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du 3 avril 2008
SECRETS DE CHEF

GILLES GOUJON, CHEF DE L'AUBERGE DU VIEUX PUITS À FONTJONCOUSE (11)

Un magicien des goûts

Au coeur du pays cathare, Gilles Goujon met tout en oeuvre pour gagner sa troisième étoile.
Par Claire Cosson
P
hotos : Thierry Samuel

On parie ? À peine aurez-vous achevé la lecture de cet article que vous vous précipiterez sur la Toile pour organiser votre prochain week-end à l'Auberge du Vieux Puits. Histoire de comprendre comment Gilles Goujon - Berrichon d'origine - a fait de sa maison une étape culinaire incontournable en pays languedocien. Sachez que la route est sinueuse pour atteindre cette superbe table, nichée dans un village d'une centaine d'âmes, au coeur des Corbières, à Fontjoncouse. Mais au bout du chemin, la récompense est là. Et quelle récompense ! La cuisine de Gilles Goujon procure des émotions gustatives inouïes - parfois contradictoires, mais non moins délicieuses - qui subliment son terroir d'adoption. On s'en régale encore…
Et il n'y a pas que la table qui mérite le détour. Tout aussi impressionnante est la personnalité du chef. Sans oublier sa capacité à se renouveler. Loin d'être une rock star des fourneaux, ce fils d'aviateur ne fait pas de cinoche. Derrière son piano, ce quadragénaire à la générosité débordante se la joue simplement ultramodeste. Maints critiques gastronomiques le considèrent pourtant déjà comme un des plus grands chefs actuels.  

Son parcours. À juste titre d'ailleurs : Gilles Goujon affiche un parcours plutôt flatteur. Gamin, il a vécu à Marrakech au Maroc, en Allemagne et à Metz. De quoi titiller ses papilles gustatives avant l'heure. Après le décès prématuré de son père, la famille s'installe à Béziers. Études scolaires décevantes, dès 17 ans notre protagoniste endosse l'habit de serveur, le samedi soir. "Je voyais des gens heureux. J'avais l'impression d'être un vendeur de bonheur. Cela m'a réconcilié avec la vie", raconte, ému, Gilles Goujon. Une époque ponctuée de "Oui, chef", qui lui donne des idées. "Je trouvais fabuleux qu'un homme puisse bénéficier d'une telle autorité", confie-t-il encore.
Résultat : le jeune homme devient apprenti à La Compagnie du Midi, alors restaurant de luxe de la gare de Béziers. Formé aux principes d'Escoffier, il y acquiert "de solides bases". Au point de décrocher le titre de Meilleur apprenti du Languedoc-Roussillon. Un épisode très important pour l'adolescent, puisqu'à cette même occasion, il apprend que son père voulait être cuisinier et que sa famille s'y était toujours opposée.
Lancé, Gilles se perfectionne ensuite chez les frères Rouquette au Ragueneau. Puis ce fan des grands espaces poursuit sa quête d'excellence. Dès 1983, il intègre l'équipe de Roger Vergé au Moulin de Mougins. "Roger est mon mentor. J'ai découvert à ses côtés des saveurs inouïes, des produits fabuleux, une cuisine géniale", explique le chef de l'Auberge du Vieux Puits. Quatre ans plus tard, Gilles s'envole pour Marseille rejoindre Jean-Paul Passédat (Le Petit Nice), qui lui confie le poste de second. "Dans cette maison, j'ai appris la rigueur de la gestion de la cuisine", précise-t-il.
Les mois passent. Voilà notre homme nommé second auprès de Gérard Clor, à Carry-le-Rouet. Il reste pendant trois ans dans cette maison, s'enrichit d'enseignements, qui se concluent par une
2e étoile au guide Michelin.

Sa cuisine. Fort de son expérience, Gilles Goujon aspire à voler de ses propres ailes. "Je m'étais dit : à 30 ans, tu t'installes", indique le chef. Gilles et sa femme Marie-Christine se mettent donc en quête d'une affaire. Reste que les 'bonnes affaires' se font rares. Qu'à cela ne tienne ! Le couple est tenace. Un jour, le maire de Fontjoncouse les contacte. L'Auberge du Vieux Puits dépose le bilan pour la troisième année consécutive. La mairie veut conserver l'établissement pour empêcher la mort du village. Avant d'atteindre Fontjoncouse, les Goujon s'égarent dans les montagnes. Rapidement, ils tombent amoureux du paysage. Idem s'agissant de l'Auberge, dont les cuisines sont pourtant en piteux état.
Mobilisée, la famille Goujon retrousse ses manches. Finalement, le premier service a lieu le 12 juin 1992. Au début, c'est la "galère". Une galère qui dure deux longues années. "J'ai tenu le coup grâce à ma femme", confesse le chef. Une femme qui croit vaille que vaille dans le talent de son époux. Tout comme les clients qui, avec l'appui des médias, prennent peu à peu le chemin de Fontjoncouse. Même sentiment côté professionnel avec l'obtention du titre de Un des Meilleurs ouvriers de France en 1996.
Sans en avoir l'air, en effet, Gilles Goujon a trouvé ses marques. Au fil du temps, il a affiné, déstructuré et reconstruit une cuisine de saison qui exalte à chaque bouchée les saveurs de la région. Technique, mais non moins créative et extrêmement ludique, sa cuisine magnifie le produit. Y compris les plus simples tels que la morue, le chou… Les tuiles de basilic, de parmesan, grillages de pommes ou autres jus d'olives colorés ponctuent également les recettes du chef.

Son ambition. Une cuisine stylisée en vérité, d'autant plus étonnante qu'elle ne dénature jamais les goûts initiaux. Les inspecteurs du Michelin ne s'y trompent pas, d'ailleurs. Une première étoile est attribuée à l'Auberge du Vieux Puits en 1997. Une seconde, en 2001. À quelques jours près, pour la naissance des fils Goujon. Après avoir rénové, embelli et agrandi d'une partie hôtelière l'établissement initial, la troisième étoile est maintenant dans la ligne de mire de ce gourmand. "Je l'ai en moi", dit avec conviction le chef. Fabien, son second, y croit lui aussi dur comme fer. Ce qui est encore mieux, c'est qu'elle est d'ores et déjà dans l'assiette ! n

Auberge du Vieux Puits
5 avenue Saint-Victor
11360 Fontjoncouse
Tél. : 04 68 44 07 37
aubergeduvieuxpuits.fr


Ses grandes dates
1961
Naissance à Bourges (Cher)
1977
Apprenti à La Compagnie du Midi, ancien restaurant de la gare de Béziers dans l'Hérault
1981
Commis chez les frères Rouquette au Ragueneau (toujours à Béziers)
1983
Commis, puis chef de partie au Moulin de Mougins (3 étoiles) chez Roger Vergé
1987
Second de cuisine au Petit Nice (2 étoiles) chez Jean-Paul Passédat à Marseille
1989
Second de cuisine à L'Escale chez Gérard Clor
1992
Reprise de l'Auberge du Vieux Puits à Fontjoncouse (Aude)
1996
Un des Meilleurs ouvriers de France
1997
1 étoile au guide Michelin
2001
2 étoiles au guide Michelin zzz22v zzz18p


Sa technique de cuisson
"Je l'avoue : je maîtrise parfaitement la cuisson à la salamandre. J'utilise cette technique pour cuire notamment l'agneau, le pigeon, et même un carré de cochon noir gascon avec sa couenne. Je marque d'abord la viande à la poêle et je finis la cuisson à la salamandre. J'emploie pour parvenir à une cuisson idéale un plat en inox qui est conducteur. Fort de mon tour de main, j'obtiens, avec cette technique, une cuisson proche de celle du sous vide. Avec, en plus, le croustillant caramélisé dessus et dessous."


Ses fournisseurs
Chevreaux, fromages de chèvre, oeufs : JB Gachard
Volailles, canards gras, chapons : Jeannot Prior
Légumes : Éric Dalou et Rémi Veray

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