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du 12 juin 2003
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n TVA EN RESTAURATION

La Commission européenne conteste l'effet favorable de la baisse de la TVA sur l'emploi  

Alors que les syndicats patronaux français misaient sur le soutien de la Commission européenne pour obtenir l'autorisation d'appliquer le taux réduit à la restauration, le 2 juin dernier, un rapport de la Commission conteste les effets favorables sur l'emploi des baisses de la TVA. Pour Jacques Borel, président du Club TVA, rien n'est encore perdu. Le combat doit se poursuivre, même s'il se révèle de plus en plus compliqué.

Propos recueillis pas P. Carbillet

L'Hôtellerie : Que pensez-vous des conclusions du rapport que la Commission européenne vient de présenter sur la TVA ?
Jacques Borel : Je ne suis pas surpris par ces conclusions. Lors d'un rendez-vous avec Robert Verrue, le directeur général de la fiscalité et l'union douanière à la Commission, celui-ci m'avait prévenu que leurs études montraient que la baisse de la TVA sur les services étudiés n'avait pas eu d'incidence sur l'emploi en dehors de 2 cas : l'Italie et la France.

L'H. : Doit-on en déduire que la restauration ne pourra pas obtenir le droit d'appliquer le taux réduit ?
J. B. : Non ! Aujourd'hui, nous avons deux nouvelles informations à prendre en compte : une mauvaise et une bonne nouvelle. La mauvaise nouvelle, c'est que la Commission va supprimer l'annexe K, dans la mesure où l'expérience qui consistait à baisser la TVA sur certains services pour dynamiser l'emploi a été un échec dans tous les pays, sauf en France et en Italie. Cet échec est autant dû aux gouvernements, qui n'ont pas assez poussé les prestataires à appliquer la règle des 3 tiers, qu'aux prestataires eux-mêmes, qui n'ont pas répercuté cette baisse de TVA et ont préféré accroître leurs marges. Ce fut le cas en Hollande où les réparateurs de bicyclettes ont utilisé cette baisse de TVA pour augmenter leurs marges ; il n'y a donc eu aucune création d'emploi dans ce secteur. Un résultat particulièrement négatif, les prestataires de services ont montré qu'ils ne savaient pas être raisonnables.

L'H. : Qu'entendez-vous par règle des 3 tiers ?
J. B. : 1/3 de la baisse de la TVA doit se traduire par une réduction du prix TTC, les 2/3 restants doivent être répartis à parts égales entre une hausse des salaires nets et une hausse des marges de l'entreprise.  

L'H. : Quant à la bonne nouvelle, où est-elle ?
J. B. : Annoncé pour le 15 juin, Frits Bolkestein doit remettre fin juin un rapport à Ecofin. Dans ce dernier, il est recommandé de donner la possibilité aux Etats membres d'appliquer le taux réduit à un secteur d'activité quand une majorité de pays bénéficie déjà du taux réduit pour le secteur. Ce qui revient à élargir l'annexe H. Ce dispositif pourrait bénéficier au secteur de la restauration, puisque 8 Etats membres bénéficient du taux réduit en restauration. En outre, ce dispositif ne visant pas uniquement la restauration, il ne pourra pas être taxé d'une aide indirecte par un gouvernement envers un secteur particulier. Ce rapport sera présenté le 16 juillet aux 15 ministres des Finances d'Ecofin. C'est sur cette nouvelle base que nous nous battons pour obtenir que la France puisse bénéficier du taux réduit de TVA en restauration.

L'H. : Une nouvelle piste donc qui permet de nouveaux espoirs après ce rapport. Peut-on être optimiste ?
J. B. : Pour réduire le taux de TVA en restauration, nous avons besoin de l'unanimité des voix, c'est-à-dire de l'accord des 15 ministres des Finances de chaque pays membre. Aujourd'hui, 3 pays sont contre : l'Allemagne, le Danemark et les Pays-Bas. 4 pays sont neutres : l'Autriche, l'Irlande, la Suède et la Finlande. 8 pays sont pour : la France, la Belgique, l'Espagne, la Grèce, l'Italie, le Luxembourg, le Portugal et le Royaume-Uni.

L'H. : Pensez-vous pouvoir convaincre les récalcitrants ?
J. B. : Nous ne ménageons pas nos efforts tant du côté du gouvernement, avec une forte implication de Noëlle Lenoir, secrétaire d'Etat aux Affaires européennes qui rencontre régulièrement ses homologues afin de les convaincre. Quant au Club TVA, il est prévu un certain nombre de rendez-vous avec différents ministres des Finances des Etats membres pour les convaincre du bien-fondé d'une telle mesure. Nous avons obtenu un rendez-vous avec le ministre des Finances du Danemark, nous sommes sur le point d'en obtenir un avec celui de l'Allemagne, et nous en prévoyons un d'ici la fin du mois de juin avec celui des Pays-Bas. Mais outre ces rendez-vous avec les ministres des Finances opposés à une telle mesure, j'ai déjà pris des contacts avec les pays neutres, car il faut les convaincre de ne pas basculer dans le camp des opposants au dernier moment.  

L'H. : Quand l'Europe doit-elle se prononcer ?
J. B. : Le vote est prévu pour le 16 décembre prochain.

L'H. : La loi de Finance pour 2004 sera déjà votée. Comment une baisse de TVA pour la restauration pourrait alors s'appliquer au 1er janvier 2004 ?
J. B. : Le gouvernement français a une volonté absolue de faire passer cette mesure pour l'année 2004. La loi de Finance peut très bien prévoir cette disposition sous réserve de l'acceptation par Ecofin. Il est possible aussi au gouvernement de déposer un amendement à la loi de Finance dans les derniers jours du mois de décembre. Donc, rien n'est impossible. zzz66f

LE RAPPORT DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

Les clefs pour mieux comprendre

"Calculée au niveau de l'Union européenne, pour un même coût budgétaire, une baisse des charges sur le travail crée 52 % d'emplois de plus qu'une baisse du taux de la TVA entièrement transmise dans les prix."

Qu'est ce que l'annexe K ?
En 1998, afin de lutter contre le chômage croissant dans la Communauté européenne, le Conseil européen avait permis à la Commission européenne d'autoriser les Etats membres qui le souhaitaient à appliquer un taux de TVA réduit à certains secteurs d'activité, qui devaient remplir alors 4 conditions :
- Employer une main-d'œuvre abondante ;
- Fournir des prestations aux consommateurs finaux ;
- Avoir une implantation locale n'entraînant pas une concurrence transfrontalière ;
- Répercuter cette baisse de TVA sur les prix pour favoriser l'augmentation de la demande, et par conséquent, de l'emploi.
Chaque Etat membre pouvait proposer des activités qui remplissaient ces conditions. Ces secteurs furent alors inscrits dans une nouvelle annexe K. La restauration, qui correspondait pourtant à ces critères, ne fut pas proposée par la France, et n'a donc pas pu faire partie des secteurs d'activité retenus à titre expérimental pour bénéficier d'une TVA à taux réduit.

Ce sont les pays qui ont choisi les services inscrits sur l'annexe K
1. Petits services de réparation : bicyclettes, chaussures et articles de cuir, vêtement et linge de maison.
2. Rénovation et réparations de logements privés.
3. Lavage de vitres.
4. Soins à domicile.
5. Coiffure.

L'expérience devait permettre de déterminer le rapport entre la baisse de la TVA et l'emploi
Cette expérience était limitée dans le temps, du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002, et ne concernait que les services décrits dans une nouvelle annexe K. 9 Etats membres ont participé à cette expérience, dont la France.
A l'issue de cette période, une évaluation précise des conséquences en termes d'emploi et sur son efficacité était prévue par la Commission dans le cadre d'un rapport soumis au Parlement européen et au Conseil des ministres Ecofin à la fin de l'expérience. Ce rapport d'évaluation globale de la mesure devait permettre de proposer des mesures adéquates et de décider définitivement du taux de TVA applicable aux services de forte intensité de main-d'œuvre. C'est ce rapport que la Commission vient de rendre.

Pour la Commission, la baisse de la TVA n'est pas assez efficace en termes de créations d'emploi compte tenu de son coût budgétaire
Le rapport conclut à l'échec de la mesure, la baisse de TVA n'ayant pas permis une augmentation de l'emploi dans les secteurs qui l'ont appliquée. Pour la Commission, le lien entre la baisse du taux de TVA et l'emploi n'est direct que s'il implique une baisse significative des prix, seule cette baisse permettant de relancer la demande. Mais les Etats membres ont constaté, lors de leurs relevés de prix, que la répercussion de la baisse de la TVA dans les prix proposés aux consommateurs n'était jamais totale.
Selon les chiffres du rapport français, le coût d'un emploi direct créé grâce à la baisse de la TVA reste élevé, environ 89 000 e par emploi et par an.

Pour la Commission, pour un même coût budgétaire, une baisse des charges aurait créé 52 % d'emplois de plus qu'une baisse de TVA
La Commission conclut à une efficacité relative de la mesure : "Les études empiriques qui explorent les effets d'une baisse du taux de la TVA montrent qu'une mesure de baisse du taux de la TVA n'est jamais la mesure la plus efficace, et que son coût budgétaire est élevé par rapport à ses effets économiques. Calculée au niveau de l'Union européenne pour un même coût budgétaire, une baisse des charges sur le travail crée 52 % d'emplois de plus qu'une baisse du taux de la TVA entièrement transmise dans les prix."
Dans le cadre du réexamen des secteurs d'activité pouvant bénéficier des taux réduits, c'est-à-dire un réexamen des activités qui figurent dans l'annexe H et dont fait déjà partie l'hôtellerie, la Commission tiendra compte des résultats apportés par cette expérience. zzz66f

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L'Hôtellerie Restauration n° 2825 Hebdo 12 Juin 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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