Évolution de carrière : la tentation de l'exil ?

La possibilité de partir à l'étranger reste l'un des aspects les plus attractifs des métiers de l'hôtellerie et de la restauration. Mais cette envie de voyager ne serait-elle pas devenue, avec la crise, une obligation ?

Publié le 21 octobre 2013 à 11:21

"L'obsession de l'ailleurs, c'est l'impossibilité de l'instant", écrivait le penseur Emil Cioran. La situation semble si impossible en France pour les jeunes diplômés qu'ils seraient plus de 50 % des 18-34 ans à vouloir partir à l'étranger, selon une étude Viavoice pour W&Cie. Il y aurait actuellement 1,6 million de Français inscrits sur les registres à l'étranger dont 270 000 âgés de 25 à 35 ans et 155 300 de 18 à 25 ans, soit 14 % de plus en cinq ans. À peine leur diplôme en poche, ils sont un sur cinq dans les écoles de commerce et un sur dix en école d'ingénieurs à faire leur valise. Les destinations principales sont la Suisse, le Royaume-Uni et les États-Unis. S'il n'existe pas de statistiques propres au secteur de l'hôtellerie, 36 % de la jeunesse française n'a pas confiance dans l'avenir du pays alors que plus des trois quarts des jeunes allemands croient en leur futur.

Des expériences internationales plutôt qu'un exil sans retour

Les écoles hôtelières françaises n'assistent pas à un exode massif dans l'esprit de ces bateaux remplis d'Irlandais fuyant la grande famine à la fin du XIXe siècle. Cependant, l'évidence de partir s'impose plus facilement aujourd'hui pour des raisons qu'explique Christian Badinand, proviseur du lycée des métiers de l'hôtellerie Jean Drouant (Paris, XVIIe) : "L'exil, ou la mobilité, est devenu avec le temps une donnée de plus en plus banale dans la constitution d'un parcours professionnel. Si plusieurs perches sont à saisir, pourquoi ne pas regarder celles qui nous sont tendues à l'étranger ? Le choix de l'expatriation se fait plus facilement qu'avant. Cette éventualité est plus présente dans les esprits. L'image du 'french cook' reste positive dans l'imaginaire mondial. Nos standards de bonne restauration sont plus répandus ici qu'à l'étranger, si bien qu'un bon restaurant chez nous est vite surclassé ailleurs et verra une clientèle plus huppée le fréquenter. Toutes ces informations circulent et banalisent l'option 'étranger' chez nos jeunes ; elle devient par conséquent un choix plus fréquent et partiellement motivé par la crise. Ajoutons également le sentiment, nourri à tort ou à raison, que la France est bloquée, qu'entreprendre y est parfois plus difficile qu'ailleurs, et le nombre de départs ne peut qu'augmenter."

À cela, on ajoutera la déréglementation du transport aérien, la facilité de circulation dans les différents pays européens et l'internationalisation des grands groupes hôteliers, des raisons supplémentaires pour tenter le grand saut alors que 87 % de nos compatriotes jugent notre économie nationale en déclin. Crise, salaires peu motivants, évolution de carrière lente, prise de risque difficile, monde du travail figé et conflictuel, explosion des normes et des contraintes administratives, voilà bien des raisons de rejoindre les Français de l'étranger. Une analyse que nuance Hervé Fleury, qui dirige depuis quinze ans l'Institut Paul Bocuse : "Nous formons chaque année 400 étudiants de 34 nationalités différentes et si nous ne ressentons absolument pas un désir plus marqué d'expatriation de la part de nos étudiants français, ce que nous notons à contrario c'est que les élèves étrangers, eux, veulent à tout prix demeurer en France."

L'herbe n'est pas forcement plus verte ailleurs

Gérard Pélisson, président de l'Institut Paul Bocuse, dispose de deux autres casquettes qui font de lui un fin connaisseur du sujet : il est le co-fondateur du groupe Accor et le président, depuis 1997 de l'Union des Français de l'étranger (UFE), la plus ancienne association d'expatriés français. "Le métier est devenu difficile en France à cause des charges, estime-t-il. Les marges se réduisent mais il existe toujours des possibilités. Et même si nous n'avons pas de données chiffrées, nous ne notons pas à l'UFE une surreprésentation des hôteliers depuis quelques années. Je ne conseille d'ailleurs pas de partir. Nous avons toujours plus d'offres que de demandes chez nous. En revanche, l'augmentation des départs d'ingénieurs vers l'étranger est une évidence, et les métiers du tourisme - au sens large -, attirent beaucoup nos compatriotes en Asie."

L'Asie, Marc Steinmeyer la connaît bien. Ce Marseillais, en âge de couler une retraite paisible dans sa maison du Gers, a fondé un groupe hôtelier en Indonésie après avoir mené une brillante carrière internationale au sein du groupe Accor. Le patron du groupe Tauzia (voir encadré) dirige aujourd'hui une centaine d'hôtels dans l'archipel et emploie 2 500 collaborateurs. En février dernier, sa participation à l'émission Complément d'enquête (France 2) sur le thème : 'Faut-il partir pour réussir ?', lui valut une abondante correspondance : "J'ai reçu des centaines de courriers. La moitié était des demandes d'emploi, un quart provenait d'anciens collègues perdus de vue, et un autre de restaurateurs épuisés par les difficultés de recrutement et les rigidités administratives. Ils recherchaient des conseils pour poursuivre leur activité à l'étranger. Lorsque l'on choisit l'hôtellerie, c'est parce que l'on a la bougeotte. Et si, pour les jeunes, il est impératif d'avoir une expérience internationale, pour les entrepreneurs plus âgés, il s'agit plutôt de lassitude, d'envie de recommencer ailleurs dans un environnement apaisé."


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Publié par Francois PONT



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