du 15 novembre 2007 |
JURIDIQUE |
UNE DÉCISION DE LA COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Bien comprendre le régime de la TVA sur les arrhes
La Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a rendu le 18 juillet 2007 un arrêt important* selon lequel les arrhes conservées par les hôteliers suite au désistement des clients ne sont pas soumises à la TVA, le jugement va à l'encontre de la position de Bercy sur la TVA.
La société d'Eugénie-les-Bains contestait la TVA sur les arrhes. Cette société exploite des établissements thermaux qui comportent des activités hôtelières. Lorsque les curistes réservent un séjour, la société leur demande des arrhes. Ceux-ci sont déduits du prix global du séjour du client lorsqu'il vient et, s'il se désiste, ils sont conservés par la société thermale. Cette société a fait l'objet d'un contrôle fiscal en 1992 et le fisc a estimé que les 12 814 euros d'arrhes conservés suite à l'annulation des clients, devaient être soumis à la TVA. La société thermale a contesté cette analyse, considérant que ces arrhes correspondaient à la réparation d'un préjudice subi du fait de la défaillance des clients et qu'à ce titre, ils n'étaient pas passibles de la TVA. Pour faire valoir son point de vue, la société a été devant le tribunal administratif, puis devant la cour d'appel et enfin devant le Conseil d'État. Les deux premières juridictions lui ont donné tort. Avant de rendre sa décision, le Conseil d'État a demandé à la Cour de justice des Communautés européenne son avis sur la question.
Pour le gouvernement français
et la Commission européenne, les arrhes sont imposables…
Lors de l'audience, la Commission
européenne, tous les gouvernements représentés (y compris le gouvernement
français), ainsi que l'avocat général de la CJCE soutenaient que
les arrhes conservées par le professionnel suite au désistement des clients
étaient passibles de la TVA. Leur argumentation était la suivante : la
base d'imposition d'une prestation de services est constituée par ce qui est
reçu en contrepartie du service rendu. Les arrhes représentent la contrepartie
directe d'une prestation, qui consiste à établir un dossier au nom du
client et à réserver son séjour. Il s'agit donc d'une prestation
de services comme une autre.
Pour la CJCE, la réservation
n'est pas une prestation de service…
La CJCE rappelle les deux
critères nécessaires pour que les arrhes soient passibles de la TVA. D'abord,
il doit exister un lien direct entre le service rendu et la contre-valeur reçue.
Ensuite, les sommes versées doivent constituer la contrepartie effective d'un
service individualisable. Or, analysent les juges européens, ces critères
ne sont pas remplis en l'occurrence, car la conclusion du contrat et l'existence
du lien juridique entre les parties, ne dépendent pas du versement d'arrhes.
La preuve, dit la Cour, c'est que de
nombreux hôteliers acceptent de réserver une chambre sans demander d'arrhes…
Il y a pourtant dans cette situation aussi la création d'un lien juridique
qui oblige l'hôtelier à garder la chambre pour le client. L'engagement
de ne pas louer celle-ci à un tiers n'est pas une prestation qui est faite
en échange du versement d'arrhes, c'est la contrepartie de l'engagement pris
par l'hôtelier, suite à la réservation du client. En somme, les
arrhes ne sont pas un élément constitutif du contrat d'hébergement,
mais un élément facultatif, une modalité, qui relève de la pratique
contractuelle de l'hôtelier : certains demandent des arrhes, d'autres non.
…Et les arrhes représentent
une indemnité forfaitaire
Pour les juges européens,
il n'y a aucun doute : les arrhes représentent une indemnité forfaitaire
qui sanctionne le contractant défaillant. En effet, rappellent-ils, les parties
peuvent réglementer les conséquences du non-respect de leurs engagements.
Elles prévoient dans ce cas le versement d'arrhes, qui seront conservées
par l'hôtelier si le client se désiste. Cette indemnité ne constitue
pas la rétribution d'une prestation, elle ne fait donc pas partie de la base
imposable de la TVA.
Stéphane Corone
zzz67m GE0607
*Affaire n° 277/05.
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