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du 13 septembre 2007
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Quel est l'impact des nouvelles normes de sécurité incendie sur le marché de ventes de fonds de commerce ? Des experts donnent leur avis.
Tiphaine Beausseron

Sécurité incendie et ventes de fonds

Le coût de la mise aux normes fait-il baisser le prix de vente

L'Hôtellerie Restauration : Pensez-vous que cette nouvelle réglementation a un impact sur le nombre d'affaires à vendre ? Et si oui, quel est cet impact ? Notamment pensez-vous que cela incite des hôteliers à vendre rapidement maintenant pour se débarrasser d'un hôtel hors normes ? Ou contraire, cela les inhibe-t-il ?

DOMINIQUE CHAMPAGNAC
Gérant de l'agence Transac PME-Century 21 de La Rochelle :
Il est indéniable que la nouvelle réglementation va avoir un impact sur les comportements des propriétaires d'hôtels. Malheureusement, beaucoup d'hôteliers méconnaissent encore les conséquences de l'arrêté du 24 juillet 2006 et ceux-ci seront sans aucun doute surpris des conclusions que ne manqueront pas de faire les commissions de sécurité lors des passages qui auront lieu dans les années à venir. Il est probable qu'au fur et à mesure des visites opérées par les autorités, les plus fragiles financièrement soient tentés de mettre en vente leur affaire. Pour le moment, et pour ce que nous pouvons en juger, le nombre de mises en vente sur notre région augmente. De là à en conclure qu'il y a un lien de cause à effet, cela nous paraît prématuré. En tout état de cause, il ferait bien de s'en préoccuper dès à présent afin d'en anticiper les conséquences.

BERNARD DECHEZELLES
Associé du cabinet Villard-Dechezelles à Tours (Groupement de l'hôtellerie) :
Il est vrai que cette nouvelle réglementation peut inciter les hôteliers à vendre. Cela ne nous empêche pas de continuer à exiger d'eux un audit sur la conformité électrique, du système d'alarme et la sécurité incendie et à conditionner la vente définitive à la réalisation, aux frais du vendeur, de tous les travaux nécessaires à la remise aux normes. Cette démarche sécurise la vente aussi bien du côté vendeur que du côté acheteur. À cet égard, j'en profite pour souligner que les vendeurs ne doivent pas compter sur les avis des commissions départementales de sécurité. D'une part, il faut attendre des mois, pour ne pas dire plus, pour avoir un compte rendu écrit de ces commissions ; d'autre part, ces avis ne sont que des points de vue et n'ont pas de force de décision sur lequel le vendeur peut se reposer pour dire à l'acheteur que son affaire est aux normes et qu'il n'aura pas de gros travaux de mise en conformité.

Les nouvelles normes de sécurité incendie dans les hôtels* imposent à de nombreux exploitants de petits hôtels de réaliser des travaux de mise aux normes d'ici à 2011 : travaux d'encloisonnement de la cage d'escalier, mises aux normes des blocs portes, extension de la détection incendie, installation d'un éclairage de sécurité à double fonction… Tous ces travaux ont un coût, qui sera parfois très lourd pour les petits établissements. Le coût a-t-il un impact sur le marché des ventes de fonds de commerce ? Incite-t-il les hôteliers à se mettre aux normes progressivement ou au contraire les encourage-t-il vendre dès maintenant pour se débarrasser de leur affaire quand celle-ci n'est pas aux normes ? Dans quelle mesure ces nouvelles dépenses sont-elle prises en compte de l'évaluation d'une affaire ? Nous avons posé 3 questions à des experts de la cession de fonds de commerce CHR pour qu'ils donnent leur avis sur la question.

*Arrêté du 24 juillet 2006 et circulaire du 1er février.2007zzz61 zzz20t FC0607

Comment cette nouvelle réglementation influe-t-elle, sur le prix de ventes des affaires ?

DOMINIQUE CHAMPAGNAC :
Il est certain que cet arrêté aura une incidence sur les prix. Un hôtel qui ne sera pas aux normes subira une décote de ce fait. En effet, une valorisation basée sur le multiple de la Perf, potentiel de l'entreprise et de rentabilité financière (rappelons qu'il s'agit de l'excédent brut d'exploitation retraité), ne prend pas en compte les travaux obligatoires que l'acquéreur devra réaliser. En ce qui nous concerne, nous serons amenés à procéder à une décote de ce fait. En tout état de cause, il serait illusoire pour un vendeur de penser que ce ne serait pas le cas ou que l'acquéreur n'y sera pas sensible. Rappelons que tout acquéreur doit acheter en connaissance de cause, et que la non-fourniture des rapports indispensables pourrait provoquer des recours des acquéreurs à l'encontre tant du vendeur que du professionnel intermédiaire en transaction qui n'aurait pas respecté ses obligations de conseil.

BERNARD DECHEZELLES :
La prise en compte du coût prévisionnel des travaux est un service périlleux dans lequel je ne m'avance pas à titre personnel, dans la mesure où, pour être à peu près certains du coût des travaux, il faudrait pouvoir comparer les devis et études de trois ou quatre prestataires, ce qui entraîne des délais, là aussi, extrêmement longs. En tout cas, sur les hôtels-bureaux la nouvelle réglementation ne semble pas faire baisser le prix de ventes. Ceux-ci continuent d'être un produit très recherché avec des prétentions de prix sans commune mesure avec la rentabilité. Même avec un apport conséquent (de l'ordre de 50 %) l'excédent brut d'exploitation ne permet pas, bien souvent, à l'acheteur de se rémunérer.

RÉGIS MORIN :
Directeur de l'étude Pedron-Morin spécialisée en transactions hôtelières à Paris :
Les hôteliers ne semblent pas s'affoler, en tout cas les prix ne baissent pas,
d'autant que la demande pour ce type d'investissement est forte.

N'est-ce pas une porte ouverte aux fonds d'investissements qui auraient les moyens d'acheter des affaires pas aux normes et d'en supporter les travaux ?

DOMINIQUE CHAMPAGNAC :
Les fonds d'investissement ne manqueront pas d'appliquer une décote liée aux travaux. Mais il faut souligner que ces acquéreurs ne s'intéressent qu'à des hôtels de plus de 40 chambres. Or, les plus impactés par cette nouvelle norme seront principalement les petites structures. Nous ne pouvons que leur conseiller une double démarche :
• Dans un premier temps faire réaliser un audit par un organisme agréé qui leur remettra un rapport sur leur situation au regard de cette norme, puis la faire chiffrer pour en mesurer exactement l'impact financier. Dès connaissance du coût des travaux à réaliser, ils peuvent prendre contact avec leur CCI pour tenter de déposer une demande de financement de la
région dans le cadre des budgets de modernisation de l'hôtellerie.
• Dans un second temps, et en cas d'échec de cette demande de financement, de mettre en vente leur affaire. Mais attention, il est préférable de passer par un cabinet spécialisé en transactions de commerce afin de se préserver du risque lié aux actions que pourrait entamer un acquéreur qui n'aurait pas dûment été informé de la situation de l'hôtel en termes de sécurité. Les agences professionnelles sérieuses se font un devoir de faire réaliser tous les audits nécessaires pour que l'acquéreur soit clairement informé et éviter ainsi tout recours ultérieur.

BERNARD DECHEZELLES :
Effectivement, c'est certainement une ouverture aux fonds d'investissement ou aux détenteurs de capitaux importants. Néanmoins, les pouvoirs publics, les politiques de tout poil, les collectivités qui mettent en avant, pour des questions de prestige, de 'bla-bla' et d'égo mal placés, le pouvoir d'attraction touristique de la France doivent, impérativement, se mettre au travail pour trouver des solutions financières à la rénovation du parc hôtelier. à défaut, toute une catégorie d'établissements sera condamnée à brève échéance. Il existe certes, déjà, certaines aides, mais elles sont sans commune mesure avec la réalité du marché. J'ajoute que le prix des loyers devient insupportable pour moult exploitations.

RÉGIS MORIN :
Aujourd'hui, je vois mal les fonds d'investissement payer plus de 4 fois le chiffre d'affaires annuel. Ils ont des impératifs de rentabilité souvent supérieurs à ceux des particuliers, en plus, ils ont des frais de structure plus élevés. L'immense majorité des hôteliers que je connais ne sont pas idiots et sont capables de réaliser des travaux. Ces travaux de sécurité (dans le silence du bail commercial) peuvent être à la charge du bailleur - peu de gens le savent. n zzz61

L'AVIS D'UN HÔTELIER-RESTAURATEUR C-KITUCÉ, UN PROFESSIONNEL ALPIN

Ces nouvelles normes ont été prises sans aucune considération des contraintes des petits hôtels de charmes, qui ont la capacité de proposer des beaux produits et de contribuer à redorer le tourisme notamment à l'égard des touristes étrangers. Les obligations liées aux blocs lumineux de sécurité, aux capteurs d'incendie ioniques, aux portes coupe-feux, et aux escaliers incendies, qui, prises isolément sont réalisables, vont, en réalité, nécessiter de plus gros travaux pour que ces nouveaux outils soient compatibles avec les installations et agencements déjà en place…. Ce coût pourra, à mon avis être compris entre 70 000 euros pour un hôtel équipé d'installations plutôt récentes, en assez bon état, et 100 000 à 150 000 euros pour d'autres…Or même si certaines nouvelles dispositions fiscales permettent d'amortir ces dépenses, il n'en reste pas moins qu'il faut disposer de la trésorerie nécessaire à ces travaux… De telles dépenses causeront certainement la mort de plusieurs TPE, mais avant cela, elles agoniseront car d'ici cinq ans (date limite pour s'être mis à ce nouvelles normes), la valeur de leur fonds de commerce va dégringoler …ce qui aura pour effet d'enchaîner l'hôtelier dans une situation d'enlisement…. C'est d'ailleurs une des raisons pour laquelle je vends aujourd'hui. Bref, quel gâchis ! Quitte à légiférer pareillement, nos technocrates pourraient aller plus loin et élaborer un plan de rénovation et modernisation de l'hôtellerie française, mais sur un plus long terme (dix ans par exemple), plan que j'appelle "Projet individuel de modernisation hôtelière"…mais c'est un autre débat*.

Retrouvez C-Kitucé et d'autres lecteurs sur le Forum des Sujets Interactifs de larestauration.fr

* Pour en savoir plus sur projet individuel de modernisation hôtelière, lire l'article intitulé Pour sonner, enfin, la mort de Thénardier - L'ardente obligation pour les hôteliers d'une modernisation rapide - publié dans l'hebdomadaire n° 3005 du 30 novembre 2006 sur larestauration.fr

Pour retrouver les articles déjà publiées sur l'immobilier et la cession de fonds de commerce, cliquez ici

Complément d'article 3046mp22

L'arrêté du 24 juillet 2006
• L'article Sécurité incendie dans les hôtels de plus en plus exigeante publié dans L'Hôtellerie Restauration n° 3017 du 22 février 2007
• L'article 'Vous avez 5 ans pour vous mettre aux normes', publié dans L'Hôtellerie Restauration n° 2997 du 5 octobre 2006
• L'article 'La profession s'est mobilisée pour assouplir les textes, publié dans L'Hôtellerie Restauration n° 2999 du 19 octobre 2006

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L'Hôtellerie Restauration n° 3046 Magazine 13 septembre 2007 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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