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du 3 mai 2007
GASTRONOMIE MOLÉCULAIRE

TERROIR ET MOLÉCULES

LA CUISINE MOLÉCULAIRE GOMME-T-ELLE LA SENSIBILITÉ ?

"Comment faire sentir la présence du cuisinier avec la cuisine moléculaire ?" "La cuisine moléculaire anéantit-elle l'importance de la région, du terroir ?" "Une cuisine moléculaire, technologique, est-elle dictée par la technologie, et le matériel est-il important ?" "Avec la cuisine moléculaire, comment faire passer l'émotion ?" Ces questions m'ont été envoyées par des amis cuisiniers par courriel. Elles sont d'autant plus légitimes que les chroniqueurs gastronomiques fréquentent de plus en plus les restaurants - de plus en plus nombreux - de chefs qui affichent de la cuisine moléculaire.


La seule chose qui intéresse Hervé This, c'est la science nommée gastronomie moléculaire..

Pour y répondre, il faut évidemment préciser d'abord ce qu'est la cuisine moléculaire. C'est une mode, comme le pantalon à pattes d'éléphant ou le rap ou encore… À vrai dire, je ne sais pas très bien, car la mode ne m'intéresse pas : la seule chose qui m'intéresse, c'est la science nommée gastronomie moléculaire, qui, elle, n'est pas plus une mode que l'astronomie, la physique ou la chimie. La science est éternelle, j'en suis désolé pour certains critiques gastronomiques ou pour certains étoilés : ils devront supporter les avancées de la gastronomie moléculaire jusqu'à la fin de leurs jours ; elle les enterrera !
La cuisine moléculaire - j'y reviens - est donc une mode. C'est plus précisément la façon de cuisiner qui a découlé des progrès de la gastronomie moléculaire. Tout a commencé au début des années 1980, quand, avec le physicien britannique Nicholas Kurti, nous avons promu l'utilisation en cuisine d'ustensiles nouveaux, d'ingrédients nouveaux, de méthodes nouvelles. Ma mémoire est claire : je me souviens parfaitement que des amis cuisiniers français me disaient alors que j'allais empoisonner tout le monde avec mes alginates, mon azote liquide, que mes distillations étaient irréalistes en cuisine, que rien ne valait le cassoulet ou le pot-au-feu… Et puis, je n'étais même pas cuisinier, n'est-ce pas ?
Il a suffi d'une crise de la vache folle et de 3 étoiles à Ferran Adrià pour que les gélifiants refusés soient dans toutes les cuisines, en remplacement de la gélatine qui est pourtant inoffensive, pour que les siphons s'imposent… et pour que des sociétés qui vendent de l'azote liquide en viennent à créer des comptes spéciaux pour les cuisiniers, au lieu de réserver leurs produits aux dermatologues. Il a fallu moins de 20 ans pour que les restaurants classiques se vident et que les cuisines 'moléculaires' soient pleines à craquer : 3 ans de délai chez Ferran Adrià ou Heston Blumenthal ! C'est cela, la mode : le public veut goûter ce qui est nouveau, ce qui ne l'empêche pas de conserver un goût pour la cuisine classique ; au fond, n'a-t-on pas le droit d'aimer à la fois Rembrandt et Picasso ? Pourquoi se priver ?


Tout comme il y a de la bonne blanquette de veau et de la mauvaise blanquette de veau, il y a de la bonne et de la mauvaise cuisine moléculaire.

Un cuisinier moléculaire sort des sentiers battus
Évidemment, il y a de tout, chez ceux qui s'affichent 'cuisine moléculaire'. Évidemment, puisque ce label fait vendre. Comme il y avait de tout avec la 'nouvelle cuisine' : du bon et du mauvais. Qu'en conclure ? Ce n'est pas un bon cuisinier de cuisine moléculaire qui peut donner de la validité au mouvement, mais ce n'est pas non plus une mauvaise expérience dans un restaurant 'moléculaire' qui peut faire rejeter la cuisine moléculaire. De même, nous n'abandonnons pas notre goût pour la choucroute ou pour le cassoulet, parce que nous avons mangé un jour une mauvaise choucroute, un mauvais cassoulet.
Oui, car il faut bien dire que la blanquette de veau n'est pas bonne, et que le cassoulet n'est pas bon ! Il y a 1 000 blanquettes différentes, et 1 000 cassoulets différents. Certains bons (du moins, on les aime), d'autres mauvais. On ne devait pas parler de 'la' choucroute, mais des choucroutes ! Idem pour le cassoulet, le pot-au-feu, la béarnaise, la garbure, la tapenade… Et puis, pour juger, ne serait-il pas temps de penser que "le bon professionnel est celui qui est capable d'admirer une oeuvre qu'il n'aime pas" ?
Revenons à la cuisine moléculaire. Quand un cuisinier est-il moléculaire ? Je propose de prendre comme critère le fait qu'il utilise des ingrédients qui étaient absents des cuisines en 1980, ou des ustensiles qui étaient absents à la même époque ; idem pour les méthodes. Oui, les divers gélifiants tirés des algues ou d'autres sources - bref, tout ce qui n'est ni gélatine ni pectine - étaient utilisés par l'industrie, mais pas par les cuisiniers. Oui, les siphons étaient absents, tout comme les centrifugeuses, les colonnes à distiller, les
machines à vide, les thermostats bien réglés (et je rappelle que les catalogues de fournitures pour laboratoires comportent des milliers de pages, avec des ustensiles qui rendraient bien des services aux cuisiniers, de la cuve à ultrasons au filtre imbouchable). Oui, on faisait les génoises en les chauffant à 55 °C, on mettait toujours les haricots verts dans de l'eau glacée, après les avoir cuits sans couvercle. Oui, on clarifiait les bouillons avec blanc d'oeuf, coquilles… Oui, enfin, on appliquait des idées présentes dans le Guide culinaire, et l'on 'saquait' aux examens ceux qui s'écartaient des sentiers battus. On répétait le Guide culinaire sans jamais le contester.

C'est une véritable révolution
La cuisine moléculaire, au fond, c'est cela : avoir accepté de changer de méthodes, d'ustensiles, d'ingrédients. Tout comme notre société a accepté d'abandonner les bougies pour l'éclairage électrique, les citernes pour l'eau courante, la marche à pied pour les trains, automobiles, avions… Dans cette affaire, d'ailleurs, le changement pourrait être considéré comme superficiel, car, après tout, on n'a pas tant crié quand se sont introduits les robots électriques dans les cuisines ! Ou plutôt, si, ce fut une révolution… mais elle a été oubliée, tout comme l'introduction du gaz à tous les étages, en remplacement du charbon ou du bois.
Or, si les cuisiniers avaient à leur disposition les livres anciens, ils sauraient combien chaque transition a été une révolution. Par exemple, l'introduction des fours à gaz a provoqué une guerre culinaire terrible, les anciens disant à juste titre aux modernes que le croustillant des poulets rôtis dans des enceintes fermées, pleines de la vapeur d'eau formée lors de la combustion du gaz, n'avait rien à voir avec le croustillant sec des poulets rôtis au feu ! Puis, lors d'introduction des fouets électriques, il y a eu ceux qui, à juste titre, faisaient remarquer que le goût des mayonnaises changeait, parce que la consistance avait également changé !
Aujourd'hui, les 'remous' suscités par la cuisine moléculaire sont, étonnamment, d'un autre titre : j'ai l'impression que l'affaire concerne davantage la communication (ceux qui n'ont plus de clients dénoncent ceux qui en ont beaucoup, parce que, faisant une cuisine moderne, la presse parle davantage d'eux), alors que, paradoxalement, le changement technique est bien plus profond… puisque la totalité de la technique est, sinon modifiée, au moins questionnée !

Trop tard pour revenir en arrière
Au total, de toute façon, il est trop tard pour revenir en arrière. Pour les pratiques professionnelles, pour l'enseignement. De même que nous, qui avons été élevés dans le confort de l'éclairage à l'électricité, n'accepterions-nous pas de revenir à la bougie, les jeunes cuisinières et les jeunes cuisiniers qui arrivent aujourd'hui dans la profession n'accepteront pas de passer des heures à faire des gelées à partir de pied de veau s'ils ont à leur disposition des gélifiants plus purs, plus efficaces, plus réguliers, plus 'pratiques', en un mot. Bien sûr, il peut y avoir des nostalgiques ou des originaux, qui se distingueront (et c'est important, dans le 'commerce') par des pratiques anciennes, soit volontairement, soit pour des raisons commerciales, mais, alors que la profession négocie âprement les conditions de travail, alors que la concurrence impose des méthodes techniques efficaces, toute innovation qui, sans faire perdre du goût, facilite le travail s'imposera.

Véritable source de créativité
Venons-en maintenant aux questions importantes posées en début d'article. Comment faire sentir la présence du cuisinier avec la cuisine moléculaire ? La question est légitime, mais je voudrais montrer que rien n'a changé, au fond. Commençons par poser la question de savoir pourquoi il faudrait faire sentir la présence du cuisinier. Après tout, si la question essentielle de la cuisine, c'est de donner du bonheur aux convives, c'est le convive qui importe, pas le cuisinier ! Évidemment, j'ai fait le naïf en répondant ainsi, parce que la vraie question n'était pas celle qui était posée : il fallait plutôt entendre "la cuisine de deux cuisiniers différents peut-elle s'affirmer différente si les 2 cuisiniers font tous les deux de la cuisine moléculaire ?". Et, derrière cette question, il y a évidemment un renvoi à l'idée que la cuisine a - pour les cuisiniers artistes, pas pour les cuisiniers artisans - une composante artistique. La question devrait être : 2 cuisiniers artistes peuvent-ils faire un art différent s'ils font tous les deux de la cuisine moléculaire ?
Comparons avec les autres arts, par exemple celui du flûtiste. Jusqu'en 1860, les flûtes traversières étaient d'un type qui avait lentement évolué, mais elles avaient ce son un peu aigrelet des flûtes baroques, et le flûtiste devait faire des acrobaties pour jouer toutes les notes justes, avec le même timbre. Puis Theobald Boehm mit au point la flûte traversière moderne, qui palliait bien des défauts des flûtes anciennes. À propos de cette flûte, aussi, on pourrait poser la question : 2 flûtistes peuvent-ils faire un art différent s'ils jouent tous les deux de cette flûte moderne ? Et la réponse est donnée depuis plus d'un siècle : de nombreux artistes ont tiré des sons différents du même instrument ! Parce que l'art n'a rien à voir avec la technique. Autre exemple, en peinture : l'avènement des pinceaux modernes, des couleurs modernes, qui doivent tout aux progrès de la chimie, et, ensuite, aux applications des nouvelles connaissances chimiques, n'a pas gommé les différences entre les peintres, bien au contraire ! La facilité technique, qui a été acquise, permet aux artistes de se concentrer sur leur art, et non sur la technique.


Le cuisinier moléculaire utilise de nouveaux ingrédients et de nouveaux matériels pour créer de nouveaux mets tels les alginates, le siphon Isi ou la Fakircook® Sens Gourmet (Lire le témoignage de Jordi Herrera dans le magazine de
L'Hôtellerie Restauration du 4 mai 2007 sur la Fakircook®)...

Émotions en cuisine et terroir valorisé différemment
Autrement dit, la cuisine moléculaire n'a rien à voir avec la sensibilité des cuisiniers… et, disposant des mêmes ustensiles, ingrédients ou méthodes nouveaux, les cuisiniers moléculaires restent des individus sensibles, qui doivent chercher en eux-mêmes les façons artistiques de donner de l'émotion par la cuisine. D'ailleurs, j'aurais mieux fait de répondre à cette première question en présentant des cartes : rien de comparable entre celle de Thierry Marx, dans le Bordelais, et celle de Denis Martin, en Suisse. Aucune ressemblance entre la cuisine d'Alter Ego, dans le Tarn, avec celle de Christèle Gendre, à Paris. Ils servent tous des sorbets à l'azote liquide ? Et alors, les cuisiniers non moléculaires servent bien tous des sorbets à la sorbetière ! Beaucoup font des perles d'alginate ? Et alors, beaucoup de cuisiniers classiques font sauter les viandes…
Non, décidément, la composante artistique de la cuisine n'est pas abattue par la technique, mais, au contraire, des notes supplémentaires sur le piano permettent de faire une musique plus variée !
La cuisine moléculaire anéantit-elle l'importance de la région, du terroir ? Là encore, je vois mal comment. Après tout, qu'est-ce qui empêche un Alsacien de faire une choucroute à l'azote liquide, un Toulousain de faire un cassoulet à l'azote liquide ? Pourquoi le Breton ne ferait-il pas des perles d'alginate au blé noir, et l'Auvergnat des perles à la châtaigne ? Et puis, au fond, qu'est-ce que le terroir, en réalité ? Une production agricole, qui tire parti des particularités du pays, afin d'engendrer des goûts particuliers ? Alors le 'cuisinier moléculaire' utilisera ces produits… et les goûts particuliers ou prétendus tels n'ont aucune raison de ne pas se retrouver dans l'assiette, si le cuisinier est habile. D'ailleurs, il n'est pas anodin que nombre des 'bons' cuisiniers moléculaires que je connais soient si exigeants sur les produits qu'ils utilisent : des professionnels attentifs font naturellement attention à tout, et c'est parce qu'ils sont ainsi que leur cuisine est belle, moléculaire ou pas.


Avec les mêmes alginates, les cuisiniers peuvent réaliser une multitude de mets différents : Ambre du poucepied et Ravioles de mangue, deux recettes proposées par Ferran Adrià.

Avec l'aide de la technologie et de nouveaux produits
Troisième question : une cuisine moléculaire, technologique, est-elle dictée par la technologie, et le matériel est-il important ? La question est à nouveau ambiguë, parce que, vu la définition de la cuisine moléculaire, oui, la cuisine moléculaire est déterminée par la technologie, par le matériel, en particulier. Oui, des matériels spécifiques peuvent faire des plats nouveaux, impossibles à faire autrement : par exemple, la distillation ne se fait pas à l'aide d'une seule casserole et d'un couvercle ; par exemple, on ne peut pas cuire sous vide à basse température si l'on ne dispose que de casseroles et de fourneaux au bois. De même pour les ingrédients : on fait difficilement des perles d'alginate sans alginate ! Et l'on fera difficilement des mousses de lait sans protéines laitières foisonnantes. Méthodes, enfin : même traitement.
En revanche, avec les mêmes alginates, le même azote liquide, les mêmes filtres, les mêmes colonnes à reflux, les mêmes cuves à ultrasons, des cuisiniers différents feront des choses différentes… parce qu'ils n'encapsuleront pas les mêmes ingrédients (perles de melon, perles de foie gras, perles d'orange…) ; parce que les flocons givrés des uns (on fait un appareil à meringue qu'on laisse tomber dans l'azote liquide, afin d'avoir une coque glacée, avec un coeur tendre) ne seront pas constitués comme ceux des autres, ni avec le même goût ; parce que les distillations de terre des uns auront pour pendant les distillations de jus de fruit des autres ; parce que…
Enfin, la question : "Comment faire passer l'émotion ?" Là, ce n'est pas le chimiste qui peut répondre, mais
l'artiste. Je vous retourne donc la question : tout d'abord, êtes-vous un cuisinier artiste ou un cuisinier artisan ? Vous apparentez-vous plutôt au peintre en bâtiment ou à Rembrandt ? Encore une fois, je tiens à dire que je préfère un bon artisan à un mauvais artiste, et un bon artiste à un mauvais artisan. Eh oui, je sais que nombre de mes amis cuisiniers se disent maintenant un peu artistes et un peu artisans… mais je considère que c'est une mauvaise réponse, parce que si l'objectif n'est pas clair, les moyens ne peuvent pas être mis en oeuvre pour y arriver. Oui, je sais bien que la cuisine a une composante commerciale importante, mais n'en est-il pas de même pour la peinture, la musique, la littérature ? Reste que le journaliste (artisan) qui écrit des textes peut se réserver du temps pour écrire des oeuvres d'art littéraires. Bien sûr, on peut chercher à mélanger, mais le jour où le journaliste fait sa rubrique de 'chiens écrasés', il cherche à faire passer l'information d'abord (artisanat), et pas l'émotion : Les Fleurs du Mal ne sont pas une oeuvre journalistique…

En attendant le 'constructivisme culinaire'
Comment faire passer l'émotion ? Je crois qu'aucun cuisinier moléculaire artiste ne peut compter sur la technique moderne pour y parvenir, et je crois qu'il ne faut pas non plus considérer que la technique empêchera d'y parvenir, pour peu que l'on ait des idées artistiques. Mais la vraie question est là : amie cuisinière, ami cuisinier, quelle émotion veux-tu faire passer ? Pourquoi ? Comment ? C'est en toi qu'il y a cette sensibilité que tu partageras et qui fera pleurer d'émotion ou rire, ou mettre en colère… Relis La Légende de l'homme à la cervelle d'or, de Daudet !
Que deviendra la cuisine moléculaire ? J'espère qu'elle mourra rapidement ! Une telle déclaration a engendré des "Ah, enfin, il reconnaît qu'il s'est trompé" de la part de bien des personnes qui vivent de fantasmes, d'idées fausses… Non, je ne me suis pas trompé en proposant que la cuisine rénove ses ustensiles, ses ingrédients, ses méthodes ! Il était indécent de cuisiner au XXIe siècle comme au Moyen-Âge ! Il était indispensable que naisse une science, la gastronomie moléculaire (merci de ne pas confondre avec la cuisine moléculaire : la science n'est pas la technique), pour explorer les phénomènes culinaires. D'ailleurs, il faut répéter à certains chroniqueurs gastronomiques, fussent-ils des principaux quotidiens nationaux, que la gastronomie moléculaire ne mourra jamais : elle ne pourra que se développer ! Il était indispensable qu'apparaisse une profession, de technologue culinaire, pour appliquer les résultats de la science nommée gastronomie moléculaire dans les cuisines, et développer ainsi la cuisine qui a été dite moléculaire.
Bref, j'espère que la cuisine moléculaire mourra bientôt, parce que cela montrera que la mutation technologique de la cuisine aura eu lieu et qu'elle n'est plus à faire. Et ce sera très bien, parce que j'y vois de la place pour cette prochaine tendance culinaire que j'appelle de mes voeux : le constructivisme culinaire !
Hervé This
zzz22v

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L'Hôtellerie Restauration n° 3027 Hebdo 3 mai 2007 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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