L'Hôtellerie Restauration No 3703
Retrouvez l’appel à la mobilisation de Stéphane Jégo L e secteur de la res- tauration est l’un des plus touchés par les conséquences de la crise sanitaire en Espagne. C’est même le premier pénalisé chronologique- ment, puisque certaines régions avaient obligé les établissements à baisser le rideau dès la veille ou l’avant-veille du décret ‘d’état d’alarme’ promul- gué le 14 mars dernier. Les organisations profes- sionnelles ont donc fait le calcul des pertes depuis le 12 mars, et le constat est très inquiétant. En ce qui concerne les effectifs d’abord, le secteur a perdu 1,7 million d’emplois à cause des conséquences de la pandémie, pour la grande majorité en chômage technique à durée indéter- minée. Sur le plan économique, il est encore bien trop tôt pour mesurer les pertes, d’autant que nul ne sait à quelle échéance les restaurateurs pourront à nouveau accueillir leurs clients. Dans un contexte sanitaire particulièrement grave (l’Espagne est le deuxième pays en Europe le plus touché par le Covid-19 en nombre de morts, après l’Italie), le gouvernement de Pedro Sanchez s’apprête à prolonger le confinement des populations jusqu’au 28 avril... au moins ! Le coup sera rude pour un secteur qui avait généré l’an dernier plus de 127 milliards d’euros de chiffre d’affaires en Espagne. Des aides insuffisantes Face à ce tsunami attendu, les mesures gouvernementales adoptées jusqu’ici ne rassurent guère, puisqu’elles concernent essentiellement des reports d’impôts. “ C’est largement insuf- fisant ”, s’indigne le restaurateur français Mika Lasne , de la Taberna Gastronòmica Cu-Cut, à Barcelone : “ Aujourd’hui, la véritable question qui se pose, c’est de savoir comment affronter les charges qui continuent à peser sur nos commerces, comme le loyer, alors que nous ne pouvons percevoir aucun revenu.” Le restaurateur français demande à tous les professionnels du secteur en Espagne de se rallier au mot d’ordre lancé sur Instagram : #salvanuestroempleo (sauver notre emploi) : “ Ce n’est pas seulement le problème d’un chef, loin de là, c’est le sort des établissements qui est en jeu, cela concerne aussi leurs salariés et leurs clients, qui doivent se mobiliser. ” Et comme les professionnels espagnols ne peuvent pas compter sur le soutien des assurances (le risque de pandémie étant exclu des contrats), nombre de restaurants n’ayant pas les capacités de trésorerie nécessaires risquent de ne pas se relever lorsque la crise du Covid-19 sera passée. 8 L’Hôtellerie Restauration N° 3703 - 17 avril 2020 Poser une question, ajouter un commentaire Nadine Lemoine > www.lhotellerie-restauration.fr/QR/RTR763094 Poser une question, ajouter un commentaire Francis Matéo > www.lhotellerie-restauration.fr/QR/RTR262971 Le sentiment d’abandon des restaurateurs espagnols MADRID Le secteur s’attend à un “tsunami économique” et dénonce le faible soutien de l’État, alors que le gouvernement espagnol a prolongé le confinement jusqu’au 28 avril. Stéphane Jégo : “Comment tenir jusqu’en juin ou juillet ?” PARIS Le chef-patron de l’Ami Jean a calculé qu’il atteindra péniblement 25 % de son chiffre d’affaires lors de la réouverture. Il joue carte sur table, partage ses interrogations, ses doutes et ses propositions. P ayer les salaires de mars, attendre les rembour- sements, régler ses factures, convaincre son banquier, trouver les bons interlocuteurs dans les administrations, tout en se demandant quand ce cauchemar prendra fin, c’est le lot commun des restaurateurs depuis le 15 mars. Après le discours d’ Emmanuel Macron , lundi 13 avril, qui maintient la fermeture des restaurants jusqu’à une date tou- jours inconnue, Stéphane Jégo , chef de l’Ami Jean à Paris, s’interroge sur les conditions de la réou- verture. “Comment tenir jusqu’en juin ou juillet ? Et quand on pourra rouvrir, les gens vont-ils répondre présent ? La baisse des revenus, c’est une perte de pouvoir d’achat. Ne vont-ils pas reléguer la restaura- tion au 2 e ou 3 e rang de leurs priorités ? Et devra-t- on les servir avec des masques ? Des gants ? Quelle distance entre les clients ?” De toutes ses interrogations, le chef-patron de l’Ami Jean a tiré une conclusion : son restaurant ne survivra pas s’il ne réinvente pas son modèle. “Pour être à l’équilibre, mon entreprise, qui compte 15 employés et 3 apprentis, doit faire un chiffre d’af- faires de 9 000 € par jour. Depuis la fermeture, la dette totale se monte donc à ce jour à 180 000 €.” Une pétition sur change.org Le restaurant réalisait 120 à 130 couverts par jour avec un ticket moyen de 60 € le midi et 90 € le soir. Dans la salle, les tables sont très proches l’une de l’autre. En laissant un mètre de distance entre chaque table et en incluant la perte de clientèle - qui comptait 50 % d’étrangers pour lesquels on ne peut pas compter sur un retour dans l’immé- diat -, le restaurateur estime qu’il n’atteindra que 25 % de son chiffre d’affaires. “Comment rouvrir en maintenant tous les emplois ? Comment se réappro- visionner sans un minimum de liquidités ?” Depuis des semaines, Stéphane Jégo a les assu- rances en ligne de mire. Ulcéré de les voir refuser de couvrir les pertes d’exploitation, il a lancé une pétition sur change.org et multiplié les appels à la mobilisation. Ses propositions ? La création d’un fonds dédié à la perte d’exploitation, la prise en charge du différentiel des salaires et une aide pour la reconstitution des stocks, le tout par les assurances. Son message ? “Face au lobby des assurances, je vous demande de consacrer une minute sur vos réseaux pour relayer cette détresse. Ensemble, nous pouvons nous adresser chaque jour à des millions de personnes. Faites que nos voix atteignent notre Gouvernement. Unissons-nous, car peu importe notre talent, sans client demain, à quoi cela servira-t-il ?” En parallèle, Stéphane Jégo cherche des solutions pour réinventer L’Ami Jean : il imagine monter plu- sieurs activités avec des plats en vente à emporter et livraison, de l’épicerie, des paniers de produc- teurs, des repas privés. “Il faut trouver des solu- tions. Je n’ai pas le choix.” Faites que nos voix atteignent notre Gouvernement. Unissons- nous, car peu importe notre talent, sans client demain, à quoi cela servira-t-il ?” L’appel d’un restaurateur français de Barcelone, Mika Lasne . @ &SENS © DR Stéphane Jégo cherche des solutions pour réinventer L’Ami Jean qui ne pourra proposer que 25 couverts au lieu de 55 avant le confinement. RESTAURATION #coronavirus
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