L'Hôtellerie Restauration No 3845

Vos parents ont fondé les Prés d’Eugénie. Comment qualifieriez-vous l’héritage qu’ils vous ont transmis ? Nos parents étaient deux rêveurs éveillés, capables de concrétiser leurs rêves. Les Prés d’Eugénie, c’était leur grand projet : transformer une belle endormie en un lieu de délices, de nature et de poésie. Depuis 1974, cet esprit n’a pas bougé. Aujourd’hui, on perpétue cette philosophie avec Adeline [sa sœur, NDLR]. À l’heure où l’hôtellerie devient parfois trop formatée, presque froide, notre maison reste profondément humaine. Elle célèbre les histoires, la nature, les belles choses. Ce n’est pas une maison parfaite, mais elle est vivante. Comment envisagez-vous l’avenir des Prés d’Eugénie? Nous souhaitons en préserver l’essence, tout en la faisant évoluer subtilement. Il ne s’agit pas de rupture mais d’ajustements. Par exemple, nous refusons d’intégrer une domotique gadget dans les chambres. Le confort doit rester actuel, sans perdre le charme ni l’authenticité. Avec nos enfants, nous avons aussi pensé à l’accueil des familles. Un kids club a vu le jour l’été et, plus largement, nous avons introduit une touche de décontraction dans la maison. Le réveillon du 31 décembre est un bon exemple : Éléonore Guérard : “Les Prés d’Eugénie est une maison vivante” Un an après la disparition de Michel Guérard, Éléonore et Adeline veillent sur l’âme de l’établissement fondé par leur père et leur mère, Christine, il y a cinquante ans. Rencontre avec Éléonore Guérard, qui évoque un héritage à faire vivre, entre fidélité et renouveau. L’Hôtellerie Restauration • Mai 2025 HÔTELLERIE 20 a un œil très sûr, une vraie culture du bâtiment et de l’objet. Pour ma part, je me charge de la communication, du marketing, de la direction artistique, des newsletters, de la création d’expériences. Nous dirigeons également ensemble la Chaîne thermale. Et sur place, deux directeurs assurent le pilotage opérationnel. Votre père a conservé ses trois étoiles Michelin jusqu’à la fin. Comment voyez-vous l’évolution de la cuisine aux Prés d’Eugénie? La cuisine est une signature forte ici. Elle a brillé pendant 47 ans sous le nom de notre père, et le guide Michelin nous a renouvelé sa confiance pour la 48e année. Depuis 2017, Hugo Souchet, disciple de notre père, est chef des cuisines. Avec lui, nous avons fait évoluer la cuisine dans une démarche collégiale, fidèle à ce que notre père nous a toujours appris. Il nous a éduquées, depuis très longtemps, pour que les propositions culinaires qui sont faites soient toujours challengées et travaillées à plusieurs. Depuis 2021, la cuisine a été épurée, affinée, toujours en lien avec la nature, le respect du corps. Elle est franche, goûteuse, poétique, avec des goûts nets, des touches d’acidité, d’amertume. La cheminée reste la reine de la cuisine, pour des cuissons à la braise maîtrisées. Les recettes ont évolué, mais l’esprit reste intact. Mon père n’était pas conservateur ; il adorait la nouveauté. Nous avons aussi un second restaurant [qui a obtenu une étoile Michelin dans le classement 2025, NDLR], plus “casual”, avec une cuisine de santé et les classiques intemporels de Michel Guérard, qui n’ont plus leur place dans une configuration trois étoiles, mais qui continuent à ravir les convives. il y a quelques années, j’ai commencé à les thématiser, et depuis deux ans, on termine la soirée par une vraie boum. On a envie d’ajouter une pincée de légèreté, de fun. Nos parents ont donné une âme au lieu ; à nous d’y apporter fraîcheur et clins d’œil. Qu’attendent les clients aujourd’hui, selon vous? Ils cherchent une forme de luxe plus charmante, plus légère, parfois même drôle. Il faut de l’élégance, bien sûr, mais aussi de la fraîcheur, de l’espièglerie. C’est une nouvelle façon d’habiter un lieu de prestige, plus libre et sincère. Comment vous partagez-vous les responsabilités avec Adeline ? Nous avons des compétences très différentes et très complémentaires. Adeline s’occupe de la gestion, des ressources humaines, des finances, des travaux et de la décoration. Elle Éléonore et Adeline Guérard ont repris l’établissement familial. © Les Prés d’Eugénie Michel et Christine Guérard, aux Prés d’Eugénie.

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