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du 8 février 2007
JURIDIQUE

L'APPLICATION DU PRINCIPE 'À TRAVAIL ÉGAL, SALAIRE ÉGAL'

PEUT-ON ENCORE INDIVIDUALISER LES RÉMUNÉRATIONS ?

Durant l'année 2005, les juges ont été amenés à préciser le champ d'application du principe 'À travail égal, salaire égal', qui oblige l'employeur à assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés fournissant un travail d'une même valeur, pour autant que ceux-ci soient placés dans une situation identique. Explications.

Ce principe, 'À travail égal, salaire égal', devenu un principe fondamental du droit du travail, trouve son origine dans celui - plus ciblé - de la non-discrimination entre les hommes et les femmes (art. L.140-2 du Code du travail). Toutefois, ainsi que le rappellent les juges avec insistance, la règle ne se confond pas avec celle de non-discrimination.
Les règles de preuve retenues par les tribunaux font peser l'effort de démonstration sur l'employeur. Le salarié qui s'estime lésé doit présenter des éléments, caractérisant de fait une différence de rémunération ; l'employeur doit apporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence.
Il s'agira, dans les faits, soit de démontrer que les salariés effectuent certes le même travail, mais ne sont pas placés dans une situation identique, soit d'établir l'existence d'une différence de valeur dans le travail fourni.

Qu'est-ce qu'une situation identique ?
Le principe 'À travail égal, salaire égal' ne s'applique que lorsque les salariés sont placés dans une situation identique.
En premier lieu, la situation ne peut être identique si les salariés travaillent pour des employeurs différents.
La Cour de cassation a ainsi estimé, dans un arrêt du 6 juillet 2005, que les salariés mis à disposition par une entreprise extérieure ne se trouvaient pas dans une situation identique aux salariés de l'entreprise utilisatrice.
Le principe 'À travail égal, salaire égal' est également inapplicable au sein d'une unité économique et sociale composée de personnes juridiques distinctes. Toutefois, les juges tempèrent l'exclusion du principe dans 2 cas : lorsqu'il existe un accord entre les différentes sociétés composant l'Unité économique et sociale (UES), fixant les conditions d'une égalité de rémunération, et lorsque les salariés accomplissent leur travail dans le même établissement (Cass. Soc. du 1er juin 2005). Les salariés, bien qu'appartenant à des entreprises différentes, pourront alors exiger une égalité de rémunération lorsqu'ils effectuent un même travail.

Une situation différente au regard du droit conventionnel
La jurisprudence admet qu'au sein d'une même entreprise, des différences de rémunération puissent être établies par voies d'accord d'établissement (Cass. Soc. du 27 octobre 1999).
Un accord collectif d'entreprise peut également créer une différence de situation, rendant inapplicable le principe d'égalité de traitement. La situation des salariés ne sera pas considérée comme identique lorsque ceux-ci, du fait de leur date d'embauche, ne bénéficient pas d'un accord collectif. Ainsi, un salarié engagé postérieurement à la mise en oeuvre d'un accord collectif de réduction du temps de travail ne se trouve pas dans une situation identique à celle d'un salarié présent dans l'entreprise à la date de conclusion dudit accord, et ayant subi une diminution de son salaire de base consécutive à la réduction de la durée de travail, diminution que l'attribution de l'indemnité différentielle a pour objet de compenser (Cass. Soc. du 1er décembre 2005).
Attention ! Ce que la Cour de cassation a admis à propos d'un accord collectif, signé en vertu d'une obligation législative (la loi des 35 heures), elle l'a refusé à propos d'un engagement unilatéral, pris pour réduire des coûts dans une affaire opposant la société The Ritz Hotel Limited à certains de ses salariés.
En l'espèce, la société The Ritz Hotel Limited avait dénoncé l'usage qui consistait à octroyer une rémunération de 15 % du chiffre d'affaires aux seuls salariés en contact avec la clientèle. La direction de l'hôtel avait ensuite élaboré unilatéralement une grille de salaires, applicable aux seuls salariés présents lors de la dénonciation de l'usage. Pour l'employeur, cette grille compensait la perte de rémunération variable de 15 % subie par les salariés présents au moment de la dénonciation, et ne pouvait donc bénéficier aux salariés embauchés postérieurement. Les juges ont refusé d'admettre comme pertinente l'explication pourtant objective présentée par l'employeur (Cass. Soc. du 25 mai 2005).

Une situation différente au regard du marché du travail
Une différence de salaire est objectivement justifiée par la pénurie de candidats à une fonction et la nécessité de les attirer par des salaires plus élevés (Cass. Soc. du 21 juin 2005).
L'employeur peut également compenser l'inégalité de situation juridique en offrant un salaire plus élevé à un salarié embauché sous contrat précaire (Cass. Soc. du 24 avril 2006).
En conséquence, un extra ne peut pas être moins rémunéré qu'un salarié de qualification équivalente, occupant les mêmes fonctions (article 14 de la convention collective des CHR), mais peut, en vertu de cette jurisprudence, percevoir un salaire supérieur destiné à compenser la précarité de sa situation.  

Une différence de travail fourni
Dans des situations de travail identiques, la différence de rémunération peut également résider dans la différence de la valeur du travail. L'article L.140-2 du Code du travail, consacré à l'égalité homme-femme, dispose : "Sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacité découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse."
Ainsi, l'ancienneté, si elle n'est pas déjà prise en compte par une prime, et les diplômes obtenus peuvent notamment justifier une différence de valeur du travail (Cass. Soc. du 19 octobre 2005). Quant à la CCN des CHR, elle n'institue pas de prime d'ancienneté.
L'analyse de la jurisprudence permet de considérer qu'à qualification identique, le travail ne sera pas considéré comme de valeur égale si l'employeur démontre que l'un des salariés se voit confier des tâches plus larges ou des responsabilités plus nombreuses, qu'il exerce des fonctions susceptibles d'évoluer en raison du développement du type de missions spécifiques accomplies, qu'il est polyvalent ou qu'il est plus performant. Tous ces paramètres peuvent être avancés pour faire valoir une différence de valeur du travail fourni… à condition d'avoir élaboré des outils de mesures objectives. En effet, les juges exigent de l'employeur qu'il démontre également que la qualité du travail fourni est supérieure.
En conséquence, on ne saurait trop insister sur l'élaboration d'outils objectifs permettant la mesure du travail fourni. À cet égard, les évaluations annuelles sont des instruments indispensables pour démontrer la différence des compétences et des capacités respectives des salariés comparés, ainsi que la différence du travail fourni.
Isabelle Mathieu, avocat associé DaeMPartners
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L'Hôtellerie Restauration n° 3015 Hebdo 8 février 2007 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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