du 30 octobre 2008 |
HÔTELS |
CONCERNANT LES GÉRANTS MANDATAIRES
UNE CHAÎNE D'HÔTELS DOIT-ELLE MAINTENIR SON DÉVELOPPEMENT EN MANDAT DE GESTION ?
L'affaire B&B Hotels, jugée par la cour d'appel d'Angers le 27 juin et mise en délibéré le 28 octobre 2008, donne un coup de projecteur sur cette formule d'exploitation adoptée par la plupart des hôtels de chaînes de type économique.
Si
les exploitants semblaient bien s'accommoder des mandats de gestion, il semble que,
dans certaines situations, les conditions des mandataires sont sérieusement
remises en question. Quelles dérives se sont produites pour que la plupart
des gérants mandataires exigent la requalification de leur contrat de gestion
?
Au total, ils sont 17 plaignants, gérants
mandataires, tous attirés à l'époque par la publicité
alléchante
d'une chaîne d'hôtels économiques, en l'occurrence B&B Hotels.
Tous ont demandé et obtenu la requalification de leur contrat en salaire incluant
charges sociales et patronales, ce qui, pour la société, équivaut
à 1 million d'euros par plaignant ayant plus de cinq ans d'ancienneté.
Le résultat, favorable pour les plaignants devant le conseil des prud'hommes
une première fois, puis devant la cour d'appel d'Angers, s'est appuyé
sur trois éléments qui justifie le lien de subordination entre les gérants
et l'entreprise : les ordres donnés par la société mandataire, les
contrôles effectués et les sanctions.
Un lien de subordination ?
Pour l'avocate Marie-Josée
Guedj qui a instruit le dossier au cabinet de Cyril Ravassard, ces mandataires
n'ont jamais eu une autonomie de gestion au titre du mandat de gestion comme il
est stipulé dans la loi de 2005. En effet, "les missions du gérant
mandataire sont fixées par un contrat cadre, qui doit toutefois laisser au
gérant toute latitude pour gérer le fonds dans les limites du cadre ainsi
tracé". Or, justement, c'est sur ce texte que se sont battus les plaignants.
En effet, explique l'avocate, ils ne sont pas libres de leur gestion pour trois
raisons majeures : ils sont tenus de respecter un livret d'exploitation qui leur
explique au détail près comment exploiter l'établissement sous peine
de menace de résiliation ; ils doivent respecter une démarche qualité
engagée par la chaîne et, par conséquent, recevoir une société
d'audit en client mystère pour vérifier la bonne tenue de l'hôtel,
qui sera sanctionné si les contrôles ne sont pas bons. Il y a donc bien,
d'après l'avocate, une absence totale d'autonomie de gestion, et un lien de
subordination par rapport à des personnes qui reçoivent des ordres,
subissent des contrôles et reçoivent des sanctions. Or, les mandataires
de gestion sont, a priori, des hommes et des femmes bénéficiant d'une
certaine autonomie.
Des situations qui ont trouvé
des solutions par le passé
Enfin, autre paradoxe, ces derniers se retrouvent
dans une impasse. En tant que gérants d'une SARL (statut gérant majoritaire
obligatoire), ils n'ont qu'une protection sociale limitée (bien inférieure
à celle des salariés) et leur rémunération, calculée
sur le chiffre d'affaires, est très faible. Pour les plaignants de B&B
Hotels, elle serait "d'environ 100 000 E par an", déclare l'avocate,
somme qui devait également leur servir à recruter du personnel, à
payer la TVA, assurer les obligations fiscales, etc. En cas de rupture de contrat,
la situation peut devenir critique
: un gérant majoritaire d'une SARL ne peut pas toucher d'Assedic.
Toutefois, au sein de la chaîne B&B
Hotels, on souhaite tempérer ces propos, en démontrant que, d'une part,
il s'agit d'abord d'une situation subie existant avant la reprise, et que depuis
cette date et la reprise de la chaîne, aucun litige n'est apparu. "Nous
avons les meilleurs rapports possibles avec tous nos gérants, que nous réunissons
régulièrement, déclare Georges Sampeur, président
du directoire. Par ailleurs, toutes les chaînes ont une démarche qualité.
Faut-il pour autant requalifier l'ensemble des contrats liés aux mandats de
gestion ?" Cette situation n'est pas une première. En effet, le groupe
Accor, dans le cadre de sa chaîne Formule 1, avait été dans l'obligation
de requalifier le gérant mandat en contrat de travail par une jurisprudence
décidée en juin 2001 par la cour d'appel de Paris, qui avait approuvé
la décision des conseils des prud'hommes. Le groupe avait alors préféré
le dialogue avec les gérants plutôt que d'engager avec eux un bras de
fer. Il y avait donc eu une "revalorisation du commissionnement basé sur
la taille de l'établissement et son taux d'occupation, et l'instauration d'un
système de motivation permettant de redynamiser [l'organisation] et,
surtout, de mettre en place un dispositif permettant aux gérants de société,
désirant mettre fin à leur contrat de gérance mandat, de bénéficier
d'aides dans le cadre d'un nouveau projet" (Gazette sociale). La loi
Dutreil, publiée en 2005, poursuivait ce travail de réflexion en redonnant
une nouvelle vie à la gérance mandat.
Des
indépendants… parfois trop indépendants
Par ailleurs, la situation
n'est pas aussi manichéenne qu'il n'y paraît. Pour Gérard Ezavin,
directeur de Dynamique Hôtels, "toutes les chaînes d'hôtels
économiques se sont développées avec ce système. Nous savons,
lorsque nous rachetons un réseau (comme c'est le cas pour Dynamique Hôtels),
que nous allons accueillir forcément des gérants mandataires dans le groupe.
Le problème est complexe. En effet, comment faire accepter les contraintes
d'un réseau et la mise en place d'une démarche qualité et ses contrôles
à des gérants qui ont le statut d'indépendants ? La situation est
subtile. Certains gérants peuvent s'avérer incontrôlables et dissimuler
une mauvaise gestion. C'est aussi le devoir de la société mère de
les contrôler et de sanctionner les fautes".
Il n'en reste pas moins que
ces situations on tendance aujourd'hui à s'assainir. La gérance mandat
est toujours un axe de développement fort. À tel point que le directeur
général d'Accor, Gilles Pélisson, déclarait, dans une
interview du 6 septembre 2007 : "Notre développement s'effectuera en mandat
de gestion." En revanche, pour Gérard Ezavin, il n'est pas inutile de rappeler
que la première des précautions réside dans la rédaction du
contrat : "C'est le seul document qui permet de trancher, car il donne toute
l'information sur le rôle et les devoirs des deux parties."
Ainsi, cette affaire B&B Hotels
va-t-elle mieux clarifier les droits et devoirs de chacun ? Elle intéressera
de près bon nombre de groupements, sans aucun doute.
Évelyne de Bast
zzz36v
Concorde
sous contrôle saoudien ?
Selon
des informations révélées par la direction aux représentants
des salariés français des hôtels Concorde, Starwood Capital aurait
reçu une offre de rachat du réseau Concorde Hotels & Resorts de
la part du groupe JJW, société hôtelière qui appartient au
cheik saoudien Mohamed Al Jaber. |
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L'Hôtellerie Restauration n° 3105 Hebdo 30 octobre 2008 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE