L'Hôtellerie Restauration No 3703

9 17 avril 2020 - N° 3703 L’Hôtellerie Restauration E N V I D É O “Les restaurateurs perdent 21 M€ de chiffre d’affaires par jour Marc Vanhove(Bistro Régent) boycotte le paiement de la TVA Bernard Boutboul, à la tête du cabinet Gira, revient sur la situation des restaurateurs en ces temps de confinement : perte de revenus, moral en berne et méfiances des clients. BORDEAUX Le réseau national affiche une perte sèche de 1,4 M€ par mois de fermeture. Son patron pointe les incohérences du Gouvernement. Poser une question, ajouter un commentaire Anne Eveillard > www.lhotellerie-restauration.fr/QR/RTR863045 Poser une question, ajouter un commentaire Laetitia Bonnet-Mundschau > www.lhotellerie-restauration.fr/QR/RTR262961 Eve-Marie Zizza-Lalu : “Rien ne sera jamais plus comme avant” Comment les observateurs de la gastronomie imaginent- ils l’après-crise sanitaire ? Éléments de réponse avec la directrice de la rédaction de Régal et du Bottin Gourmand. “La crise sanitaire ne sera ni courte, ni sans luttes. Cependant, des choses se mettent en place aujourd’hui qui préfigurent de ce que pourrait être demain. Du producteur au restaurateur, tous les maillons de la chaîne se retrouvent dans un mouvement solidaire et des préoccupations communes. On observe une prise de conscience collective de la valeur des produits et de l’importance de l’environnement, de la proximité et des filières. La mobilisation des chefs pour nourrir les soignants me semble dessiner l’importance d’un projet social à venir. Le jour d’après, le cynisme de la restauration collective, dans les hôpitaux bien sûr, mais aussi dans les écoles et les maisons de retraite devra céder au retour du goût, à la qualité. Je songe à la pensée du théoricien politique italien Antonio Gramsci : ‘Je suis pessimiste avec l’intelligence, mais optimiste par la volonté.’ Le jour d’après, il y aura sans doute de la prudence, des tables espacées comme en Chine, mais on retrouvera les réflexes d’autrefois sinon ce sera invivable.” François Pont A près plus de trois semaines de fermeture des restaurants en France, qu’en est-il des pertes de revenus ? “Nous avons quantifié une perte quotidienne de 26 millions de repas pris hors domicile, ce qui représente 221 M€ de chiffre d’affaires par jour” , détaille Bernard Boutboul , fondateur et président du cabinet Gira. Quant aux 3 à 5 % des établissements restés ouverts, ils proposent de la vente à emporter et un service de livraison, “mais cela ne fonctionne pas si bien que ça, car les consommateurs se méfient du contact avec les vendeurs et les livreurs” , poursuit le patron de Gira. Enfin, le moral des équipes comme celui des restaurateurs est au plus bas. “Et ce, d’autant que l’on ne sait pas quand les commerces vont rouvrir.” Il faut pourtant se préparer à une sortie de crise, conclut Bernard Boutboul, “même si rien ne sera plus comme avant” . Les consommateurs redoutent le contact avec les vendeurs et les livreurs.” Marc Vanhove , patron du réseau de franchisés Bistro Régent. © BRUNO COMTESSE Bernard Boutboul, directeur du cabinet Gira. © DR Eve-Marie Zizza- Lalu depuis son lieu de confinement. L a franchise Bistro Régent (136 restaurants, 1 500 salariés) enre- gistre une perte sèche de 1,4 M€ chaque mois de fermeture. Quatorze nouveaux franchisés devaient ouvrir entre mars et avril, mais tous les chantiers sont à l’arrêt. “J’ai sept res- taurants en propre. Mes 150 salariés sont au chômage partiel, payés à 100 %. Le Gouvernement rem- bourse les salaires sur la base de 35 heures. J’abonde en réalité à hauteur de 30 %, car je paie les heures supplémentaires. J’ai versé les salaires, mais j’ignore quand je serai remboursé. Et plus de la moitié de mon réseau de franchisés n’arrive pas à s’enregistrer pour bénéficier du chômage partiel” , explique Marc Vanhove , le dirigeant du groupe. Il est en discussion continuelle avec ses franchisés pour les ras- surer. “Nous sommes solides, mais il ne faudrait pas que cela dure six mois, comme annoncé en Grande-Bretagne. Le Gouvernement français y va doucement dans ses annonces, mais on ne sait pas combien de temps va durer cette crise. La reprise et la fin de l’an- née 2020 seront compliquées. En Chine, ils ne travaillent qu’à hau- teur de 40-50 % depuis la reprise” , analyse-t-il. Marc Vanhove a conseillé à ses franchisés de faire des prêts de trésorerie en attendant, mais certains sont réticents. Il y a trois ans, il a créé un fonds de péréquation pour aider les plus fra- giles. “Ce fonds est un don de la tête de réseau. Cette année, avec la crise, il nous faudra aider - à hauteur de 50 000 € à 100 000 € chacun - une vingtaine de franchisés ouverts depuis moins d’un an, donc sans bilan” , dit-il. Retenir un maximum de trésorerie Marc Vanhove a fait le buzz sur les réseaux sociaux en appe- lant au boycott du paiement de la TVA. “Certaines incohérences m’irritent. La TVA ne nous appartient pas mais aujourd’hui, ‘nous sommes en guerre’ économique et avons besoin de trésorerie. Je prends le risque calculé de ne pas la payer. Les pénalités s’élèvent à 10 %, mais actuellement il vaut mieux retenir l’argent et payer ces 10 %” , assure-t-il. “Il faudrait que tout le monde soit solidaire en même temps. L’État devrait prendre un arrêté pour que les pro- priétaires ne facturent pas les loyers tant que les commerces sont fermés. Le Gouvernement reporte les charges, permet d’avoir des crédits, mais comment rembourser quand nous ne faisons aucun chiffre ? Beaucoup d’entreprises vont y laisser leur peau. Je m’in- quiète notamment pour nos concurrents fonctionnant en succur- sale, pour lesquels la perte est énorme” , affirme-t-il.

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