du 17 avril 2008 |
JURIDIQUE |
DIFFICILE DE GARDER UN SECRET DE CHEF
On ne peut pas protéger une recette de cuisine
Fiers de vos créations culinaires, vous êtes nombreux à vouloir protéger vos recettes en déposant son nom et sa composition à l'Institut national de la propriété industrielle. Mais sachez que ça n'est pas possible. Par contre, il existe des moyens pour éviter que sa création ne soit galvaudée. Explications.
Il
n'est pas encore possible de disposer de droits d'auteur sur une recette de cuisine.
La loi sur le droit d'auteur est assez large, et protège les Ïuvres, quel qu'en
soit le genre, mais les recettes de cuisine, et malgré tout le mérite
auquel chacune d'elle puisse prétendre, n'ont pas encore pu accéder au
statut protecteur qu'est celui de l'oeuvres.
Je rappelle rapidement qu'à
partir du moment où une création est considérée comme une
oeuvres
(si elle est considérée comme originale et traduit l'empreinte de la personnalité
de son auteur), la création est protégée à compter de la date
de sa création. À ce titre, son auteur peut notamment exercer toute
action en contrefaçon et bénéficier de dommages-intérêts
contre ceux qui la reproduiraient sans son autorisation.
Les tribunaux n'ont encore jamais stipulé
qu'une recette de cuisine puisse être considérée comme une
oeuvres.
Aujourd'hui, il est impossible de protéger une recette par le droit d'auteur.
Toutefois, si la protection par ce
biais est impossible, cela ne signifie pas que tout est perdu pour protéger
cette création. En effet, le droit vous réserve d'autres armes pour protéger
le capital immatériel de votre société.
Maintenir la recette secrète
La première de cette
arme est le secret. Ne pas divulguer une recette à quiconque est le meilleur
moyen de la protéger. Ainsi, de manière idéale, il faudrait que seul
le créateur de la recette soit autorisé à la réaliser pour
les clients, et que personne ne soit près de lui au moment où il la réalise
pour éviter que quiconque la copie.
Bien entendu, cette solution
idéale ne survit pas à la pratique. D'une part, il est difficile de
travailler dans le secret lorsque l'on est en plein rush en brigade, et d'autre
part, il est souvent nécessaire que plusieurs chefs disposent des connaissances
nécessaires à la réalisation d'une recette pour répondre aux
différentes commandes.
Où prévoir une clause
de secret dans le contrat de travail ?
La première chose à
faire est de prévoir, dans le contrat de travail de chacune des personnes à
qui la recette sera divulguée, ou par un avenant à ce contrat, une clause
de secret, dans laquelle il sera expressément précisé que l'employeur
divulguera au salarié le secret de l'élaboration de telle ou telle recette
de cuisine, ainsi que les techniques d'élaboration qui seront employées.
Chacune des recettes qui sera incluse dans la clause de secret devra être
précisément décrite, de même que le savoir-faire éventuel
qui devra être employé. Cette clause précisera également que
le secret n'est divulgué à l'employé que pour un usage au sein
de l'entreprise qui l'emploie, et qu'il ne sera pas autorisé à en faire
usage ailleurs. Toute contravention aux termes de cette clause entraînerait
comme conséquence que le restaurateur qui a divulgué le secret sera en
droit de poursuivre le salarié ou ex-salarié qui aurait utilisé,
vendu ou fait commerce de la recette, objet du secret, en dehors du contrat de travail.
Les dommages-intérêts demandés en justice pourront être aussi
importants que le préjudice invoqué, en termes de perte de clientèle
notamment.
Si votre salarié divulgue
le secret à son nouvel employeur, il vous est possible de le poursuivre,
mais aussi son nouvel employeur. Cette dernière possibilité ne vous est
cependant offerte qu'à partir du moment où vous avez averti ledit employeur
de ce fait (par lettre recommandée avec accusé de réception afin
d'en conserver une preuve), et l'avez mis en demeure de cesser d'exploiter cette
recette (et qu'il n'a pas tenu compte de cette mise en demeure).
Bien entendu, il va sans dire que la
clause de secret ne pourra protéger que les recettes réellement novatrices,
et non celles communément répandues. Vous imaginez bien qu'il n'est pas
possible de prévoir une protection pour le secret de fabrique de la recette
des oeufs mayonnaise (sauf, bien entendu,
si la mayonnaise elle-même est spécialement préparée et diffère
de toute autre).
Pour preuve de l'efficacité de telles clauses
de secret, il suffit de prendre en exemple l'une des recettes dont le secret est
le mieux gardé au monde : la recette du Coca Cola.
Il est important de préciser que
cette clause de secret n'est limitée ni dans la durée ni dans l'étendue
géographique. Ainsi, toute divulgation ou exploitation de la recette par votre
salarié hors contrat de travail, et ce, quels qu'en soient le lieu ou la date,
l'exposerait à une action en dommages-intérêts de votre part,
voire à une action en référé pour lui interdire d'exploiter
ladite recette si l'urgence est avérée.
Une clause de non-concurrence
peut vous protéger
La technique de la clause
de secret peut être couplée dans le contrat de travail par une clause
de non-concurrence. Cette clause peut être précieuse, car elle interdit
à votre salarié d'exercer son emploi au sein d'une entreprise concurrente
ou de sa propre entreprise (et donc, réduit le risque de voir votre ex-employé
exploiter vos recettes dans un établissement près du vôtre).
Pour être valable,
cette clause doit répondre à 4 critères :
être limitée, de manière raisonnable dans le temps (une interdiction
pendant une durée trop longue pourrait empêcher votre salarié d'exercer
toute activité et ne saurait être valable) ;
le poste du salarié doit comporter des spécificités qui constituent
un risque important de concurrence pour l'employeur ;
être limitée géographiquement. Cette limitation doit correspondre
à la sphère d'influence de votre établissement. Impossible pour
un employeur exerçant à Montpellier et travaillant principalement
pour des clients locaux d'interdire à son employé d'exercer son activité
dans la France entière une fois le contrat de travail rompu ;
être rémunérée. L'employeur doit payer son salarié pendant
toute la durée d'application de la clause de non-concurrence. Ce montant doit
être raisonnable et proportionné à l'interdiction de travailler.
Par exemple, si la clause de non-concurrence interdit à votre salarié
d'exercer son métier pendant six mois dans toute la région dans laquelle
se trouve votre établissement, le paiement d'une somme égale à
son dernier salaire, lorsqu'il travaillait pour vous, ne devrait pas pouvoir être
remis en cause devant les tribunaux prud'homaux.
Ainsi, un contrat de travail
couplant une clause de secret qui prévoirait avec suffisamment de précision la
ou les recettes spécifiques à votre établissement et une clause de
non-concurrence devraient protéger de manière suffisante le patrimoine
immatériel de votre entreprise.
Christian
Savatier
zzz66h JS0607
Modèle de clause de secret
"Dans le cadre du présent contrat de
travail, le salarié sera amené à prendre connaissance des recettes
et savoir-faire de fabrication des plats suivants, précisément décrits
en annexe 1 du présent contrat (les recettes et savoir-faire de fabrication
décrits en annexe 1 seront ci-après nommés les 'recettes'). |
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L'Hôtellerie Restauration n° 3077 Hebdo 17 avril 2008 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE