6 mois et nous les restaurateurs nous parlons de métier ou de savoir faire qui se découvre en deux ans et qui se maîtrise en plusieurs années.

Avez-vous l’impression que la crise économique qui sévit depuis quelques mois facilite l’embauche ?
Heureusement nous n’avons pas encore constaté la crise dans notre établissement et il est probablement trop tôt pour en voir les effets sur l’embauche.

Quelle est votre organisation de travail ?
Nos employés ont deux jours consécutifs plus deux soirées (les mêmes soirs dans la mesure du possible) ce qui nous permet d’appliquer  les 35 heures plus 4 heures supplémentaires (loi avec TEPA). Pour éviter les heures supplémentaires inutiles, nous organisons des roulements et adaptons les heures d’ouverture de notre établissement. En période de fête certains employés ont augmenté leur salaire de près de 60% avec les heures supplémentaires. Tout le monde était content.

Quels sont à votre avis les points –clé pour un recrutement réussi ?
Tout d’abord, il faut investir dans le recrutement. Cela passe par la diffusion pendant plusieurs semaines, d’annonces d’emploi dans la presse spécialisée (ex sur lhotellerie-restauration.fr, la seule qui marche sans vouloir vous flatter pour rencontrer des candidats de qualité).
Ensuite, quand on appelle le candidat, il est crucial de réussir le premier contact téléphonique. Ce premier contact est le moment, de « vendre » notre entreprise et de mettre en avant ce que l’on va leur apporter en terme de formation et d’avancement de carrière (cuisine créative de qualité, horaires, ambiance de travail…)., car le candidat veut “ s’éclater ” dans son travail et surtout évoluer très vite. Finalement nous sommes devenus des  chasseurs de têtes soumis au bon vouloir des candidats. C’est frustrant mais le patron qui croit encore avoir le pouvoir parce que c’est lui qui paye est toujours en manque de personnel. Il s ‘éreinte au travail et perd la joie et le temps pour la création et le maintien à niveau de son entreprise.

Le salaire est-il selon vous un critère essentiel pour qu’un salarié accepte un poste ?
Pour les meilleurs et les plus motivés le salaire, même s’il doit être adapté à leur “ niveau ”, n’est pas forcément le critère essentiel. A noter cependant que le Smic horaire est rédhibitoire pour les employés de qualité. 

Et pour l’après embauche, quelle est votre vision des choses ?
Pour moi, un recrutement réussi ne s’arrête pas au moment où on a trouvé un candidat qui accepte le poste. Une fois le contrat signé, c’est aussi à nous d’être attentifs à leurs ambitions, d’essayer de les valoriser, de prendre la peine de dire ‘c’est bien’ et de les responsabiliser, et à anticiper sur l’évolution des salaires dans le secteur.
Propos recueillis par Tiphaine Beausseron

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