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du 5 octobre 2006
ACHATS

En dehors de toutes considérations médiatiques, les experts sont d'accord : le spa est une valeur en hausse auprès de la clientèle française ou étrangère. Mais n'est-on pas en train d'oublier l'essentiel ? Ouvrir un spa au public n'est pas une initiative anodine. Plusieurs points sont à surveiller de près.
Nelly Rioux

Spa hôtelier, un espace à surveiller de près


"Les hôteliers doivent faire contrôler très régulièrement la qualité de l'eau par des laboratoires agréés." Patrick Paris.

Le spa, dont le nom signifie Sane Per Aqua (littéralement : la santé par l'eau), est un espace à surveiller sur le plan sanitaire. En effet, le spa, censé apporter du bien-être, est potentiellement dangereux parce qu'alimenté par le réseau sanitaire d'eau froide et chaude de l'établissement où il se situe. Au même titre que l'ensemble du bâtiment, il doit être sous haute surveillance tout simplement parce que si l'eau peut soigner, elle peut également représenter des risques pour la santé.
Ces risques sont les lésionnelles et les pseudomonas aeruginosa. Les premières prolifèrent dans les milieux aquatiques, et plus particulièrement lorsque les températures sont comprises entre 35 et 40 °C. Cette bactérie qui déclenche une maladie respiratoire, de type pneumopathie aiguë grave, entraine le décès de l'individu contaminé dans environ 15 % des cas. Pseudomonas aeruginosa est une bactérie opportuniste responsable de diverses infections nosocomiales. Face à ces deux risques, la responsabilité pénale de l'exploitant est engagée*, et il ne faut pas attendre un contrôle inopiné de la DDASS (www.sante.gouv.fr/htm/minister/dd-dr/listedddr.htm#ddass) pour s'en préoccuper.
Pour en savoir plus, nous avons interrogé Patrick Paris, directeur de la société Antagua et expert auprès de la DGS (Direction générale de la santé). Il travaille actuellement à la rédaction d'un guide des bonnes pratiques pour limiter les risques de lésionnelles dans les entreprises de tourisme (à paraître).

L'Hôtellerie Restauration : Quelles recommandations pratiques pourriez-vous faire aux hôteliers pour assurer une bonne hygiène de leurs réseaux d'eau ?
Patrick Paris : Dans le cas de la légionelle, il faut que les hôteliers soient en mesure de prouver qu'ils maîtrisent parfaitement leur réseau sanitaire d'eau froide et chaude. Ils doivent être capables de mettre en oeuvre des actions pour combattre les bactéries. La légionelle est une bactérie qui arrive dans un lieu grâce ou à cause du réseau. Il ne faut pas croire que seul le fameux 'bras mort' est responsable. Statistiquement, il est même très minoritaire (3 à 5 % du risque). En revanche, la présence de legionella est, dans de nombreux cas, due à des défauts de conception,
de températures, de circulation de l'eau et à la présence de dépôts de tartre et de corrosion dans les circuits. Au même titre que l'on a un carnet d'entretien pour une piscine, on doit avoir un dossier spécifique au réseau d'eau de l'établissement où l'on aura les plans, les caractéristiques des équipements, les relevés de température, les résultats d'analyses… La légionelle se diffuse par le biais d'aérosols, et les spas, où l'on a de nombreuses douches, des jacuzzis ou des baignoires à bains bouillonnants sont propices à la contamination. Les hôteliers doivent faire contrôler très régulièrement la qualité de l'eau par des laboratoires agréés. À noter que l'arrêté du 30 novembre 2005 qui intervient dans le cadre de la prévention du risque de brûlure n'arrange pas le problème. En effet, il annonce clairement que la température de l'eau chaude sanitaire devra être de 50 °C maximum au point de puisage. Or, on sait que les lésionnelles se développent idéalement dans une eau tiède à 35-40 °C.

ATTENTION AUX ABUS EN TOUT GENRE

Pas un jour ne passe sans que naisse un nouveau spa, dans l'Hexagone ou ailleurs… L'engouement est là, un furieux phénomène de mode aussi. Si l'on se réfère aux experts, "la remise en forme figure parmi les tendances de consommation de fond de notre société…" (Olivier Petit - directeur associé de BDO MG Hôtels & Tourisme - Lire L'Hôtellerie Restauration n° 2966 magazine du 2 mars 2006 : "Le spa peut-il faire bouillir la marmite des hôteliers ?"). Caroline Marcoux (directrice du cabinet Coach Omnium & Spa) confirme : "Le spa répond à un besoin de cocooning, de bien-être individualisé, à un besoin d'évasion. Mais un spa est un vrai concept marketing pour lequel il doit y avoir aussi un objectif de rentabilité…" (lire notre dossier 'Détente & Spa'). L'engouement des hôteliers - en quête de revenus supplémentaires - pour le spa est tel que ce cabinet spécialisé a même mis au point un concept 'clés en main' baptisé 'Spa Boutique', plus particulièrement destiné aux hôtels 3 étoiles (lire L'Hôtellerie Restauration2956 du 22 décembre 2005).
Le recours à des experts reconnus, comme ceux que nous citons ci-dessus, est indispensable lorsque l'on souhaite se lancer dans un projet de spa. Car qui dit mode dit aussi abus et exagération. La horde de fournisseurs qui s'est engouffrée dans ce que l'on appelle aujourd'hui la 'méga tendance spa' est à considérer avec discernement. Exigez des références de leur part. Visitez-les et testez les équipements. Interrogez vos confrères. Vérifiez que le matériel répond à toutes les normes d'hygiène et de sécurité. Car sous prétexte que la table de massage provient d'un lointain pays asiatique et que ça fait plus branché, l'hôtelier risque d'avoir quelques surprises à plus ou moins court terme. Les importations pullulent, et ne bénéficient pas toujours des agréments européens.
Par ailleurs, les propositions de soins deviennent extravagantes et le dernier salon Spa & Institut en a fait la démonstration : modelage aux baguettes de bois d'olivier, rite des bols chantants, massages aux coquillages marins ou à la roche volcanique… Tout n'est que Hic (méthode biocybernétique, sémantique, soins holistiques ou sophroniques, etc.) et Toc (des produits de beauté aphrodisiaques ou gourmands, de la cosmetotextile…). Se contenter déjà d'offrir de vrais bons massages dépaysants, réalisés par de vrais professionnels, devrait satisfaire vos clients qui vous en seront éternellement reconnaissants. Les modes passent et lassent. Enfin, attention aux produits cosmétiques que l'on préfère parfois faire venir d'une autre planète parce c'est plus 'in' et surtout moins cher. Pas d'étiquetage ni de composition précise. Les risques existent, ne l'oubliez pas !

Les établissements récents ou neufs sont-ils concernés ?
Bien entendu, comme je l'ai dit précédemment, les deux risques que nous évoquons n'ont rien à voir avec la vétusté de l'établissement. Le problème va plutôt venir de la conception et du réseau en général, d'autres données peuvent ensuite s'immiscer. Lorsqu'une analyse n'est pas bonne, il faut immédiatement prendre des mesures, valider le relevé technique, apporter des actions correctives qui peuvent être un simple équilibrage des boucles d'eau chaude avec ou non l'ajout de vannes d'équilibrage ou d'autres équipements. Détartrage, désoxydation et désinfection choc peuvent aussi être envisagés.

Qu'en est-il des pseudomonas ?
Les milieux hospitaliers se préoccupent beaucoup de ces bactéries qui peuvent être très néfastes sur les personnes immunodéficientes. Dans un établissement de tourisme, on peut lutter efficacement contre elles en pratiquant des désinfections régulières et efficaces. Les pseudomonas ne touchent que le réseau d'eau froide. Elles vont trouver un milieu propice à leur développement (spas) dans toutes les zones terminales d'un réseau (pommeau de douche, robinet, mousseur…). Il faut désinfecter avec les produits appropriés car la bactérie est très résistante. n zzz37 zzz42x

ATTENTION À L'APPELLATION 'MASSAGE'

La polémique est vive ! D'un côté, les MK (masseurs-kinésithérapeutes) revendiquent le monopole dans la pratique du massage, dans un but thérapeutique ou non, et qui leur incombe en vertu des articles L.4 321-1 et R.4 321-3 du Code de la santé publique. De l'autre, les esthéticiennes qui estiment qu'elles ont toujours massé, qu'elles masseront toujours et qu'on ne va pas mettre un huissier à la porte de chaque institut ou spa pour les empêcher d'accomplir leur métier. En 2004, le directeur général de la SNCF s'était fait rappeler à l'ordre par la FFMKR (Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes-rééducateurs) parce qu'il avait, au cours d'un reportage télévisé, montré comment promouvoir le bien-être des passagers des lignes TGV par la pratique de massages… Plusieurs esthéticiennes ont également été assignées pour "pratique illégale de la masso-kinésithérapie", ce qui implique des peines allant d'une amende de 460 à 3 050 E , et d'un emprisonnement de 15 jours à 5 mois…
Mais dernièrement, la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, parue au JO le 3 août 2005, a intégrée un amendement lors de son examen au Parlement afin "de permettre aux esthéticiennes de pratiquer des massages, à finalité purement esthétique, qualifiés de 'modelages', ce terme ne posant pas de difficulté vis-à-vis de l'activité des masseurs-kinésithérapeutes. Les termes retenus, 'modelages esthétiques de confort sans finalité médicale', choisis avec discernement, séparent bien le champ des masseurs-kinésithérapeutes de celui des esthéticiennes, les activités de massage étant réservées aux premiers, celles de modelages aux secondes. Par ailleurs, cette disposition paraît de nature à sécuriser la situation des esthéticiennes tout en assurant la sécurité et la qualité nécessaires aux consommateurs. Elle est également de nature à protéger les membres de cette profession contre les personnes non formées qui voudraient occuper le marché du 'modelage'. La loi n° 2005-882 a donc pris en compte les évolutions de la société : les offres de massage se multiplient et se diversifient, répondant ainsi aux besoins de la population. Au-delà de cette avancée, les acteurs concernés peuvent se concerter pour élaborer un Code de bonne conduite entre les professions d'esthéticiennes et de masseurs-kinésithérapeutes".
En conclusion, les 'massages' qui pourraient être pratiqués dans les spas des hôtels, s'ils ne sont pas dispensés par des MK diplômés d'État, ne peuvent être que des soins appelés "modelage esthétique amincissant - modelage esthétique drainant - digitopression et réflexologie esthétique - modelage esthétique de confort". Les séances ne peuvent être pratiquées que par des esthéticiennes diplômées d'État. Attention donc aux qualifications des thérapeutes que vous recrutez et aux appellations fantaisistes…

Complément d'article 2997mp60

Quelques textes réglementaires à avoir sous la main

- Arrêté du 30 novembre 2005 modifiant l’arrêté du 23 juin 1978 relatif aux installations fixes destinées au chauffage et à l’alimentation en eau chaude sanitaire des bâtiments d’habitation, des locaux de travail ou des locaux recevant du public.
- Circulaire DGS n° 98/771 du 31 décembre 1998 relative à la mise en oeuvre de bonnes pratiques d’entretien des réseaux d’eau dans les établissements de santé et aux moyens de prévention du risque lié aux lésionnelles dans les installations à risque et dans celles des bâtiments recevant du public.
- Circulaire n° DGS/VS4/2000/166 du 28 mars 2000 relative aux produits de procédés de traitement des eaux destinées à la consommation humaine.
- Circulaire DGS/SD7/SD5C-DHOS/E4 n° 2002/243 du 22 avril 2002 relative à la prévention du risque lié aux lésionnelles dans les établissements de santé.
- Rapport du Conseil Supérieur d’Hygiène Public de France relatif à la gestion du risque lié aux lésionnelles (disponible sur le site internet du ministère de la Santé www.sante.gouv.fr voir circulaire DGS n° 2002/273 du 2 mai 2002 relative à sa diffusion).
- Piscines, bassins bouillonnants, spas, jacuzzis : Décret n° 81-324 du 7 avril 1981 fixant les normes d’hygiène et de sécurité applicables aux piscines et aux baignades aménagées, et arrêtés modificatifs.

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L'Hôtellerie Restauration n° 2997 Magazine 5 octobre 2006 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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