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Malgré la crise, l’hôtellerie de luxe trouve de nouveaux créneaux

Conjoncture - lundi 5 janvier 2009 15:20
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L’hôtellerie de luxe 4 étoiles et 4 étoiles luxe (bientôt 5 étoiles) affiche, depuis quelques années, des résultats exemplaires. Pour en comprendre les modes de fonctionnement, le bureau d’études Précepta en a démonté tous les mécanismes (financiers, et commerciaux) et a tenté de dresser un tableau de son avenir au plan international. Une analyse fouillée, qui aidera peut-être les nouveaux investisseurs qui souhaiteraient investir ce créneau.



Malgré un contexte économique morose, et une diminution de la croissance mondiale, qui passe de 5,8 % en 2007 à 2,3 % en 2008, les établissements hôteliers haut de gamme maintiennent le cap. La forte augmentation de 2007 s’est prolongée au cours des six premiers mois de 2008, avec une hausse de 5 % de fréquentation. De nombreux indicateurs sont encore au vert : les voyages dans le monde sont en hausse de 6,6 % (contre 4,5 % en 2006), avec 900 millions d’arrivées dans le monde. Le tourisme se développe partout, notamment en Asie et au Moyen Orient (+ 16,6 %), mais aussi en Europe, la première destination touristique qui représente 54 % des arrivées dans le monde. Dans le même temps, les touristes dépensent davantage et les recettes touristiques augmentent (856 milliards d’euros en 2007 contre 625 l’année précédente). Le tourisme de luxe en profite, même s’il ne représente que 3 % du marché global, avec 25 millions d’arrivées de voyageurs individuels. Il représente tout de même 25 % des dépenses touristiques (d’après une enquête réalisée par l’ILTM en 2007).

Une demande diversifiée et volatile

Le profil des visiteurs ‘luxe’ a changé. L’arrivée des nouveaux milliardaires, les 100 000 qui, en 2007, ont un patrimoine financier de plus de 30 millions de dollars hors résidence principale, ainsi que les nouveaux riches des pays émergents (10 millions avec un revenu de plus de 1 million de dollars), forment le cœur de cible. Mais il faut aussi compter sur les clientèles plus ‘modestes’ avec un pouvoir d’achat satisfaisant qui “s’offrent ponctuellement une nuit dans un hôtel de luxe”. Quelques traits communs identifient ces populations : plus jeunes que leurs aînés, ils ont le goût du beau, des plaisirs, et ont surtout une soif de consommation pour tout ce qu’il y a de mieux et de plus cher. Ces nouveaux milliardaires ont des origines diverses, que ce soit la Chine, l’Inde, le Moyen Orient, mais aussi le Brésil ou la Russie. Dans tous les cas, habitués au luxe dans leur vie quotidienne, ils vont révolutionner les habitudes des palaces, avec de nouveaux besoins et des comportements qui ne sont plus ceux de leurs aînés.

En France, l’hôtellerie haut de gamme a bien profité de la clientèle loisirs

En France, les hôtels de luxe, avec leurs 10,7 millions de touristes, ont profité, tout autant que les autres, des bons résultats de 2007. Mais les séjours se sont modifiés. Ils sont plus longs, supérieurs à la moyenne nationale (2,11 jours contre 1,84 dans l’hôtellerie française), grâce notamment à une forte proportion de clientèle ‘loisirs’. À Paris, qui représente 30 à 40 % du parc chambres 4 étoiles de la France entière, les taux d’occupation affichaient, en 2007, 75 % pour les 4 étoiles luxe et 73,3 % pour les 4 étoiles, alors que le RevPAR pour ces hôtels était 1,25 fois plus élevé que le RevPAR national.

En 2009, pourtant, les hôtels de luxe devraient subir les effets de la crise, en raison de facteurs extérieurs qui ne vont pas jouer en sa faveur : l’euro restera toujours fort et la croissance mondiale sera limitée à 1 %. Les taux d’occupation des hôtels devraient donc logiquement subir une légère décélération, en affichant un taux d’occupation à 74 % contre 73,5 % en 2008 pour les 4 étoiles luxe, et 72 % contre 72,5 % pour les 4 étoiles. La croissance des prix moyens, d’après Précepta, devrait tomber à 1 % dans le 4 étoiles standard et à 0,5 % dans le 4 étoiles supérieur. Les RevPAR vont être freinés de la même manière, avec un RevPAR plafonné à 117,7 en 2008 et 118 en 2009 pour les 4 étoiles, alors que dans les 4 étoiles luxe, il passera de 265,5 à 268,7. Les performances des hôtels seront moins évidentes, avec une croissance de seulement 1 % du chiffre d’affaires en 2009, ce qui devrait affecter les résultats de l’hôtellerie haut de gamme, pénalisés par les charges en frais de personnel toujours plus élevées que la moyenne (aux alentours de 36,7 % en 2009, contre 33 % dans le secteur hôtelier dans son ensemble). Par ailleurs, les hôtels vont devoir effectuer d’importants projets de modernisation, en raison de la refonte des nouvelles normes. Pour les auteurs de l’étude, en raison des moindres performances économiques dus à la crise et des engagements financiers auxquels les hôtels vont devoir faire face, les résultats dans l’hôtellerie haut de gamme vont s’inverser dans l’année à venir et le taux de résultat devrait se situer aux alentours de 5,6 % du chiffre d’affaires.

L’hôtellerie haut de gamme en France : une industrie concentrée

Pourtant, dire que si l’hôtellerie haut de gamme tousse, c’est tout le secteur qui est en souffrance, serait une aberration. Celle-ci ne représente que 5 % du parc en nombre d’hôtels et 10,1 % du parc en nombre de chambres. Néanmoins, elle joue un rôle moteur dans le développement de l’hôtellerie française. De plus, si ce secteur perd globalement des hôtels (10,9 %), l’hôtellerie haut de gamme, elle, progresse en moyenne de 4 % par an entre 2000 et 2008. Deux régions concentrent à elles seules trois quarts des hôtels 4 étoiles : l’Île-de-France et Paca, avec pour la première des hôtels de plus grande capacité (129,7 chambres contre 74,4 chambres pour la catégorie 4 étoiles en France).

D’après l’étude, ce sont les groupes français et américains qui sont les plus présents sur ce créneau. À eux seuls, ils représentent 37 enseignes, près de 200 hôtels et plus de 35 000 chambres (soit plus de la moitié du nombre total de chambres sur ce segment de marché). Les groupes français représentent par ailleurs 40 % des capacités d’accueil en termes de chambres, suivis par les Américains, dont le principal reste Starwood Hotels and Resorts, représenté sur le secteur avec plus de 12 800 chambres.

Les Français cherchent à se déployer à l’international

Pour faire face à la crise, et s’imposer sur le marché, Précepta a voulu montrer que tous les groupes hôteliers sur ce secteur du haut de gamme poursuivent des stratégies parallèles. En France, il existe deux stratégies : soit s’appuyer sur le repositionnement des marques, notamment en effectuant une montée en gamme des marques les plus prestigieuses, comme Sofitel pour Accor ou Concorde, et le tourisme d’affaires ; soit jouer sur la création de nouvelles marques, comme Pullmann pour Accor, ou le lancement de nouvelles chaînes comme Le Crillon. Mais le vrai challenge réside à l’international. Il faut accroître le réseau, une stratégie pratiquée par tous les groupes intégrés comme Accor avec les marques Sofitel, Pullman, mais aussi le Groupe du Louvre avec Le Crillon, ou encore Lucien Barrière qui se positionne sur le Maroc. La philosophie est d’ailleurs la même pour les chaînes volontaires qui sont tournées vers le monde, comme Relais et Châteaux avec plus de 350 références dans plus de 50 pays, Hôtels et Préférences avec une quinzaine d’hôtels en Europe, Exclusive Hotels et ses 16 hôtels en Europe, ou Châteaux et Hôtels Collection.

Les groupes étrangers recherchent une enseigne sur Paris à tout prix

Pour les groupes étrangers, Paris reste l’enjeu numéro 1, rappelle Précepta. Ainsi, sur les quatre dernières années, et dans les trois prochaines années, de nouvelles marques vont ouvrir : Mandarin Oriental, Shangri La, et Raffles par exemple. Dans le même temps, ceux qui sont déjà sur place vont renforcer leur positionnement : Starwood avec l’acquisition d’un nouvel hôtel de 350 chambres, IHG , Marriott, alors qu’Hilton Hotel Corporation cherche activement à implanter sa nouvelle marque Double Tree.

Les nouvelles tendances du luxe

Au-delà du développement, il faut inventer de nouveaux concepts. Les directions marketing déploient des efforts de créativité pour atteindre tous les segments de clientèle et multiplient les innovations et les offres, tant au niveau de l’équipement des chambres, que sur les services et la commercialisation (cf. notre encadré).

Par ailleurs, les hôtels vont prêter leurs espaces aux shows et organisations d’évènementiels. C’est même devenu un axe de développement fort pour Le Méridien par exemple. Autre forme de diversification, la multiplication de suites dans les hôtels. Cet aménagement permet non seulement d’augmenter les RevPAR, comme nous l’ont confirmé les dirigeants des Hotels Mont Royal à Chantilly, ou au Park Hyatt Vendôme.

Enfin, les groupes hôteliers vont être confrontés à une nouvelle concurrence. Depuis quelque temps, des grands noms du luxe associés à des fonds d’investissements ou des groupes financiers s’intéressent à l’hôtellerie et y apposent leur marque. Cet effet de ‘co-branding’ a commencé à se développer notamment avec Versace en Australie et Dubaï, Armani à Dubaï, Ferragamo en Italie ou Christian Lacroix à Paris dans les hôtels du Petit Moulin ou au Bellechasse.

Et internet ?

Enfin, internet reste encore l’un des secteurs les plus négligés à ce jour. Ce qui est d’ailleurs le cas de l’hôtellerie en général. En effet, si les ventes en ligne se sont multipliées par 2 entre 2007 et 2008, les chambres d’hôtels n’arrivent qu’en 3e position du classement des produits touristiques les plus achetés, avec 10 % des réservations hôtelières, loin derrière les achats de billets de train (68 %) ou d’avion (53 %). Mais dans le luxe, le contact avec le client reste encore une forme de communication privilégiée. Toutefois, certaines chaînes ont choisi de développer leurs réservations en ligne sur leur propre site. C’est le cas de Best Western (plus de 40 % des réservations), alors que d’autres, comme Mercure, souhaitent refondre le site pour vendre plus (actuellement 12 % des réservations) ou encore avec des projets comme pour la chaîne Hilton, qui cible 25 % de ses ventes en 2009 sur internet (contre 10 % en 2008).

L’hôtellerie du luxe fait donc l’objet de développement tous azimuts. S’il est inévitable, ce développement doit néanmoins garder de justes proportions. Car ce qui fait le charme du luxe, c’est justement ce côté irrationnel et mystérieux. À vouloir plaire au trop grand nombre, le luxe risquera de perdre son âme. “Le secret, n’est-ce pas de rendre une marque de luxe désirable par tous (notoriété) et non accessible par la majorité (diffusion) ?” La crise économique pourrait bien ralentir l’expansion, et ceux qui auront su conserver leur identité de marque seront assurément les vainqueurs de demain.

Évelyne de Bast

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