L'Hôtellerie Restauration No 3845

De l’info, des métiers, des passions MAI 2025 Hôtellerie pourquoi les bornes de recharge deviennent un service incontournable 20 Éléonore Guérard : “Les Prés d’Eugénie est une maison vivante” 24-25 Des emballages et couverts à croquer 22-23 N° 3845 Comment gérer les jours fériés 28

De l ’info, des métiers, des passions N°3845 Ce numéro est composé de 40 pages. RÉDACTION redaction@lhotellerie-restauration.fr 5 rue Antoine Bourdelle 75737 Paris Cedex 15 lhotellerie-restauration.fr EMPLOI & ANNONCES 01 45 48 64 64 pa@lhotellerie-restauration.fr FABRICATION Éditeur SAS SEPT – Dépôt légal à parution ISSN : 2117-8917 Commission paritaire n°0925T79916 Directeur de la publication O. Milinaire Imprimeurs Roularta Printing – Meiboomlaan 33, B-8800 Roeselare Origine du papier : Allemagne Taux de fibres recyclées : 64% Eutrophisation : Ptot 0,008 kt/tonne PUBLICITÉ 01 45 48 55 85 pub@lhotellerie-restauration.fr Prix au n° : 3,33€ (mensuel) ABONNEMENT 01 45 48 45 00 abo@lhotellerie-restauration.fr L’Hotellerie Restauration • Mai 2025 3 6 ACTUALITÉ Des hôteliers français et espagnols lancent une action collective contre Booking 8 ACTUALITÉ Essendi : un nouveau nom pour AccorInvest 17 RESTAURATION À Rennes, Virginie Giboire cuisine aussi l’adaptation 18 HÔTELLERIE Bérangère Loiseau, prête à écrire la suite de l’histoire du groupe Loiseau 20 HÔTELLERIE Éléonore Guérard: “Les Prés d’Eugénie est une maison vivante” 22 TENDANCES GREEN Les bornes de recharge: un service incontournable 24 TENDANCES GREEN Des emballages et couverts à croquer 28 JURIDIQUE Comment gérer les jours fériés 29 HYGIÈNE Produits d’entretien et écologie: le bon ménage 32 EMPLOIS & ANNONCES O res d’emploi – Fonds de commerce – Gérances – Concessions SOMMAIRE Retrouvez notre engagement pour la planète © DR © Le Lion d’or © Jonathan Thevenet ABONNEZ VOUS POUR ACCÉDER À TOUS NOS SERVICES ! pour 3,33€ / moisseulement [interruption sur simple demande] Tous nos numéros par courrier et/ou au format numérique © Olivier Marie

ÉDITO 4 L’Hôtellerie Restauration • Mai 2025 Le 1er mai est le seul jour férié légal, c’est-à-dire accordé par le code du travail, qui doit être obligatoirement chômé : en principe, il n’est pas travaillé mais doit quand même être payé. Comme pour tout principe, il est prévu des exceptions “pour les établissements et services qui, en raison de la nature de leur acticité, ne peuvent interrompre le travail”. Mais le code du travail ne donne pas de liste des établissements et services susceptibles de bénéficier de cette exception. La position administrative constante était de considérer que peuvent se prévaloir de cette dérogation les établissements bénéficiant d’une dérogation au repos le dimanche, comme les hôtels, cafés, restaurants. Un arrêt de la Cour de Cassation de 2006 a remis en cause cette tolérance, demandant aux entreprises d’établir que la nature de l’activité ne permet pas d’interrompre le travail le 1er mai. Si les boulangers et les fleuristes étaient sous les feux de l’actualité pour ce 1er mai 2025, les restaurateurs n’ont pas été oubliés. L’inspection du travail a cherché à dissuader certains professionnels d’ouvrir le 1er mai, quand d’autres ont été verbalisés pour avoir ouvert ce jour-là. Alerté, le GHR a demandé au ministère du Tourisme et du Travail de faire respecter le droit. Des préfets et des maires sont également intervenus afin de rappeler à ces inspecteurs du travail le droit pour les CHR de travailler le 1er mai. En vain. Deux sénateurs centristes ont déposé une proposition de loi visant à permettre de déroger plus facilement au principe du repos le 1er mai. Le texte sénatorial entend aligner les règles autorisant le travail le 1er mai sur la dérogation permanente du droit au repos le dimanche. Une loi qui mettrait fin à cette insécurité juridique. Travailler le 1er mai en toute sécurité Retrouvez l’intégralité des éditos de la rédaction lhotellerie-restauration.fr/actualite/theme/edito Pascale Carbillet

JUSTICE Des hôteliers français et espagnols lancent une action collective contre Booking HÔTELLERIE La Fondation : quand la détente, le travail et le bien-être s’unissent pour le meilleur Les cabinets d’avocats Eskariam en Espagne et Geradin Partners à Paris sont bien décidés à en découdre avec les pratiques de Booking. Le tandem a pour objectif d’obtenir réparation pour les pertes liées aux commissions jugées excessives de la plateforme. Pour ce faire, les cabinets se basent notamment sur une décision de la Cour de justice de l’Union européenne de septembre 2024, remettant en question les clauses de parité tarifaire de Booking. Les hôteliers ayant utilisé Booking entre 2015 et 2024 peuvent évaluer dès à présent leur préjudice potentiel sur le site créé pour l’occasion (actioncollectivehotel.fr), et rejoindre cette action collective “sans avance de frais”. Selon le site, “les hôtels indépendants pourraient percevoir des dizaines, voire des centaines de milliers d’euros d’indemnisation. Pour les chaînes, les préjudices se chiffrent en millions d’euros. En France, les pertes totales des hôteliers sont estimées à 1,5 milliard d’euros”. La demande en indemnisation devrait être déposée devant le tribunal des activités économiques de Paris à l’automne. harmonieuse. Le projet La Fondation a abouti, le 29 avril, à l’ouverture de cette “résidence d’esprits libres”. Sur une superficie totale de 10500m², l’établissement regroupe désormais un hôtel 5 étoiles de 58 chambres et plusieurs espaces de restauration, mais également des bureaux, un centre sportif et de bien-être, et un espace événementiel et d’expositions. Couronnant l’ensemble, 1500m² de jardins suspendus ont été créés, afin d’offrir aux usagers et clients une respiration sur l’extérieur. Cet ensemble atypique est géré par l’opérateur Terlia. Pendant dix ans, Galia a travaillé de concert avec le cabinet d’architecture PCAStream, fondé et dirigé par Philippe Chiambaretta, pour réunir un ancien parking du XVIIe arrondissement de Paris, l’immeuble de bureaux voisin et un studio photo donnant sur la rue voisine, avec l’idée ambitieuse de proposer un lieu de partage inédit où les usages loisirs, travail et bien-être cohabitent de façon © SALEM MOSTEFAOUI/PCA STREAM © DR CONCOURS Le Trophée Mille international 2025 dévoile ses gagnants Le 28 avril, le Centre des congrès de Reims a accueilli la finale de la 14e édition du Trophée Mille international. Trente candidats venant de onze pays se sont retrouvés pour sublimer le patrimoine culinaire et l’art de recevoir, en présence du parrain de l’événement, le chef doublement étoilé Marc Haeberlin, et du président d’honneur, Philippe Mille, chef d’Arbane (1 étoile) et Meilleur ouvrier de France. Pour l’épreuve de cuisine-pâtisserie, Franca Kaufmann et Moritz Stritter, représentant l’Allemagne, ont raflé la première place du podium, suivis par les équipes tchèques et ukrainiennes. Margaux Saint-Arroman et Younes Dahhane, élèves du lycée Gustave Eiffel de Reims, ont remporté le prix du jury de l’esprit d’équipe. Le duo français formé par Lola Guiho et Hugo Schubnel (CEFPPAAdrien Zeller d’Illkirch-Graffenstaden) s’est illustré en gagnant l’épreuve de service-sommellerie. Les Pays-Bas et la République tchèque sont arrivés en deuxième et troisième positions. 51E ÉDITION Clément Réauté et Lucie Billon sont les champions de France du Dessert Au terme de presque cinq heures d’épreuves, Clément Réauté et Lucie Billon ont remporté le titre de champions de France du Dessert 2025, respectivement en catégories professionnels et juniors. La grande finale a eu lieu au lycée des métiers Louis Guilloux, à Rennes, les 2 et 3 avril derniers. Clément Réauté, second de pâtisserie du restaurant Fleur de Loire à Blois, a confié son “immense fierté d’obtenir le titre de champion”, grâce à son dessert Agrumes du Froid. Lucie Billon a, quant à elle, expliqué avoir “énormément travaillé ces derniers mois, au prix de nombreuses nuits écourtées. Cette victoire est une très belle récompense”. Elle est actuellement élève à l’École Ferrandi Paris, campus Rennes. Pour la 51e édition de ce concours organisé par Cultures Sucre, le jury était présidé par Franck Putelat, deux étoiles à la Table de Franck Putelat à Carcassonne. © 2MSTUDIO © JULIEN BOUVIER/CULTURES SUCRE L’Hôtellerie Restauration • Mai 2025 LES TEMPS FORTS DU MOIS 6

L’Hôtellerie Restauration • Mai 2025 LES TEMPS FORTS DU MOIS 8 UN CABARET SOLIDAIRE L’école hôtelière de Paris Jean Drouant innove avec “La Dame Drouant” FORMATION Les étudiants du lycée hôtelier de Nice aux commandes du Mercure Sophia Antipolis HÔTELLERIE Marriott acquiert l’enseigne lifestyle CitizenM HÔTELLERIE Essendi : un nouveau nom pour AccorInvest Le 3 avril dernier, l’école hôtelière de Paris Jean Drouant a organisé un événement inédit dans le paysage de l’enseignement hôtelier : une soirée cabaret intitulée La Dame Drouant, réunissant 120 convives dans une ambiance festive et résolument contemporaine. Pensé comme un dîner-spectacle, cet événement s’inscrivait dans le cadre du projet pédagogique Chicago 2025, destiné à financer un voyage d’étude aux États-Unis pour une classe d’élèves. Pour l’occasion, deux artistes drag queens, LadyMax et Miss Fein, ont offert une performance haute en couleur, mêlant humour, glamour et émotions, saluée par une salle enthousiaste. Une démarche audacieuse qui marque un tournant dans l’approche pédagogique de l’école, affirmant sa volonté de conjuguer transmission des savoir-faire et engagement sociétal. Les étudiants de première année de BTS Management hôtellerierestauration du lycée Jeanne et Paul Augier à Nice ont pris les commandes de l’hôtel Mercure Sophia Antipolis, dirigé par JeanLuc Passion, dans le cadre du projet L’hôtel est à vous, porté par le groupe Grappe Hospitality. Après plusieurs séances de préparation au lycée et sur site, les 19 étudiants ont occupé tous les postes : réception, housekeeping, restauration, bar, RH, commercial, cuisine ou encore direction. Le groupe américain Marriott a annoncé le 28 avril la conclusion d’un accord pour l’acquisition de l’enseigne lifestyle néerlandaise citizenM ainsi que de la propriété intellectuelle associée, pour un montant de 355M$ (environ 295M€). Ce rachat a pour ambition “d’accélérer son expansion sur le segment lifestyle et select-service”, gamme d’hôtels qui garantissent des services essentiels haut de gamme, sans superflu, à destination de clients soucieux du rapport qualitéprix. Groupe fondé par Rattan Chadha et Michael Levie en 2008, CitizenM compte à date 36 hôtels (soit 8544 chambres), dans plus de 20 villes aux États-Unis et en Europe (notamment New York, Londres, Paris et Rome), et en Asie-Pacifique. Le portefeuille comprend également trois hôtels en construction (plus de 600 chambres), dont l’ouverture est prévue d’ici mi-2026. Le propriétaire et exploitant hôtelier AccorInvest, ancien pôle immobilier d’Accor, a dévoilé sa nouvelle identité lors d’une conférence organisée à la Maison de la Mutualité à Paris, le 28 avril : un nouveau nom, Essendi (du latin “ce qui doit être”), et une nouvelle signature, “places that thrive” (des lieux qui prospèrent). Engagé dans une importante restructuration depuis 2020, le groupe assoit ainsi sa stratégie et sa volonté d’incarner une hôtellerie plus responsable et performante. Essendi est propriétaire et exploitant de 576hôtels en Europe, essentiellement en catégories économique et milieu de gamme, opérés sous enseigne Accor, qui détient encore 30% des parts du groupe. En février dernier, Accor a annoncé sa volonté de se désengager de son ancien pôle immobilier, ce qui ouvrira la porte aux autres opérateurs hôteliers. L’axe de la responsabilité sociétale et environnementale (RSE) est clairement énoncé dans la stratégie d’Essendi, avec l’engagement que tous ses hôtels soient certifiés Clef verte d’ici 2026, la réduction de 50% des émissions de GES d’ici 2030 et la neutralité carbone en 2050, a annoncé Gilles Clavié, son PDG. NOMINATIONS Cedric Grolet nommé chef pâtissier exécutif de l’Hôtel de Paris Monte-Carlo Philippe Vignon, nouveau directeur général de Glion Institute of Higher Education Jean-Marie Trancher prend la direction du Byblos Saint-Tropez Laetitia Barchewitz est la nouvelle directrice générale du Canopy by Hilton Paris Eiffel Tower Kristin Thorsteinsdottir devient responsable du développement en France, Turquie et en région CEI pour IHG Coline Pont remplace Brune Poirson au poste de directrice du développement durable d’Accor © MARIE ELKAÏM © DR

L’Hôtellerie Restauration • Mai 2025 LES TEMPS FORTS DU MOIS 10 TROPHÉE Côme Descheemaeker, lauréat du Faisselle challenge 2025 L’École de Paris des métiers de la table (Paris), a accueilli, le 10 avril, la finale du Faisselle challenge. Les six candidats se sont affrontés sur trois épreuves de dressage à l’assiette à l’issue desquelles, le jury, présidé par Johanna Le Pape, pâtissière et championne du monde des arts sucrés, a désigné les vainqueurs : Côme Descheemaeker, élève à Ferrandi Paris – Campus de Rennes, a remporté le trophée d’or, Elisa Perrin (Institut Lyfe à Écully), le trophée d’argent, et Elsa Augusto (lycée Emilie du Chatelet à Serris), le bronze. CAFÉ Maia Chatain et Jeanne Grueghe remportent le concours Malongo Les 2 et 3 avril, 23 candidats de niveau CAP/bac et BTS en école hôtelière ont participé à la finale nationale du concours du Jeune professionnel du café Malongo, qui se déroulait au lycée Paul Augier de Nice. Expresso, cappuccino, maîtrise du slow café et confection d’une boisson signature ont ponctué ces deux journées. Sous le regard de la cheffe étoilée Nadia Sammut, marraine de l’édition, et de Clémentine Alzial, directrice générale de Malongo, les élèves de CAP/bac et BTS ont montré l’étendue de leurs connaissances. Au terme des deux jours d’épreuves, ce sont Maïa Chatain, en catégorie CAP/bac, et Jeanne Grueghe, en catégorie BTS, qui sont montées sur la première marche du podium. FESTIVAL Festiv’Halles : le goût de la transmission en Normandie L’édition 2025 du Festiv’Halles, au Havre, a une nouvelle fois réuni la Normandie autour de ses produits et de sa jeunesse, le 28 mars dernier. Le rendez-vous a réuni 650 jeunes issus des lycées professionnels de toute la région et près de 300 professionnels au lycée Jules Le Cesne, au Havre (Seine-Maritime). Derrière cette mécanique bien huilée, on retrouve Xavier Levassort, directeur des formations du lycée et président de l’événement, qui défend une vision inclusive des métiers de bouche : “Le but, c’est de montrer que nos jeunes ont du talent, qu’ils peuvent rêver plus grand.” Le festival s’organisait autour de différents espaces : recrutement, démonstrations culinaires, marché pédagogique… © DR © DR cafés, hôtels et restaurants, pour la 3e fois consécutive. Ainsi, l’Umih redevient la seule organisation patronale de la branche à disposer du pouvoir de conclure seule des accords ou d’exercer un droit d’opposition, dans le cadre de la négociation sociale. Un résultat dont s’est félicité Thierry Marx, président confédéral de l’organisation syndicale. CONCOURS Le Renouveau remporte la finale concours écoles Président Professionnel 2025 La finale de la 12e édition du concours écoles Président Professionnel s’est tenue le 20 mars dernier au siège de Lactalis, à Laval (Mayenne). L’école hôtelière Le Renouveau de Saint-Genest-Lerpt (Loire) a remporté cette édition, représentée par Yoann Fernandez (cuisine) et Maxence Bayl (commercialisation & services), accompagnés de leurs enseignants Simon Degraix et Luc Safanjon. Leur menu a retenu l’attention du jury, présidé par Paul Pairet. Le lycée hôtelier Jean Monnet de Limoges (HauteVienne) prend la deuxième place avec Quentin Rual et Adrien Ausems, encadrés par Aurélien Girard et Sandrine Beldio. Le lycée Jeanne Delanoue de Cholet (Maine-et-Loire) complète le podium grâce à Théo Renaud et Nolan Rousselot, accompagnés d’Adeline et Nicolas Laporte. Les lauréats remportent un repas et une immersion en cuisine au restaurant L’Écrin de l’Hôtel de Crillon (Paris), ainsi que des équipements professionnels d’une valeur de 500€ chacun. SYNDICAT L’Umih est la seule organisation patronale majoritaire du secteur Les résultats provisoires de la représentativité patronale pour la période 2024-2027, publiés par l e Haut Conseil du dialogue social, confirment la position de leader de l’Umih dans la branche des © DR © DR

12 L’Hôtellerie Restauration • Mai 2025 ACTURESTAURATION Le chef étoilé d’origine libanaise Alan Geaam a été fait chevalier de l’ordre du Mérite agricole et a reçu sa décoration des mains de Guillaume Gomez, ambassadeur de France de la Gastronomie et ancien chef des cuisines de l’Élysée. La cérémonie s’est tenue à l’Auberge Nicolas Flamel à Paris, premier restaurant ouvert par le chef, en 2007. “Cette récompense représente pour moi des années de travail, de sacrifices et de persévérance [et] constitue un nouveau chapitre de ce “rêve français” que je suis en train de vivre. Je vais continuer à rêver encore et toujours, mais aussi à donner de l’espoir aux personnes qui, tout comme moi sont autodidactes ou qui rencontre de nombreuses difficultés : on peut y arriver ! Avec le travail, le courage, et surtout en ne baissant jamais les bras face aux échecs”, a confié Alan Geaam. Alan Geaam nommé chevalier de l’ordre du Mérite agricole DÉCORATION Jarvis Scott signe une cuisine rock’n’roll à Trouville-sur-Mer Turbulent. C’est en relisant d’anciens bulletins scolaires, lors de son déménagement, que Jarvis Scott a décidé du nom de son premier restaurant. Le chef de 29 ans, ex-Top Chef, a choisi de poser ses couteaux Trouville-sur-Mer (Calvados). “Je voulais voir l’horizon. Ce n’est pas loin de Paris et de mes amis, et il y avait une place à prendre pour un établissement proposant une cuisine d’instant et d’instinct”, confiet-il. Jarvis Scott y élabore depuis octobre dernier une “cuisine assez rock’n’roll” : Tripes, pomme de terre et jus de bouillabaisse au dashi, Asperges vertes façon KFC, mayonnaise à l’ail des ours et sauce XO de shiitake... “Il n’y a rien d’écrit, pas de fiche technique…C’est au goût et à la main du cuisinier ”, poursuit-il. Le chef rock’n’roll espère ouvrir par la suite un bar à vin et tapas à Trouville ou Deauville, et installer à terme un “restaurant gastronomique dans un grand domaine ou un haras”. OUVERTURE © Pepa La restauration doit “repartir à la conquête” des territoires, alerte Alain Fontaine Suite à l’annonce du groupe McDonald’s de sa volonté de s’implanter davantage en milieu rural, l’Association française des Maîtres restaurateurs (AFMR) enjoint les professionnels à “repenser [leur] vision de la restauration française”. “Si McDonald’s et ses franchisés investissent dans les villes de moins de 3000habitants, c’est bien que nous avons laissé le champ libre”, regrette Alain Fontaine, son président. Et d’alerter : “Nous ne devons pas abandonner la restauration du quotidien, celle qui était disponible dans tous les territoires et pour tous nos concitoyens”, mais au contraire “repartir à la conquête” des territoires. Alain Fontaine rappelle que la restauration française “a tous les moyens à sa disposition pour reprendre pied dans tous les territoires, pour leur plus grand profit économique et social”. FACE À MCDONALD’S © Anthony Guerra © DR Kevin Vernet et William Béquin lauréats de la Pizza a Due 2025 Parmi les huit duos sélectionnés pour la finale de la 9e édition du concours Pizza a Due Galbani Professionale, Kevin Vernet (Il Grano à Gardanne, Bouchesdu-Rhône), et William Béquin (Cheval Blanc, Paris) se sont imposés, le 3 avril dernier, durant le salon Parizza. Le concours se déroulait dans le cadre du 19e championnat de France de la pizza, organisé par l’Association des pizzerias françaises (APF). Chaque équipe était composée d’un pizzaïolo et d’un chef, et disposait de vingt minutes pour réaliser une pizza gastronomique à quatre mains en mêlant leur savoir-faire. © DR CONCOURS

Le Vallon des Auffes accueille, depuis le 25 avril, le nouveau restaurant gastronomique de Coline Faulquier, Auffo, en lieu et place de L’Épuisette. La polémique suscitée fin 2024 par le changement de propriétaire semble loin. La jeune cheffe est épaulée dans ce nouveau projet par le groupe nîmois The Social Club. La décoration est faite “de tons marins, avec de la feuille de pierre, du parquet en bambou et du bordeaux qui rappelle à la fois la figue sauvage et la coquille d’oursin”, note-t-elle. La cheffe propose une cuisine principalement axée sur le végétal et les produits de la mer. Les clients peuvent choisir entre la carte, une formule en trois plats (105€) ou six plats (160€), et un menu “la grande bouillabaisse” en cinq services (240€). Coline Faulquier ouvre Au o “Que cuisinera-t-on en 2050 ?” : Teritoria lance la réflexion Baptiste Borderie assure la relève au Colvert Pour célébrer son 50e anniversaire, le réseau d’hôteliers et restaurateurs indépendants organisait son traditionnel déjeuner des chefs au Hangar Y, à Meudon, le 7 avril. Au programme : deux tables rondes abordant l’impact du dérèglement climatique sur les productions agricoles et la place de la technologie en restauration. “La vraie menace, ce n’est pas le changement, c’est l’immobilisme”, a insisté Alain Ducasse. Dans un monde où rien n’est jamais certain, Xavier Alberti, président de Majorian, la maison-mère de Teritoria, a invité les professionnels à “réfléchir, tester, se poser les bonnes questions” face aux changements. Il s’agit de “tracer son propre chemin en recherchant en permanence un équilibre”, capable de garantir la performance et la durabilité de son restaurant, son impact sur l’environnement et le respect de ses engagements. POUR SES 50 ANS Le Colvert (Paris, VIe), propriété du groupe Les Becs parisiens, a ouvert un nouveau chapitre avec l’arrivée, en janvier dernier, de Baptiste Borderie, qui y signe sa première carte en tant que chef. Après une solide formation à l’école Médéric (CAP et BTS) et plus de quinze ans passés dans les cuisines des plus grands, il franchit une étape déterminante. “Je voulais sortir du cadre très normé des palaces. Ici, j’ai plus de liberté, je peux tester, créer, aller au bout de mes idées.” Le Colvert devient pour lui un terrain d’expérimentation, mais aussi de responsabilité. “Je suis seul à bord désormais. Cela m’oblige à tout gérer, des recettes au management, en passant par les aléas du quotidien.” À PARIS © Florian Domergue © DR © LAURAWETSCH À MARSEILLE

14 L’Hôtellerie Restauration • Mai 2025 ACTUHÔTELLERIE Depuis son retour en France il y a un an et demi, après vingt-deux ans passés à l’international, Jérémie de Fombelle, directeur exécutif d’Esprit de France, donne un nouvel élan à ce groupe hôtelier singulier. Son ambition est d’accélérer le développement du réseau, tout en restant fidèle à l’âme des lieux qu’il exploite. Après une année 2024 positive, avec un taux d’occupation moyen pour ses hôtels parisiens de 84 %, la marque est plus que confiante pour 2025. Esprit de France : une hôtellerie patrimoniale en pleinemutation Airbnb condamné à payer 8,6 M€ à l’île d’Oléron L’Hôtel Sax, premier 5 étoiles parisien pour Hilton Après plusieurs années de procédure, la cour d’appel de Poitiers a condamné Airbnb, le 8 avril dernier, à verser 8,6M€ à la communauté de communes de l’île d’Oléron. La raison: des manquements répétés de la plateforme de location de meublés touristiques à ses obligations de déclaration, collecte et reversement de milliers de taxes de séjour – la cour en a retenu 7 410 au total – en 2021 et 2022, malgré l’obligation légale instaurée depuis 2020. “L’histoire retiendra qu’une petite île de l’Atlantique a fait plier le géant américain du tourisme numérique”, déclare Michel Parent, président de la communauté de communes. Paris fait toujours rêver les touristes du monde entier… et les groupes hôteliers ! Cette fois, c’est Hilton qui s’implante dans la capitale, avec sa première adresse en catégorie cinq étoiles, en partenariat avec la Compagnie de Phalsbourg. Dans le très chic VIIe arrondissement, l’ancien central téléphonique Ségur a été transformé en hôtel de 118 chambres et suites célébrant l’élégance parisienne, et abrite le restaurant Kinugawa Rive Gauche (Groupe Annie Famose) ainsi que de nombreux espaces haut de gamme, pour séduire touristes internationaux et Parisiens exigeants. 84% DE TO MOYEN Mice : l’activité semaintient malgré des budgets serrés Malgré un contexte incertain qui les incite à la prudence, les entreprises ont continué d’organiser des événements professionnels en 2024. Si la fréquence baisse, l’exigence de qualité augmente, révèle la dernière étude de Coach Omnium et 1001Salles. Bonne nouvelle pour les hôteliers : l’hôtel reste le lieu préféré pour les séminaires. Grâce à la Fondation Comyces pour l’enfance, les hôtels peuvent mettre à disposition, via une plateforme dédiée, des chambres pour les parents d’enfants hospitalisés. “C’est une façon pour les hôteliers de réaliser une action solidaire tout en optimisant leur taux d’occupation, de renforcer leur marque employeur et leur politique RSE, et de bénéficier au passage d’une réduction d’impôt pour chaque nuitée effectivement offerte, alors considérée comme un don en nature”, explique Cyrille Guyard, son fondateur. Après une première édition qui a mobilisé plus de 13000 volontaires, ibis relance son programme ibis RockCorps avec une formule inchangée : “Tu donnes, tu reçois”. Le principe : quatre heures de bénévolat donneront droit à une place de concert à chaque participant. La campagne 2025 s’étend sur dix semaines, du 23 avril au 9 juillet. Environ 200 projets solidaires seront proposés, en partenariat avec des associations locales et nationales, à Paris, en Île-deFrance et dans plusieurs grandes villes de métropole : Marseille, Lyon, Lille, Nantes, Strasbourg, Toulouse ou encore Nice. Un enfant hospitalisé, une chambre d’hôtel gratuite pour ses parents ibis RockCorps : un programme pour gagner une place de concert UNE AMENDE HISTORIQUE OUVERTURE CONGRÈS ET SALONS © Gettyimages © Gettyimages © Erwan Fiquet © Laurence Laborie SOLIDARITÉ BÉNÉVOLAT © DR

L’Hôtellerie Restauration • Mai 2025 VOS QUESTIONS 16 JURIDIQUE “Le logement d’un salarié saisonnier en mobil-home partagé doit-il faire l’objet d’un avantage en nature sur le bulletin de paie? Ce logement étant précaire, temporaire et non-soumis à la taxe d’habitation.” “Un apprenti rompt un contrat chez un employeur pour réaliser la 2e année chez un nouvel employeur. Doit-on considérer qu’il s’agit d’une première année dans le contrat même si c’est leur deuxième année en apprentissage?” L’avantage en nature consiste dans la fourniture ou la mise à disposition d’un bien ou d’un service, permettant au salarié de faire l’économie de frais qu’il aurait dû normalement supporter. En logeant ce salarié dans un mobil-home offrant tout le confort d’une habitation, celui-ci fait bien l’économie du coût d’un logement et vous devez lui compter un avantage en nature logement sur son bulletin de paie. Cet avantage est déterminé sur la base d’un forfait mensuel établi en fonction du nombre de pièces mises à la disposition du salarié et du rapport entre la rémunération mensuelle brute du salarié et le plafond mensuel de la Sécurité sociale, Pour calculer le salaire de cet apprenti vous devez prendre en compte qu’il est en deuxième année d’apprentissage. L’apprenti bénéficie, lors de son premier contrat d’apprentissage, d’une rémunération minimale progressive déterminée en fonction de son âge et de son qui est fixé à 3925 € par mois pour l’année 2025. Pour évaluer l’avantage en nature logement en cas de partage entre plusieurs salariés, il faut tenir compte de deux paramètres : - la rémunération du salarié ; - le nombre de pièces principales (c’est-à-dire les pièces de séjour et de sommeil) mises à sa disposition. Si ce mobil-home est composé de deux chambres et d’une pièce principale, il s’agit alors d’un logement 3 pièces. La détermination de l’avantage en nature logement s’effectue sur la base d’une pièce personnelle par salarié et de la pièce commune pour chacun des deux salariés. Il en résulte pour chacun d’eux un avantage en nature logement correspondant à deux pièces. Ex : Les salariés perçoivent chacun, un salaire brut de 2200€; le montant de l’avantage en nature sera pour chacun des salariés de 117,80€ (58,90€ par pièce ×2 pour un salaire compris entre 1962,50€ et 2354,99€. ancienneté dans le contrat ou plus clairement selon sa progression dans le cycle de formation (art. D6222-26 du code du travail). À ce titre, la rémunération minimale réglementaire d’un apprenti est basée sur trois critères : - l’année contractuelle (année d’exécution du contrat) ; - la tranche d’âge de l’apprenti au moment de l’embauche, et son évolution dans le temps, le cas échéant ; - son évolution dans le cycle de formation suivi (en principe, d’une durée désormais de 6 mois à 3 ans maximum). Salarié logé en mobil-home Salaire d’un apprenti qui change d’employeur JURIDIQUE JURIDIQUE “Est-il normal, lors d’une embauche en CDD, d’inclure la prime de précarité dans le salaire proposé?” cours de son CDD et implique pour l’employeur de connaître les éléments de rémunération à prendre en compte ou non. Le montant de la prime de précarité correspond à 10% de la rémunération brute totale versée au salarié au cours de son contrat de travail. Le non-versement de cette prime ou l’erreur sur son montant peut faire l’objet de sanctions prud’homales en cas de litige. Pour calculer la prime de précarité, la détermination de la rémunération brute totale du salarié nécessite de prendre en compte : - le salaire brut ; - les majorations de salaire (heures complémentaires, heures supplémentaires) ; - Les indemnités et primes diverses (prime de vacances, de fin d’année, de 13e mois…). En revanche, l’indemnité compensatrice de congés payés en CDD ne doit pas être prise en compte pour le calcul de la prime de précarité. Ce n’est pas normal dans la mesure où cette prime se calcule sur le salaire brut perçu par le salarié. En effet, l’indemnité de précarité vient s’ajouter à la rémunération totale brute du salarié. Elle est égale à 10% de la rémunération brute versée au salarié pendant toute la durée du CDD. Tout employeur est tenu, à la fin de chaque CDD, de procéder à un calcul personnalisé du montant de la prime de précarité à verser au salarié. Son montant varie en fonction de la rémunération brute perçue par le salarié au Prime de précarité incluse dans le salaire de base © Gettyimages © Gettyimages Votre assistante IA spécialisée en hôtellerie-restauration

I l y a encore quelques mois, le restaurant Holen figurait parmi les références gastronomiques de Rennes (Ille-et-Vilaine). Cuisine lisible, produits sourcés, approche locavore…Puis la nouvelle est tombée. Le chef Tugdual Debéthune a indiqué à ses convives qu’il jetait l’éponge. À travers son exemple s’esquisse une réalité de plus en plus prégnante. Les restaurants étoilés, qui ne connaissaient autrefois pas la crise, doivent désormais se battre pour remplir leurs salles. Virginie Giboire, cheffe du restaurant Racines, lui aussi à Rennes, en fait le constat chaque jour, malgré un menu à 45€ le midi. L’enthousiasme de l’aprèsCovid, cette parenthèse presque euphorique où les salles se remplissaient sans effort, s’est éteint. Depuis deux ans, le vent a tourné. Moins de couverts, moins de marge, davantage d’incertitudes. “L’étoilé est devenu un restaurant de grande occasion, observe-t-elle. Les clients viennent pour un anniversaire ou un moment rare, moins pour le simple plaisir de déjeuner ou dîner à l’extérieur.” Partout en France, les chefs constatent une contraction de la fréquentation. Le ticket moyen recule, les réservations se font plus rares, et les charges fixes, elles, ne faiblissent pas. “Nous faisons attention à tout, y compris à nos commandes”, confie Virginie Giboire. Instagram ne remplissent pas les salles comme espéré. À Racines, on a préféré miser sur l’équipe. Avec six personnes en cuisine, La clientèle d’affaires, fidèle au déjeuner, a aussi levé le pied. “Aujourd’hui, on sert surtout des retraités le midi. On ne voit plus les commerciaux ou les chefs d’entreprise. Les notes de frais ont fondu”, note Virginie Giboire. En revanche, les vendredis et samedis soir résistent. Ainsi, les week-ends sauvent l’équilibre, sans nécessairement garantir la rentabilité. Recréer du flux Dans ce climat économique tendu, il faut trouver la parade. Virginie Giboire, longtemps réticente, a décidé de miser sur les cartes cadeaux, avec pour objectif de recréer du flux. “Nous les proposions de façon marginale. Désormais, on les structure, on les assume. C’est un levier pour retrouver une fréquentation régulière”, assure-t-elle. Cette dernière participe aussi à des dîners à quatre mains et occupe le terrain des réseaux sociaux : “C’est l’occasion de créer de l’envie, de faire parler du restaurant, et de se nourrir d’autres univers culinaires.” Mais ces efforts ont un coût. La communication, indispensable pour rester visible, reste une charge parfois inaccessible. Un attaché de presse coûte en moyenne 2000€ par mois, un budget hors de portée pour de nombreuses maisons. Et les publications six en salle (dont trois apprentis), l’établissement garde des effectifs stables. “Si l’activité repart, on sera prêts”, glisse la cheffe. Virginie Giboire au restaurant Racines. © Olivier Marie À Rennes, Virginie Giboire cuisine aussi l’adaptation RENNES !il y a quelques semaines, le restaurant étoilé Holen a baissé le rideau, victime d’une conjoncture économique devenue étouffante. Un signal d’alarme dans un secteur réputé pour son excellence, aujourd’hui fragilisé. De son côté, Virginie Giboire, cheffe de Racines, continue de faire front, entre fidélité à une vision culinaire et ajustements commerciaux pour attirer les clients. RESTAURATION L’Hôtellerie Restauration • Mai 2025 17

Le Relais Bernard Loiseau célèbre ses 50 ans. Quel regard portez-vous sur cette aventure initiée par votre père ? C’est assez fou. Quel accomplissement ! Le 28 février 1975, à seulement 25 ans, Bernard Loiseau arrive en Côte-d’Or et prend en main une auberge en piteux état. C’était un chef visionnaire, porté par un rêve : raccrocher les étoiles à l’établissement. L’histoire du groupe s’est construite sur des défis, des conquêtes et des renaissances. Malgré les obstacles – une auberge en ruine, des travaux colossaux, une localisation peu favorable –, il s’accroche et devient l’un des chefs les plus aimés de France. Tout semble s’effondrer suite à son décès, mais ma mère, Dominique Loiseau, a pris le relais avec une détermination remarquable. J’ai intégré le groupe en 2013 en créant le département marketing, puis j’ai progressivement pris des responsabilités jusqu’à devenir vice-présidente en 2021, aux côtés de ma sœur, Blanche. En 2023, j’ai repris la présidence, en accord avec ma mère. Cette maison est unique, marquée par des figures fortes qui ont su la porter. Aujourd’hui, nous sommes fiers de célébrer 50 ans d’excellence et enthousiastes à l’idée de construire l’avenir. Comment imaginez-vous l’avenir du Relais Bernard Loiseau dans dix ou vingt ans? Au top! Notre ambition est de renforcer notre statut de référence en matière d’art de vivre à la française. Côté restauration, nous avons notre ligne de bistrots et notre étoilé avec Louis-Philippe Vigilant et son épouse, Lucile Vigilant, en tant que cheffe pâtissière. Nous travaillons à la reconquête de la troisième étoile. Côté hôtellerie, notre identité cinq étoiles est affirmée et nous comptons poursuivre notre développement avec de nouvelles ouvertures de restaurants et pourquoi pas un hôtel, en France et à l’international. Bérangère Loiseau, prête à écrire la suite de l’histoire du groupe Bernard Loiseau L’emblématique Relais Bernard Loiseau fête ses 50 ans en 2025. L’occasion pour la jeune directrice du groupe d’évoquer le passé et l’avenir. L’Hôtellerie Restauration • Mai 2025 HÔTELLERIE 18 des savoirs. Nous avons accueilli Charlotte Grattepanche en tant que responsable des ressources humaines. Nous travaillons avec elle pour créer la Loiseau Académie. Nous accueillons aussi des apprentis, un véritable atout pour l’entreprise et pour eux. En deux ans, ils acquièrent des compétences concrètes et nous pouvons les former selon nos standards. Vous incarnez aujourd’hui l’avenir du groupe. Quelle est votre mission principale? Ma mission est d’inscrire le groupe Bernard Loiseau dans les cinquante prochaines années. C’est à moi d’écrire la suite, de structurer l’évolution. Nous avons consolidé nos fondamentaux et amorcé un développement ambitieux. Nous allons poursuivre cette croissance de manière structurée, sans précipitation. Je n’ai pas de plan marketing à dix ans. Notre clientèle évolue : nous observons un rajeunissement grâce au spa et à l’attrait pour les maisons historiques vivantes. Dans un monde où la technologie brouille les frontières entre réalité et fiction, nos établissements doivent être des lieux de vérité, d’authenticité et de transmission. C’est cette vision qui guide notre avenir. Quels sont les défis majeurs auxquels le secteur doit faire face? La conjoncture est complexe : instabilité politique et économique, tensions sociales, consommation en berne... De nombreux établissements sont confrontés à un véritable effet ciseau entre le remboursement des PGE et la baisse de rentabilité. Nous devons rester vigilants et réactifs. Le secteur est en pleine mutation, tant sur l’offre que sur les modes de consommation. Le challenge est d’anticiper ces changements sans compromettre la qualité et l’identité de notre maison. La transmission est essentielle dans un établissement comme le vôtre. Comment travaillez-vous avec vos équipes pour perpétuer cette excellence? Nos équipes sont un savant mélange de jeunes talents et de collaborateurs expérimentés. Nous avons une structure de management fluide : un top management de neuf personnes, des chefs de service responsabilisés. Cette organisation en paliers permet une meilleure transmission Bérangère Loiseau : “Notre ambition est de renforcer notre statut de référence en matière d’art de vivre à la française.” © Jonathan Thevenet “Dans un monde où la technologie brouille les frontières entre réalité et fiction, nos établissements doivent être des lieux de vérité, d’authenticité et de transmission. C’est cette vision qui guide notre avenir.”

Vos parents ont fondé les Prés d’Eugénie. Comment qualifieriez-vous l’héritage qu’ils vous ont transmis ? Nos parents étaient deux rêveurs éveillés, capables de concrétiser leurs rêves. Les Prés d’Eugénie, c’était leur grand projet : transformer une belle endormie en un lieu de délices, de nature et de poésie. Depuis 1974, cet esprit n’a pas bougé. Aujourd’hui, on perpétue cette philosophie avec Adeline [sa sœur, NDLR]. À l’heure où l’hôtellerie devient parfois trop formatée, presque froide, notre maison reste profondément humaine. Elle célèbre les histoires, la nature, les belles choses. Ce n’est pas une maison parfaite, mais elle est vivante. Comment envisagez-vous l’avenir des Prés d’Eugénie? Nous souhaitons en préserver l’essence, tout en la faisant évoluer subtilement. Il ne s’agit pas de rupture mais d’ajustements. Par exemple, nous refusons d’intégrer une domotique gadget dans les chambres. Le confort doit rester actuel, sans perdre le charme ni l’authenticité. Avec nos enfants, nous avons aussi pensé à l’accueil des familles. Un kids club a vu le jour l’été et, plus largement, nous avons introduit une touche de décontraction dans la maison. Le réveillon du 31 décembre est un bon exemple : Éléonore Guérard : “Les Prés d’Eugénie est une maison vivante” Un an après la disparition de Michel Guérard, Éléonore et Adeline veillent sur l’âme de l’établissement fondé par leur père et leur mère, Christine, il y a cinquante ans. Rencontre avec Éléonore Guérard, qui évoque un héritage à faire vivre, entre fidélité et renouveau. L’Hôtellerie Restauration • Mai 2025 HÔTELLERIE 20 a un œil très sûr, une vraie culture du bâtiment et de l’objet. Pour ma part, je me charge de la communication, du marketing, de la direction artistique, des newsletters, de la création d’expériences. Nous dirigeons également ensemble la Chaîne thermale. Et sur place, deux directeurs assurent le pilotage opérationnel. Votre père a conservé ses trois étoiles Michelin jusqu’à la fin. Comment voyez-vous l’évolution de la cuisine aux Prés d’Eugénie? La cuisine est une signature forte ici. Elle a brillé pendant 47 ans sous le nom de notre père, et le guide Michelin nous a renouvelé sa confiance pour la 48e année. Depuis 2017, Hugo Souchet, disciple de notre père, est chef des cuisines. Avec lui, nous avons fait évoluer la cuisine dans une démarche collégiale, fidèle à ce que notre père nous a toujours appris. Il nous a éduquées, depuis très longtemps, pour que les propositions culinaires qui sont faites soient toujours challengées et travaillées à plusieurs. Depuis 2021, la cuisine a été épurée, affinée, toujours en lien avec la nature, le respect du corps. Elle est franche, goûteuse, poétique, avec des goûts nets, des touches d’acidité, d’amertume. La cheminée reste la reine de la cuisine, pour des cuissons à la braise maîtrisées. Les recettes ont évolué, mais l’esprit reste intact. Mon père n’était pas conservateur ; il adorait la nouveauté. Nous avons aussi un second restaurant [qui a obtenu une étoile Michelin dans le classement 2025, NDLR], plus “casual”, avec une cuisine de santé et les classiques intemporels de Michel Guérard, qui n’ont plus leur place dans une configuration trois étoiles, mais qui continuent à ravir les convives. il y a quelques années, j’ai commencé à les thématiser, et depuis deux ans, on termine la soirée par une vraie boum. On a envie d’ajouter une pincée de légèreté, de fun. Nos parents ont donné une âme au lieu ; à nous d’y apporter fraîcheur et clins d’œil. Qu’attendent les clients aujourd’hui, selon vous? Ils cherchent une forme de luxe plus charmante, plus légère, parfois même drôle. Il faut de l’élégance, bien sûr, mais aussi de la fraîcheur, de l’espièglerie. C’est une nouvelle façon d’habiter un lieu de prestige, plus libre et sincère. Comment vous partagez-vous les responsabilités avec Adeline ? Nous avons des compétences très différentes et très complémentaires. Adeline s’occupe de la gestion, des ressources humaines, des finances, des travaux et de la décoration. Elle Éléonore et Adeline Guérard ont repris l’établissement familial. © Les Prés d’Eugénie Michel et Christine Guérard, aux Prés d’Eugénie.

Morgan Humbert fait figure de pionnier. Dès 2017, le dirigeant du Lion d’or, un hôtel de 42 chambres situé à Maen Roch (Ille-et-Vilaine), a installé sur son parking une borne de recharge électrique de 22kW en courant alternatif. “J’ai investi 6000€ et j’ai eu le droit à 40% d’aides de la part de l’État, grâce au programme Advenir”, explique l’hôtelier, qui, pendant trois ans, ne compte que deux recharges par mois en moyenne. “En 2017, les voitures électriques étaient encore Si elles ne génèrent pas de chiffre d’affaires, les bornes de recharge de véhicules électriques sont devenues un service indispensable pour les établissements hôteliers. Pour répondre au cadre législatif, mais surtout à la demande des clients. très marginales et les aides à l’achat quasi inexistantes”, rappelle-t-il. Mais la situation évolue rapidement. Les flottes d’entreprises s’électrifient, les particuliers s’équipent, et la législation se durcit. Voyant le marché décoller, l’hôtelier décide d’aller plus loin. Il installe deux nouvelles bornes sur le parking de son second établissement, l’Ibis de Fougères (56 chambres) : une borne de 22kW en courant alternatif et une borne rapide de 50kW en courant continu, capable de recharger une Tesla en 4h30, contre 8 à 10 heures pour une borne de 22kW. Un investissement considérable de 32000€, financé à 50% grâce aux aides publiques, qui porte ses fruits : la borne rapide accueille désormais jusqu’à 20 véhicules électriques par jour. Obligation légale et demande croissante La démarche de Morgan Humbert n’est pas un cas isolé : les chaînes comme Logis Hôtels, Louvre Hotels ou Best Western multiplient aussi les installations de bornes de recharge, portées par un cadre législatif renforcé. Depuis la loi d’orientation des mobilités (dite LOM) de 2019, les parkings des bâtiments neufs ou rénovés doivent prévoir des pré-équipements pour les bornes électriques, tandis que les hôtels existants, en tant qu’établissements recevant du public (ERP), doivent se conformer à des règles spécifiques si leurs parkings dépassent un certain nombre de places. Selon le décret n° 2016-968, modifié par des textes ultérieurs, les parkings de plus de 20 places doivent être équipés d’au moins une borne de recharge accessible au public. La demande client est, elle aussi, en hausse : près d’un véhicule neuf sur quatre est aujourd’hui électrique ou hybride rechargeable (source : Avere-France, janvier 2024), et selon une étude Booking.com, 43% des voyageurs se disent plus enclins à réserver un hôtel équipé. “Une borne de recharge, c’est entre 150 et 200€ de chiffre d’affaires. Je ne gagne pas d’argent avec mes bornes, mais pour moi, c’est un service complémentaire essentiel, au même titre que le L’Hotellerie Restauration • Mai 2025 TENDANCES GREEN 22 pourquoi les bornes de recharge deviennent un service incontournable Une borne de recharge rapide sur le parking de l’hôtel Ibis de Fougères, permettant de recharger un véhicule en quelques heures. © Le Lion d’or Hôtellerie : La demande client est en hausse : près d’un véhicule neuf sur quatre est aujourd’hui électrique ou hybride rechargeable © Gettyimages

Pour une énergie encore plus verte, Morgan Humbert a installé des panneaux solaires sur le toit de ses hôtels, alimentant ainsi ses bornes de recharge et contribuant à une démarche éco-responsable. Découvrez les vins distribués par FRANCE BOISSONS pour votre saison estivale L’ a b u s d ’ a l coo l e s t dange r e ux pou r l a s an t é . À con s omme r a v e c mod é r a t i on . wifi”, souligne Morgan Humbert, qui n’a pas vu, non plus, sa fréquentation augmenter depuis leur installation. Solutions clés en main et stratégie propriétaire Face à cette évolution rapide, des acteurs spécialisés émergent pour accompagner les hôteliers, comme Qovoltis, fondée en 2019, qui propose une solution clé en main sans investissement initial de l’hôtelier. L’entreprise installe des bornes indépendantes du compteur de l’hôtel, gère les transactions et permet à l’hôtelier de toucher 5% du chiffre d’affaires généré. “Nous conseillons des bornes de 22kW, permettant une recharge complète en 6 à 8 heures, ce qui correspond au temps de stationnement des clients la nuit et évite d’attirer des visiteurs de passage”, explique Ehsan Emami. Qovoltis a déjà un partenariat avec une centaine d’hôteliers. Les installations sont simples pour les parkings extérieurs, mais plus complexes pour les parkings intérieurs, le délai principal étant l’arrivée du réseau électrique, nécessitant environ six mois avant la mise en service des bornes. Morgan Humbert a choisi de rester propriétaire de ses bornes de recharge, directement raccordées au réseau électrique de ses hôtels, ce qui lui permet de percevoir l’ensemble des transactions, mais par contre, l’entretien et les réparations sont à sa charge. Cet investissement devient un atout concurrentiel, non pas pour dégager des marges, mais pour répondre à une demande croissante des clients, avec des conducteurs préparant leurs trajets en fonction des points de recharge disponibles. Dans un contexte où l’expérience client est cruciale, la borne de recharge devient donc un équipement aussi essentiel que le wifi. Le Lion d’or, pionnier dans l’accueil des conducteurs de véhicules électriques, avec sa borne de recharge installée dès 2017. © Le Lion d’or © Le Lion d’or

Après trois années de R&D, Koovee a mis au point des couverts en biscuit – au goût nature, herbes de Provence ou vanille –, bio et Made in France. Blé, colza, sel et eau permettent de fabriquer ces couverts robustes. Une alternative aux couverts en bois “qui viennent de l’autre bout du monde et qui sont rarement recyclés”, selon Nicolas Grignon, commercial foodservice pour la marque marseillaise. De son côté, Pierre Paslier a cofondé Notpla, spécialisé dans les emballages comestibles à base d’algues et de plantes. La start-up londonienne, qui éradique de ses packagings les microplastiques nocifs et les PFAS, a développé une alternative aux bouteilles en plastique. La membrane peut être “mangée comme une peau de tomate cerise”, ou se décomposer Alors que la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) prévoit la fin progressive des emballages en plastique à usage unique d’ici à 2040, la question des contenants et couverts comestibles se pose de manière légitime. Une démarche trop précoce pour les consommateurs? en quatre à six semaines. L’entreprise a aussi imaginé des boîtes pour les repas livrés à domicile, des films flexibles, des cuillers à glace, ou encore des pipettes capables de contenir de l’huile d’olive, par exemple. La chaîne de street-food Crrsp a, quant à elle, confectionné ses propres emballages comestibles pour l’un de ses sandwichs. “On fait un papier enzyme qui peut se conserver trois semaines, grâce à de la fécule de pomme de terre, de l’eau et de l’huile d’olive”, note le cofondateur Vincent Ledoux. Une démarche ludique, antigaspi et différenciante Ces emballages comestibles, qui évitent les déchets superflus et le coût lié à leur gestion, permettent aux marques de se différencier. “Nos emballages comestibles nous ont apporté beaucoup de notoriété”, reconnaît Vincent Ledoux. Mais “avant tout, il faut que ce soit bon et que cela donne une valeur ajoutée en termes d’expérience”, insiste Frédéric Loeb, fondateur de Loeb Innovation. Reste à convaincre la clientèle. Selon Koovee, 80% des clients mangent leurs couverts lors de festivals. L’enseigne Spok, séduite par “le côté ludique et anti-gaspillage” des cuillers Koovee, constate néanmoins que les clients peuvent être déroutés. “La PLV est importante pour accompagner la démarche”, glisse Franck Menegaux, responsable communication et développement de Spok. Crrsp a, pour sa part, changé de stratégie récemment : ses emballages comestibles ne seront plus utilisés que “pour des drops”. “Ce n’est pas quelque chose que les gens vont manger tous les jours, pointe Vincent Ledoux. Il ne faut pas trop bousculer les habitudes des consommateurs.” L’Hotellerie Restauration • Mai 2025 TENDANCES GREEN Des emballages et couverts à croquer Les couverts Koovee se croquent, comme un biscuit. © DR

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