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du 10 avril 2008
L'ÉVÉNEMENT

RENCONTRE AU MINISTÈRE DU TRAVAIL

Xavier Bertrand et André Daguin évoquent la loi antitabac, le temps partiel, la transmission d'entreprise…

Xavier Bertrand, ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille et de la Solidarité, a reçu le président de l'Umih, André Daguin, dans ses bureaux de la rue de Varenne. Un entretien exclusif pour les lecteurs de L'Hôtellerie Restauration.
Propos recueillis par Sylvie Soubes


Xavier Bertrand à André Daguin: "Le secteur des CHR doit pouvoir s'illustrer dans le fait de favoriser le temps partiel choisi, c'est-à-dire favoriser les bonnes pratiques parce qu'elles existent."

L'Hôtellerie Restauration : Cela fait trois mois que la loi antitabac s'applique aux CHR. Tout ce qui est bar et comptoir a enregistré des baisses de chiffre d'affaires allant de 5 à 25% environ selon les établissements et leur implantation. Que répondez-vous aux TPE les plus touchées ?

Xavier Bertrand : Dans les différents pays où l'interdiction de fumer a été mise en oeuvre, il y a eu pendant quelques mois, aussitôt après l'application de cette décision de santé publique, une baisse de fréquentation des CHR. Je crois qu'il faut regarder les choses dans le détail. La baisse est-elle constatée par rapport à décembre dernier ou au mois de janvier 2007 ? J'ai moi-même posé la question. Les réponses qui m'ont été faites portaient sur décembre, qui a été un mois important. Maintenant, la question est de savoir comment les choses vont se stabiliser. Dans les pays qui ont mis en place l'interdiction de fumer (États-Unis, Irlande…), la fréquentation est toujours remontée au bout de plusieurs mois avec une clientèle nouvelle, notamment des familles.
Nous serons tous très attentifs à l'évolution économique des CHR parce que je sais quel rôle ils jouent en matière d'emploi non délocalisables. En matière d'aménagement du territoire également. Je veux d'ailleurs souligner le rôle constructif et courageux de l'Umih qui savait que compte-tenu de la décision de la Cour de cassation du 30 juin 2005, il n'était plus possible d'ignorer la réalité du droit et les objectifs de protection des salariés. En revanche, dans tous les établissements dans lesquels je me suis rendu, - parce que je le concède, je suis utilisateur, consommateur, client de nombreux CHR -, les réactions sont unanimes et positives en matière de santé publique, en matière de confort, pour les patrons comme pour les salariés.

André Daguin : Les restaurateurs sont davantage contents. Les bistrots nettement moins, en particulier côté bar. Les consommateurs restent moins longtemps, consomment moins au comptoir. Nous, on travaille à un plan d'urgence, on voudrait envoyer quelques signes. Par exemple, quand un bistrot a un téléviseur, il paye 4 redevances. Pourquoi ne réduirait-on pas cette taxation à une redevance ? Pourquoi ne leur donnerait-on pas accès à des prêts bonifiés, pour l'amélioration de l'environnement ? Là où je ne vois pas de solution, c'est pour les discothèques. Si le gars envoie ses clients fumer sous les fenêtres des voisins, ça ne peut finir que très mal.

X. B. : Avec une remarque toutefois. Toutes les discothèques qui sont en centre-ville connaissent déjà des soucis avec l'entrée et la sortie de leur clientèle. Là, c'est l'adjoint au maire qui parle. Les discothèques ont souvent occasionné des questions de voisinages, interdiction de fumer ou pas. Cela dit, il n'est pas question de nous passer du maillage des CHR sur le territoire. Si nous travaillons au contrat d'avenir des buralistes, il n'est pas question d'oublier les bars sans tabac ou les établissements sans tabac.

A. D. : Pour les discothèques, j'avais une autre idée. Rendre l'heure de fermeture obligatoire dans toute la France. Peut-être on pourrait sauver une vie nocturne, que Berlin, Barcelone ou d'autres savent cultiver avec des discothèques mieux contrôlées. La dérogation serait dans l'autre sens. Il faut que le public soit mis à l'abri des dangers de la route par une heure identique dans toute la France qui serait idéalement à 7 heures.

Quelle est votre approche du temps partiel, sachant que dans le secteur de la restauration, il est davantage demandé par les femmes qui peuvent bénéficier d'horaires adaptés à l'éducation de leurs enfants quand il ne s'agit pas bien sûr de travailler le soir ?

X. B. : Je souhaite que le temps partiel soit le plus largement possible choisi, et non pas subi et éclaté comme c'est le cas dans certains secteurs. Il faut se garder de toute image rétrograde et brutale du temps partiel. Le temps partiel subi et éclaté, c'est celui qui est synonyme de rémunération inférieure au Smic, tout simplement parce que l'horaire de travail est inférieur alors que la rémunération conventionnelle est au niveau du Smic. C'est là que se focalisent les problèmes d'horaires et de modalités de transport, ainsi que de gardes d'enfants. Le secteur doit pouvoir s'illustrer dans le fait de favoriser le temps partiel choisi, c'est-à-dire favoriser les bonnes pratiques parce qu'elles existent ; il faut aussi être capable de faire du sur mesure. Il y a des serveurs qui souhaitent travailler le soir pour pouvoir s'occuper de leurs enfants dans la journée. Il y a aussi des femmes qui souhaitent pouvoir travailler un week-end sur deux quand elles n'ont pas leurs enfants, c'est le cas des familles monoparentales. C'est le cas aussi de celles qui ont parfois des difficultés pour faire garder leurs enfants et que nous devons, nous, pouvoirs publics, aider avec la mise en place du droit opposable à la garde d'enfants. Ce droit s'appliquera qu'on soit à temps partiel ou à temps complet, avec des nouveaux modes de garde et des horaires beaucoup plus souples, qui doivent être mis en place le week-end ou une partie du week-end. Je souhaite que les modes de garde intègrent également tous les modes de travail. C'est vrai pour les commerçants, c'est vrai aussi pour ceux qui sont salariés dans les commerces et notamment dans les CHR.
Je crois que c'est un secteur qui a su faire preuve de pragmatisme, qui est conscient que les difficultés de recrutement sont des questions qui ne peuvent pas être déconnectés de la valorisation d'un temps partiel vraiment choisi. Je ne crois pas qu'il y ait une seule réponse pour un secteur qui est tellement diversifié. Il y a différentes formes de temps partiel. La situation d'un salarié dans une grande chaîne d'hôtellerie, n'est pas la même que celle de quelqu'un qui va travailler dans un bar où il y aura trois salariés.

A. D. : Le problème est différent entre les grandes villes et les zones rurales. La demande n'est pas la même à Paris et en province. Ce qu'il faut, c'est ouvrir les possibilités et surtout ne pas vouloir faire passer tout le monde dans le même moule.

X. B. : Je ne veux plus d'une politique qui impose les choses d'en haut ; il faut une action politique qui, au contraire, permette les choses, donne de la souplesse aux acteurs de terrain. Je l'ai fait sur le texte 'pouvoir d'achat' avec le paiement des jours de RTT ou la prime de 1 000 euros. À nous politiques de mettre en place des outils, à charge ensuite aux acteurs de les prendre en main. Je pense qu'une politique qui voudrait aujourd'hui faire passer tout le monde sous la même toise manquerait de réalisme.

A. D. : Ce qui a marché fort, c'est la loi Tepa sur les heures supplémentaires. Chez nous, les gars ont quatre heures garanties tout au long de l'année. Ils ont pu être payés entre 30 et 70 E de plus par mois sans que ça coûte un rond de plus à l'entreprise. Ce qui n'est pas rien. 

X. B. : C'est un gain immédiat de pouvoir d'achat pour les salariés. 30 à 70 E par mois, c'est mieux qu'un grand discours ! C'est du concret. Et c'est en place depuis le 1er octobre. Il y a 6 millions de français qui font des heures supplémentaires, parfois j'ai tendance à regretter que ces personnes ne fassent pas la une de l'actualité, parce ce qui marche intéresse moins en France que ce qui reste à mettre en place. Mais en attendant, la réalité, c'est que pour eux ça fonctionne.

Avec un peu de recul aujourd'hui, comment percevez-vous les accords sociaux qui ont été signés par les représentants des HCR ? Comment percevez-vous l'évolution des conditions de travail dans ce secteur ?

X. B. : Indiscutablement, c'est un secteur qui a compris avant d'autres qu'il fallait investir massivement dans les conditions de travail. Pourquoi ? Parce que les salariés vont avoir de plus en plus le choix. Nous allons vers un retour au plein emploi, dont la perspective se dessine de mieux en mieux avec taux de chômage qui était de 7,5 % au dernier trimestre 2007. Le plein emploi, c'est-à-dire seulement 5 % de chômage en France, n'est pas une vue de l'esprit. On va l'atteindre avant la fin du quinquennat. Le vrai sujet sera alors la qualité au travail. Quand on se sent mieux dans son travail, on travaille mieux et c'est bon pour tout le monde, surtout quand on est dans un secteur qui est en lien direct avec la clientèle.

Une grande partie des hôteliers, restaurateurs, cafetiers, discothécaires, ne croit pas dans la retraite mais dans l'outil de travail dans lequel ils ont investi. Malheureusement, ils ont la sensation qu'on ne leur donne pas les moyens de préserver cet outil.

X. B. : Il y a plusieurs facteurs. Déjà, jusqu'en 1972, il n'y avait pas de cotisations à caractère obligatoire, cela voulait dire de faibles cotisations, pour de très faibles prestations. La retraite est le reflet de la carrière. Sans parler du problème des conjoints. Après, il y a eu un autre phénomène, qui n'est pas propre au secteur : on pensait que c'était le fonds qui paierait la retraite. L'évolution de la société et l'arrivée de nouvelles concurrences ont changé cette donne. Il faut créer de nouveaux outils. Le régime complémentaire des commerçants qui a été mis en place en 2004, après la réforme de 2003, était nécessaire. Même si on sait bien qu'il va produire des effets à moyen ou à long terme, il était indispensable pour éviter de reproduire les situations du passé. D'autre part nous devons faciliter les transmissions, les reprises, les successions, bien évidement grâce à un environnement juridique, économique et fiscal adapté. Ce sera l'enjeu de nouveaux textes qui seront présentés cette année. zzz74v

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L'Hôtellerie Restauration n° 3076 Hebdo 10 avril 2008 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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