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Maurice Lemaire à Douai (59)

Il choisit les centres commerciaux

Ce spécialiste du centre commercial et du gros débit vient de fêter ses 70 ans et ne dételle pas. Non pour végéter derrière un comptoir en repoussant une méchante retraite, mais pour poursuivre une expansion ininterrompue de ses affaires depuis 35 ans.

m Alain Simoneau

Et une, et deux, et trois affaires dans la galerie commerciale d'Auchan au sud-est de l'agglomération douaisienne. Et une quatrième au nord-ouest dans la galerie Leclerc. "Nous sommes les champions des centres commerciaux", pourraient chanter Maurice et Thérèse Leclerc sur l'air du grand stade. Mais ce n'est pas vraiment leur style. Leur vie, c'est plutôt le travail acharné et discret. Ils ont repris le 1er juillet dernier leur quatrième affaire, à un âge ou d'autres ont débrayé depuis un moment, alors que leurs vieux jours sont assurés par d'autres réussites antérieures. Thérèse Lemaire espère tout de même que celle-ci soit la dernière. Mais qui sait ? "Mes collègues me disent que je suis idiot d'être encore au boulot, mais j'aime bien", explique son mari. "Le bistrot, c'est une passion", ajoute-t-il, avant d'attaquer un repas copieux à la table de sa Taverne, l'affaire qu'il vient de reprendre. Un lieu qu'il connaissait bien pour l'avoir créé, développé et revendu en 1985.

Une affaire bonne à reprendre
"Nous avions vendu le fonds mais pas les murs. Nous l'avons repris, presque en difficulté, deux fois moins cher qu'à l'époque, 240 000 francs, explique Maurice Lemaire. Nous avons investi 90 000 francs dans la remise en état. La brasserie doit être propre et accueillante, mais sans luxe, ce qui pourrait effrayer la clientèle de l'hypermarché", détaille-t-il. Pourquoi ? La certitude de pouvoir faire mieux...
"Une affaire est bonne à reprendre quand son prix a baissé sans qu'une raison extérieure lourde ne l'explique", pose Maurice Lemaire. La galerie Auchan de Douai n'est pas éblouissante, mais comme tous les centres de la marque, elle bénéficiera tôt ou tard d'un rafraîchissement. Le bon emplacement repéré, l'opportunité déterminée, il faut bien sûr se porter acquéreur au bon moment sans surenchère inutile, et immédiatement appliquer les recettes de base. "Un, la propreté, deux, le service, trois, la gestion, et d'abord les achats au meilleur prix, quatre, vendre ce que le client attend au prix adéquat", résume le patron. La Taverne a débité 250 000 hl de bière les six premiers mois, et devrait dépasser largement les 500 000 hl sur l'exercice, si la progression se maintient. C'est gagné, semble-t-il, mais "on essaiera de faire encore mieux, on est là pour ça". Les reprises, c'est l'essentiel du parcours de ce fils de minotier. En 1966, il juge que le négoce de produits agricoles ne donne plus. Pas assez gros au milieu des plus gros. Il quitte l'affaire paternelle et reprend un café en faillite près de Douai, le remonte et le revend en 1969, métier appris. Il change de dimension en reprenant Le Luciole face à la gare de Douai, en perdition alors. Le chiffre d'affaires multiplié par trois, il le revend en 1972. Tout le monde le croyait assis sur cette petite mine d'or pour longtemps. Mais il préfère acquérir cette taverne auprès d'Auchan, dont personne ne voulait. L'endroit semble bien triste, mais une foule passe devant chaque jour, et les murs sont aussi à vendre, pas trop cher. Il comprend tout de suite à quel point cette possibilité d'acheter l'immobilier est une chance exceptionnelle. "A l'époque, les mines tournaient encore. Un an plus tard, en 1973, nous débitons 1 200 hl, le premier débit du Nord je crois." En 1974, il épouse Thérèse, une autre mine d'or pour sa compétence. Elle donne sa mesure dans le tabac-presse d'en face. Lequel fait l'objet de l'une des toutes premières ventes du Nord. En 1985, ils vendent La Taverne, mais créent aussitôt La Grignotte, un snack-sandwicherie-friterie propre et net à la sortie des caisses. Toujours en pleine propriété. Génial. Ce petit bijou débite un maximum de liquide comme de solide avec un minimum de personnel, de frais et d'investissements. La même année, ils reprennent en location, "mais à un prix très modéré", un bar-tabac dans le centre Leclerc, aujourd'hui exploité avec satisfaction par leur fils. Et voici trois ans, ils acquièrent un emplacement juste en face pour en faire une pizzeria, La Gourmandière, qui livre plein gaz. Au total, les quatre affaires emploient 23 salariés, dont 7 pour La Taverne, qui pourrait embaucher si la progression se poursuivait.
Pas question donc de traiter le bistrot en centre commercial par le mépris, encore moins avec un professionnalisme approximatif.

Des recettes pour réussir

Pour réussir, il faut "d'abord du courage et de l'ardeur au travail", dit Maurice Lemaire. Ensuite, il faut, pour bien vendre, "comprendre ses clients, observer, regarder ailleurs, toujours chercher à faire mieux que les collègues et à appliquer les bonnes idées. Voyager, aller dans les salons, à Equip'hôtel et à l'étranger, surtout en Allemagne. Les grands salons permettent d'anticiper les changements". Il faut aussi gérer serré. "Les achats sont essentiels", plaide Maurice Lemaire. "Restons libres de contrats, travaillons avec les banques, elles sont là pour ça. Payons nos factures en temps et en heure pour négocier de bons prix. Un bon prix, c'est le prix réel du marché hors obligations, avec quelques remises sans exagération. C'est un équilibre à trouver." Maurice Lemaire conseille aussi de préserver "la valeur du couple. Il faut être à deux dans les petites affaires". Conclusion : "Un indépendant bien organisé n'a pas à avoir peur des chaînes." CQFD

Le professionnalisme d'abord
Dans un centre qui marche bien, autour d'une belle locomotive remise à neuf régulièrement, la clientèle potentielle est là. La difficulté est de lui proposer à un bon rapport qualité/prix qu'elle recherche (on se trouve en ambiance discount), avec la sécurité, la tranquillité et la netteté du service comme du cadre dont elle a besoin, sans concession sur la propreté, mais sans surinvestissement. Les échecs viennent souvent de tarifs de location prohibitifs et d'une compétence insuffisante des gérants.
Il faut aussi savoir embaucher. "Il est très difficile de trouver du personnel qualifié. Pour y parvenir et le garder, il faut lui donner des objectifs et de la satisfaction professionnelle, le payer correctement et respecter les horaires. Nous formons des équipes, et nous avons déjà engagé la réduction du temps de travail, expose Maurice Lemaire. Ici, personne ne gagne moins de 10 000 francs pour 40 heures. La maison fournit les vêtements de travail. Nous faisons notre nettoyage nous-mêmes, mais moyennant des primes. Tout le monde a deux jours de congé par semaine. Nous fermons le dimanche, nous travaillons un peu plus pendant les fêtes de Noël." Le patron, qui est aussi président du syndicat des CHR de Douai, membre de la CCI, ne dit pas combien d'heures il donne, lui. n


Thérèse, Colette et Maurice Lemaire au zinc de La Taverne. De l'allant, du courage et de la bonne gestion.


La pizzeria, glacerie, pâtisserie à consommer sur place ou à emporter. Jolie petite affaire.


La Grignotte, à deux pas des caisses de l'hypermarché : la version sécurisante de la friterie et du fast-food à la française. Peu de frais et du chiffre.


A l'entrée de La Taverne, un jour calme en galerie commerciale d'Auchan à Douai. Propre, accueillante, mais pas de surinvestissement.

 

Quelques belles affaires en chiffres

La Grignotte, snack-friterie, emploie 4 personnes par équipe, sur 20 m2. Elle réalise 2 MF de CA, 70 % en boissons dont 250 hl de bière, 30 % en solide. Les frais généraux sont très faibles.
Au centre Leclerc, confié à Hubert Lemaire leur fils, la brasserie emploie 7 personnes, à temps complet ou partiel, tire 350 hl de bière, réalise un CA de 3,5 MF, dont 70 % en liquide et 30 % en solide. Le ticket moyen, plat et boisson en général, sort à 60 F. Le tarif de location est raisonnable, mais les exigences de sécurité importantes.
Sur un exercice complet, La Taverne devrait faire mieux, avec 7 à 9 personnes s'il faut embaucher. La salle dispose de 150 places. La cuisine aux normes de 40 m2 permet de débiter fort. La proportion de CA boisson et solide tourne autour de 65% et 35 %. La mise de départ a été modérée.
La pizzeria La Gourmandière, sur laquelle veille Colette, fille de Maurice et Thérèse Lemaire, est une affaire plus modeste mais rentable. Le groupe réalise en plus des prestations de confection de sandwiches pour de grandes manifestations, au-delà du millier d'unités, à des prix "qui valent le coup", commente le patron.

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L'HÔTELLERIE n° 2707 Magazine 1er Mars 2001


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