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du 23 octobre 2008
JURIDIQUE

DEPUIS L'INTERDICTION DE FUMER DANS LES LIEUX PUBLICS

Votre responsabilité est-elle engagée dans le cas de nuisances sonores ?

Faute d'avoir pu ou voulu installer un local fumeurs, vos clients sont contraints de sortir pour 's'en griller une' et discuter. Cette situation est-elle de nature à nuire à vos intérêts ? Explications.


S'il y a tapage nocturne, l'exploitant peut même voir son établissement temporairement fermé.

Pendant les beaux jours, si vous vous promenez dans les quartiers animés des centres-villes, vous pouvez constater que les clients envahissent les trottoirs devant les débits de boissons. Dans certains cas, ils sont même plus nombreux à cet endroit qu'à l'intérieur de l'établissement. Le client va fumer à l'extérieur tout en continuant à consommer sa boisson, avec ses amis qui le suivront pour continuer leur conversation. Malheureusement, même dans les quartiers animés, il existe des appartements où les riverains, aspirant à la tranquillité, se plaignent de ces discussions bruyantes. Même si l'exploitant du débit de boissons ne manque pas de rappeler à sa clientèle de respecter le voisinage et de faire le moins de bruit possible, les débordements sont fréquents. Peut-il, malgré tout, être tenu pour responsable de ces troubles du voisinage ? Cette situation peut être appréhendée sous deux angles. 

Les mesures administratives
Après des remarques auprès de l'exploitant, le voisin gêné par l'activité du commerce peut aller se plaindre auprès des autorités administratives, qui pourront être le maire - éventuellement le préfet -, la police ou la gendarmerie. Le maire détient des pouvoirs de police générale qui lui permettent de prendre des mesures réglementaires et individuelles appropriées, afin de préserver la tranquillité publique. Ces prérogatives de police générale s'appliquent à la répression des bruits émis sur le domaine librement accessible au public. La base légale de ce pouvoir de police résulte, en ce qui concerne le bruit, de l'article L. 2212-2-2 du code général des collectivités territoriales, qui confère aux maires "(…) le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique, telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, y compris les bruits de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants, et tous les actes de nature à compromettre la tranquillité publique". À ce titre, et dès lors que les troubles à l'ordre public sont suffisamment graves et répétés, le maire pourra prendre un arrêté qui, pour être légal, devra être notamment proportionné aux troubles auxquels il entend remédier. La jurisprudence a même sanctionné à de nombreuses reprises l'inaction d'un maire qui n'avait adopté aucune mesure permettant de prévenir les troubles sonores causés par des manifestations de plein air, de rassemblements de population répétés et bruyants (comme, par exemple, CE du 25 septembre 1987, commune de Lège-Cap-Ferret). Le maire pourrait ainsi interdire la sortie temporaire des clients d'un débit de boissons pour fumer ou interdire la sortie à plusieurs, ou encore, interdire les discussions à partir de 22 heures. Dès lors que cette mesure s'avérerait insuffisante, l'interdiction n'étant pas respectée, le maire pourrait décider de réduire l'amplitude d'ouverture de l'établissement (CE, arrêt Cazorla du 7 juillet 1993, req. n° 139329).
L'exploitant peut risquer aussi de voir son établissement temporairement fermé sur la base de l'article L. 3332-15-2 et 4 du code de la santé publique : "(…) en cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques, la fermeture peut être ordonnée par le représentant de l'État dans le département pour une durée n'excédant pas deux mois (…). Les crimes et délits ou les atteintes à l'ordre public pouvant justifier les fermetures prévues au 2 et au 3 doivent être en relation avec la fréquentation de l'établissement ou ses conditions d'exploitation" (CAA de Bordeaux, 5 février 2008, req. n° 06BX00427).
Bien que l'article L. 3332-15-2 du code de la santé publique ne prévoit pas, contrairement à l'article L. 3332-15-1 dudit code, la possibilité pour le représentant de l'État de prendre préalablement et formellement un avertissement, les exploitants peuvent espérer qu'il en soit ainsi.

Deux actions sur le plan civil…
Du point de vue du droit civil, les voisins d'un débit de boissons pourraient envisager d'engager la responsabilité de l'exploitant sur le fondement des dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil ou sur celui du trouble anormal de voisinage.
Dans la première hypothèse, sur la base de la responsabilité civile, le ou les voisins devront prouver la faute ou la négligence de l'exploitant, le dommage (en l'occurrence le trouble) et le lien de causalité entre cette faute ou cette négligence et le trouble.
Dans la seconde hypothèse, le ou les voisins n'au
ront pas à prouver la faute ou la négligence de l'exploitant, mais la permanence, la durabilité, la répétitivité et l'anormalité, c'est-à-dire le caractère excessif, grave, du trouble.
Les juges de première instance et d'appel apprécient souverainement la limite de la normalité des troubles de voisinage en fonction des circonstances de temps et de lieu, et d'une prédisposition particulière de la victime (voisin souffrant de troubles du sommeil, par exemple). Le juge prendra la sanction la plus appropriée pour faire cesser le trouble, le cas échéant en référé, et/ou allouera une indemnité. La démarche de la ou des victimes peut nécessiter, ne serait-ce que pour établir la gravité du trouble, de recourir à une expertise judiciaire. Bien souvent, les voisins qui se plaignent de bruit occasionné par un débit de boissons vont privilégier la saisine préalable du maire ou des forces de police pour que ces nuisances sonores cessent, beaucoup plus efficace et surtout moins onéreuse que de saisir les tribunaux.

… sans oublier les sanctions pénales
L'exploitant peut être poursuivi pour tapage nocturne et être passible d'une amende sur la base de l'article R.623-2 du code pénal qui prévoit : "Les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes troublant la tranquillité d'autrui sont punis de l'amende prévue pour les contraventions de la 3e classe", soit une amende d'un montant de 450 E pour les personnes physiques et de 2 250 E pour les personnes morales. Enfin, sachez que le bruit doit être sanctionné même s'il ne trouble la tranquillité que d'une seule personne (C. cass. crim. du 17.05.1983).
Pascale Carbillet avec la collaboration de François Oillic, avocat au barreau de Nantes
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