du 4 septembre 2008 |
HÔTELS |
DU NOUVEAU DANS LE PAYSAGE DU HAUT DE GAMME
Les palaces parisiens en quête de leur cinquième étoile
Fleurons de l'hôtellerie française, ils font l'objet de toutes les convoitises. Les étrangers fortunés les achètent ou les imitent, tous veulent imposer leur marque dans la Ville lumière. Mais comment devient-on palace ? Devant l'afflux soudain de chambres de luxe déferlant sur la capitale, qui peut prétendre - ou pas - à cette appellation ? Pourquoi cet engouement ? Quel avenir pour ces hôtels mythiques ?
Le jardin du Bristol. |
D'après
une étude réalisée par Jones Lang LaSalle Hotels (JLLH), on compterait
jusqu'à plus de 700 chambres de catégorie palace à construire
d'ici à 2012 dans Paris intra-muros, sans compter les 1 300 chambres 4 étoiles,
ainsi que d'autres projets en cours encore non chiffrés. Parmi ces nouveaux
venus, des marques aussi prestigieuses que Mandarin Oriental ou Shangri-La,
pas encore présentes dans la capitale, qui investissent respectivement 40 et
270 ME pour le fonds de commerce ou la totalité du projet. Ces financements
représenteraient, d'après JLLH, plus de 70 % de l'offre existante sur
les quatre années à venir. De quoi donner le tournis, et quelques angoisses
aux palaces existants qui surfent actuellement sur une vague positive, avec des
taux d'occupation de 80 % à l'année.
Cet engouement pour Paris, que connaissaient bien
les Américains, traditionnels clients des palaces de la capitale, est pourtant
relativement récent, dans son phénomène de masse. C'est surtout depuis
2007 que le marché semble s'être emballé. Sur la seule année
2008, plus de 1 400 chambres ont été rénovées ou créées
dans les catégories haut de gamme, et cela
concerne
aussi bien des palaces prestigieux comme le Bristol ou le Plaza Athénée,
que des nouveaux venus comme le Renaissance ou le Shangri-La Palais
d'Iéna.
Des éléments de
reconnaissance distincts
Pour JLL Hotels, les palaces
se définissent au travers de deux types d'éléments : les 'Hard Attributes'
que sont l'emplacement, la qualité de l'immeuble, la générosité
des espaces et les investissements permanents, et les 'Soft Attributes' où
sont inclus l'image du palace, le service d'exception et l'affiliation à
une chaîne. Par ailleurs, la valeur des palaces serait très liée
à deux éléments essentiels, l'EBE (excédent brut d'exploitation)
et l'Ebitda par m2 Shon*, qui traduit le cash flow net d'exploitation
et le coût de revient du m2, intégrant les coûts d'acquisition
et de travaux. Or, l'immobilier à Paris se porte comme un charme, contrairement
à d'autres capitales. Enfin, autre paramètre bien connu des directeurs
d'hôtels, le nombre d'emplois divisé par le nombre de chambres. Pour
François Delahaye, directeur du Plaza Athénée, ce ratio
est l'un des plus importants car il reflète la qualité de service indispensable dans ce type d'établissements :
"Nous employons au Plaza 600 employés pour 188 chambres", soit plus
de 2 employés par chambre… Quant à l'administration, elle avait
jusqu'ici peu fait cas des palaces, les englobant sous l'appellation '4 étoiles
et 4 étoiles luxe', ce qui permettait d'inclure dans cette catégorie des
hôtels fort différents dont les performances commerciales (RMC, ou recette moyenne chambre) allaient
de "200 à 850 E HT". Aujourd'hui toutefois, l'administration
s'est attelée à la remise à plat des normes hôtelières
et se propose de créer une nouvelle catégorie 5 étoiles qui existe
déjà à l'étranger. Mais, remarque François Delahaye,
"pourquoi ne pas se rapprocher du classement du guide Michelin, avec sa
catégorie 5 maisons rouges ?"
Un nouveau style de luxe
L'arrivée de nouvelles
marques et de nouveaux concepts hôteliers se démarquant des palaces traditionnels
va donner un coup de jeune aux hôtels de la capitale. Les étrangers fortunés
qui voyagent se repèrent aux marques qu'ils fréquentent comme la Dorchester
Collection, Raffles, Peninsula, Four Seasons ou encore Shangri-La.
Correspondant à une demande
où la clientèle est plus jeune, plus dynamique, mais aussi plus dépensière,
ces hôtels innovent dans une décoration design, où le nom des architectes
(Jean Nouvel, Dominique Perrault) comme celui des décorateurs (Philippe
Starck, Jean-Yves Rochon) deviennent des emblèmes de prestige pour l'hôtel.
De nouveaux services se sont développés. Ainsi, le Westin, hôtel
4 étoiles géré par Starwood, s'est engagé dans de profonds travaux
de rénovation pour créer un spa et n'hésite pas
à
innover avec des forfaits 'brunch jogging' incluant course à pied dans le
jardin des Tuileries avec coach, suivi d'un brunch bio, puis d'une sieste dans l'hôtel
(voir L'Hôtellerie Restauration
n° 3096 du 28 août 2008, 'La nouvelle jeunesse du Westin Paris').
La clientèle des palaces a également
changé. Aujourd'hui délaissés par les Américains, pénalisés
par un dollar déprécié par rapport à l'euro, les palaces voient
l'émergence de la nouvelle clientèle Bric - Brésil, Russie, Inde
et Chine -, nouveaux consommateurs du luxe. En effet, d'après une étude
Cap Gemini-Merril Lynch (dixit le rapport de Jones Lang LaSalle Hotels),
le nombre de "riches et ultra-riches ne cesse d'augmenter (environ 10
millions de personnes), avec une croissance annuelle estimée à + 6,8
% par an sur 2008-2011". Sans oublier les clients provenant du Moyen-Orient,
revenus à Paris dans un premier temps comme investisseurs, et aujourd'hui
inconditionnels des palaces. Si l'on table sur une croissance moyenne annuelle de
la demande de 4,5 % par an, c'est-à-dire celle enregistrée sur la période
2000-2007, la période de croissance devrait se poursuivre sur le même
rythme, "même si la clientèle change". Seule incertitude, on
ne connaît pas toujours les tendances des nouveaux venus. L'hôtellerie, pour sa
part, saura s'adapter.
Évelyne
de Bast zzz36v
*
bitda : revenus avant intérêts, impôts (taxes), dotations aux
amortissements et provisions (Earnings before Interest, Taxes, Depreciation, and
Amortization)
Shon : surface hors oeuvre nette.
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L'Hôtellerie Restauration n° 3097 Hebdo 4 septembre 2008 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE