L'Hôtellerie Restauration No 3781

c’était mon chef-d’œuvre. J’avais fait sept ou huit concours auparavant. Plus que la compétition, j’aime aller au bout de moi-même et j’ai la chance d’avoir une famille qui m’a toujours soutenu. Comment définiriez-vous votre cuisine ? Pour moi, c’est cuisiner son terroir à un instant T. C’est ni plus ni moins aller chercher ce dont on a besoin dans son jardin. C’est notre ambition à Fontevraud. Quand j’étais cuisinier à Paris, un coup de fil et on me livrait ce qui manquait. Ici, tu fais avec ce que tu as. Ce sont deux mécaniques intellectuelles différentes. Il faut apprendre à fonctionner différemment. Par exemple, le changement de cartes quatre fois par an est le plus fréquent. Mais à Fontevraud, on change la carte tous les 29 jours et demi. Il faut donc mettre en place une mécanique adaptée pour faire le point avec le maraîcher ou l’éleveur afin de prévoir la suite. Il faut aussi expliquer à ses collaborateurs l’objectif, ce que tu veux atteindre, car ce sont eux qui font. Toi, tu n’es que le chef d’orchestre et il faut que chacun comprenne sa partition pour jouer dans le bon rythme et la bonne tonalité. Il faut aussi faire comprendre aux clients ta démarche. Vous changez de carte à chaque nouvelle lune. Pourquoi ? La lune fait partie des sujets qui me passionnent. Je suis convaincu qu’on ne connaît pas encore le centième de l’impact qu’elle a sur nous. Deux fois par jour, elle fait se déplacer des océans. La biodynamie, avec son côté ésotérique, prend en compte la lune et ses évolutions. J’aimerais, demain, que l’on puisse ajuster les plats en fonction de telle ou telle phase de la lune. Par exemple, expliquer aux clients que l’on rajoute deux gouttes de vinaigre, parce qu’à cette phase on ressent moins les acides. Même chose pour le sel. C’est ce que l’on vit. J’en suis convaincu. Il n’y a pas d’étude scientifique, seulement des connaissances désordonnées. C’est passionnant. Mon projet, c’est de trouver un panel de personnes, leur donner des éléments très stables, comme du sucre, du sel, du miel, du vinaigre et leur demander de noter tous les jours leurs perceptions. Cela permettrait de voir si l’on peut en tirer des tendances communes. On en est aux balbutiements. Comment réagissent vos nouveaux collaborateurs lorsque vous indiquez que la carte change tous les 29 jours et demi ? Certains appelleraient ça du management, pour moi, c’est le dialogue. Il faut adapter son mode d’expression à son interlocuteur. Le message reste le même, c’est la forme qui change pour donner des repères ou des références qui vont permettre sa compréhension. Parfois, il faut un peu de temps pour comprendre, mais comme l’équipe est très stable et que l’on a appris à se connaître, c’est fluide et la confiance est là. J’avais peur d’une réaction négative quand j’ai mis en place ce changement de carte tous les 29 jours et demi, car on n’est jamais en pause. Or, c’est l’inverse qui s’est produit : l’équipe recherche cette émulation et cette prise de risque aussi bien en cuisine qu’en salle. Ils me poussent pour que l’on garde la cadence. Quand je vois la pleine lune, je sais qu’il me reste 14 jours et demi pour changer mes recettes. L’équipe Chef adjoint : Martin Bolaers Chef pâtissier : Thomas Guillot Directeur de salle et sommelier : Aurélien Usal Maître d’hôtel : Fanny Hardou EN DATES 5 septembre 1980 : naissance à Longjumeau (Essonne). 2000 : BTS à Lesdiguières. 2000 : chez Michel Guérard. 2007 : rejoint la Maison Lenôtre avec Guy Krenzer et Fabrice Prochasson. 2013 : vainqueur du Bocuse d’or à Lyon où il représente la France. 2014 : chef du restaurant de l’Abbaye de Fontevraud et directeur de l’hôtel. 2017 : 1 étoile Michelin. 2020 : étoile verte Michelin. © ANJOU TOURISME/CHRISTOPHE MARTIN

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