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du 15 mai 2008
JURIDIQUE

DU CÔTÉ DES PRUD'HOMMES

Attention au formalisme lors du renouvellement de la période d'essai

Si la possibilité de renouvellement de la période d'essai doit être prévue dans le contrat de travail, il faut aussi obtenir l'accord écrit du salarié. La simple mention "reçu en main propre" ne suffit pas à démontrer l'acceptation du salarié. Que faut-il préciser pour que l'employeur ne voie pas le renouvellement de la période d'essai remis en cause ?

Monsieur B. a été engagé en qualité de directeur commercial. Compte tenu de l'importance de ses fonctions, son employeur a bien pris la précaution de prévoir dans le contrat de travail la possibilité de renouveler la période d'essai de trois mois (ceci était aussi possible car la convention collective le permettait).
Le contrat prévoyait bien que "la période d'essai pourrait être prolongée avec l'accord écrit du salarié". Fort de cette possibilité, l'employeur a donc renouvelé la période d'essai, et le courrier visant cette prolongation a été remis à Monsieur B. qui l'a signé en indiquant : "reçu en main propre le…". Cinq mois après le début du contrat, et pensant être toujours dans la période d'essai renouvelée, l'employeur a mis fin à celle-ci.
Monsieur B., fort mécontent de cette rupture, est alors allé consulter un avocat afin d'entamer une action aux prud'hommes. L'avocat de Monsieur B. soutenait que la période d'essai avait été renouvelée sans son consentement, que, dans ces conditions, elle était donc inopérante et que, par conséquent, la rupture devait s'analyser comme un licenciement.
Le conseil des prud'hommes a suivi l'argumentation développée par l'employeur et a considéré que "Monsieur B. avait eu connaissance du renouvellement de la période d'essai et que le fait d'avoir émargé le courrier de notification du renouvellement de la dite période d'essai exprimait son consentent de façon non équivoque". Il déboute le salarié de ses demandes. Ce dernier mécontent fera appel de cette décision et obtiendra gain de cause.

La mention "reçu en main propre" ne vaut pas accord
La cour d'appel a censuré cette décision considérant que la seule mention "reçu le…", suivie de la signature sur la lettre de renouvellement, ne constitue pas l'expression de l'accord de Monsieur B. à ce renouvellement. La cour va même plus loin puisqu'elle considère, à juste titre, que cet accord ne peut se déduire de témoignage, ni même de la participation de Monsieur B. à une réunion où ce renouvellement avait été évoqué. À défaut d'accord écrit, la cour a donc considéré que la période d'essai n'a pas été régulièrement renouvelée et que la lettre qui indique "mettre fin à la période d'essai ce jour" constitue une lettre de licenciement non motivée. Elle a alors qualifié la rupture du contrat de travail de "licenciement sans cause réelle et sérieuse".
La cour d'appel a donc fait droit à la demande de Monsieur B. qui a ainsi obtenu deux mois de préavis et les congés payés afférents, plus presque trois mois de dommages et intérêts et un mois supplémentaire pour non-respect de la procédure.
Cette décision illustre bien les difficultés liées au renouvellement de la période d'essai. Même lorsqu'une convention collective prévoit son renouvellement, le principe est qu'il ne peut y être procédé sans l'accord du salarié. La difficulté réside dans le sens et la portée donnée à cet accord. Dans le silence des textes, c'est la jurisprudence qui en a donc posé les bases. La Cour de cassation exige un accord exprès (Cass.soc 23 janvier 1997 BC V n° 33), elle considère ensuite que cet accord ne peut se déduire de la poursuite du contrat de travail par le salarié (Cass.Soc 30 janvier 1966 ou encore 6 juin 2001 ou encore 23 mars 1989 BC V n° 249).
Cette acceptation doit par ailleurs être claire et non équivoque, elle ne peut donc résulter de l'absence de réserves par le salarié sur la lettre de prolongation (Cass.soc 5 mars 1996 BC V n° 991), ni du silence de l'intéressé (Cass.soc 5 mars 1996).
Signalons que la mention "lu et approuvé" apposée par le salarié sur la proposition de prolongation de la période d'essai a été admise comme l'acceptation par l'intéressé du renouvellement, par la cour d'appel de Bordeaux le 17 juin 1980. Cette décision n'a pas été soumise à une éventuelle censure de la Cour de cassation, il convient donc d'être prudent sur la validité d'un tel consentement, la mention "lu et approuvé" n'étant pas toujours admise comme probante par les tribunaux de l'ordre judiciaire.

Il faut obtenir un accord clair du salarié
En résumé, pour que la période d'essai soit valablement renouvelée, sans ambiguïté, l'employeur doit avoir l'accord écrit du salarié.
Par exemple, cela pourrait être ce type de clause : "Conformément à l'article x du contrat qui nous lie, j'ai pris bonne note que par courrier en date du…, vous m'avez informé que vous entendiez faire jouer le renouvellement de ma période d'essai pour une période équivalente et j'accepte le renouvellement proposé."
Bien sûr, l'écrit n'est pas 'obligatoire' sauf s'il est prévu dans la convention collective applicable ou dans le contrat (ce qui était le cas en l'espèce), mais, à défaut d'un tel document, l'employeur confronté à la remise en cause de son accord par le salarié, risque d'avoir des difficultés à prouver 'l'accord' dudit salarié.
Confronté au silence du salarié, l'employeur 'prudent' dispose de 2 possibilités : soit prendre les devants, en dénonçant le contrat avant la fin de la période d'essai initiale ; soit maintenir le salarié en poste, mais dans ce cas, à l'issue de la période initiale, il sait que le contrat peut prendre son plein effet et que la période d'essai est terminée.
Il est donc conseillé d'être vigilant et d'examiner avec rigueur les conditions dans lesquelles on peut renouveler une période d'essai car sinon, on risque de voir requalifier la relation contractuelle, donc la rupture et de se voir condamner sur le fondement d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dina Topeza, avocat au barreau de Paris zzz60c JS0607

La période d'essai dans le secteur de l'hôtellerie-restauration

La période d'essai est réglementée par l'article 13 de la convention collective des CHR du 30 avril 1997.
Cet article précise que, pour être opposable au salarié, la période d'essai, ainsi que sa durée, doivent être obligatoirement prévues sur le contrat de travail ou la lettre d'embauche.

Durée de la période d'essai
Pour être valable, la période d'essai ne doit pas non plus être supérieure aux durées prévues par la convention collective, qui sont les suivantes selon la qualification du salarié :
- cadres supérieurs : accord de gré à gré ;
- cadres : 3 mois, pouvant être renouvelée une fois ;
- agent de maîtrise : 2 mois, pouvant être renouvelée une fois ;
- autres salariés : 1 mois, pouvant être renouvelée une fois.

Attention ! La convention collective ne permet pas le renouvellement de la période d'essai pour les salariés de l'échelon 1 du niveau I. Pour ceux-ci, la période d'essai ne sera donc que d'un mois maximum sans possibilité de renouvellement.

La convention précise qu'en cas de renouvellement de la période d'essai, un accord écrit devra être établi entre les deux parties.

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L'Hôtellerie Restauration n° 3081 Hebdo 15 mai 2008 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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