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du 10 mai 2007
GÉRER SON ENTREPRISE

POUR ACHETER UN FONDS MOINS CHER

REPRENDRE UNE AFFAIRE EN REDRESSEMENT JUDICIAIRE : GARE AUX À-CÔTÉS !

À côté de la reprise d'affaires classique qui se fait par une cession de gré à gré soit du fonds de commerce, soit des parts de société, il existe un créneau moins connu : la reprise d'entreprise en redressement judiciaire. Le point avec Ali Talla, de l'agence Century 21 Horeca Paris, spécialiste en transactions d'entreprises en difficulté.
Propos recueillis pas Tiphaine Beausseron


Ali Talla, spécialiste en transactions d'entreprises en difficulté chez Century 21 Horeca Paris.

L'Hôtellerie Restauration : Quelle est la différence entre la reprise classique d'un fonds de commerce, et la reprise d'une entreprise en redressement judiciaire ?
Ali Talla : Il y a de nombreuses différences, mais la première est d'abord une différence de contexte et de facteur humain. Quand vous rachetez le fonds de commerce d'une entreprise rentable, vous reprenez une affaire qui marche. Le vendeur vend parce qu'il en a envie ; c'est lui qui a pris cette décision. Au contraire, une entreprise en redressement judiciaire est en quelque sorte une entreprise malade : elle est en général écrasée sous le poids des dettes, et son exploitation ne permet pas de les régler dans des conditions normales. C'est la raison pour la quelle le tribunal peut décider, malgré une tentative de redressement et l'assistance d'un administrateur judiciaire, de procéder à la mise en vente du fonds de commerce au travers d'un plan de cession. Cette décision est opposable au dirigeant qui n'a pas forcément envie de vendre, et il va en général tout faire pour redresser lui-même la barre et garder la direction de son affaire. Ce contexte, très particulier, crée parfois des tensions et complique surtout les conditions de la reprise éventuelle.

Quand l'entreprise est cédée par décision du tribunal, l'établissement est-il encore ouvert ?
Oui. Une affaire en redressement judiciaire croule sous les dettes et risque une fermeture définitive si l'on ne parvient pas à apurer le passif. Mais en général, le public ne le sait pas, car le restaurant, la brasserie ou le café fonctionne tous les jours comme si de rien n'était. Seuls son dirigeant, ses créanciers, le juge et le mandataire judiciaire en charge de l'affaire savent que l'entreprise va mal. Et, évidemment, le dirigeant souhaite que l'état de son entreprise reste confidentiel, non seulement pour ne pas effrayer et créer un sentiment de panique (il y a toujours un espoir de s'en sortir et cela arrive), mais aussi par fierté personnelle. Son entreprise, c'est en général toute sa vie, et vivre un redressement judiciaire est une dure épreuve. D'autant plus douloureuse pour le gérant en place lorsque le tribunal décide que la meilleure solution pour la sauvegarde de l'entreprise et des emplois est de confier les rênes de l'entreprise à quelqu'un d'autre.  

À quel moment de la procédure de redressement judiciaire intervenez-vous ?
Au cours de la période d'observation fixée par le juge, et quand le tribunal estime que le meilleur moyen de rembourser les créanciers est de trouver un entrepreneur capable de reprendre cette entreprise en l'état avec comme objectif de pérenniser l'exploitation future et maintenir l'emploi. Le rôle de l'agent Century 21 spécialisé dans la reprise d'affaires en procédure collective consiste alors à chercher et à trouver un repreneur intéressé par la reprise de ce fonds de commerce en particulier, dans ce contexte précis, et capable de payer comptant l'intégralité du prix de cession.

En quoi consiste ce dossier ?
En cas de cession d'une entreprise en redressement judiciaire, le but du tribunal de commerce est de la vendre à quelqu'un qui soit capable financièrement et professionnellement de l'exploiter en générant des profits et en maintenant l'emploi. Il faut donc préparer un dossier conséquent qui prouve que notre client est le repreneur le plus à même de réussir cette mission. Car il peut y avoir de la concurrence entre plusieurs repreneurs, sachant que le juge ne choisira pas forcément le plus offrant, mais celui qui apporte aussi de fortes garan
ties financières (caution bancaire notamment). En outre, il faut que le repreneur ait obtenu des financements bancaires et ait construit un véritable projet d'entreprise (estimation du coût des travaux de rénovation avec devis des spécialistes concernés à l'appui, prévisionnel sur 3 ans, etc.) avant d'être entendu par le tribunal. Bref, le repreneur doit effectuer tout un travail lourd alors qu'il n'est pas sûr d'être désigné adjudicataire par le tribunal.

Comment l'agent Century 21 assiste-t-il le repreneur ?
Nous accompagnons nos clients tout au long de cette aventure, et ce, jusqu'à la prise de possession des locaux. Nous l'aidons à présenter une offre respectant l'équilibre entre le prix d'achat proposé, la capacité à réunir les fonds équivalents, le sort réservé aux salariés et la qualité du projet professionnel. C'est dans cette recherche d'équilibre que nos conseils sont précieux pour nos clients.

Les affaires en redressement judiciaire sont-elles vendues au même prix qu'une affaire classique ?
Elles sont en général vendues 20 à 30 % en dessous de leur valeur de marché. Cela s'explique notamment par le fait qu'en redressement judiciaire, le candidat repreneur dispose de moins de temps et de moyens pour mesurer les avantages et les inconvénients de l'affaire : contrairement à une vente de gré à gré, l'exploitant en place n'a pas envie de vendre ; il y est contraint et vit cette transaction comme une expropriation. Il n'est donc pas disposé à présenter son établissement aussi bien qu'il le ferait si c'était lui qui avait décidé de le vendre dans un contexte de rentabilité. Le candidat repreneur fait donc moins de visite, et n'a pas le temps de réaliser des audits.

Combien de temps prend le processus de reprise ?
Il n'y a pas vraiment de règle, car tout dépend de la procédure judiciaire en cours. Mais globalement, on peut dire qu'entre le moment où l'entrepreneur décide de se porter candidat et où le tribunal désigne le repreneur, ce délai est plutôt long (quelques mois). Tandis qu'entre le moment où le tribunal désigne le repreneur et la prise effective des locaux, le délai peut être très court (quelques jours). zzz62

Petit lexique

Procédure collective
Procédure judiciaire ouverte à l'encontre de tout commerçant en état de cessation des paiements, en vue de sauvegarder l'entreprise, de maintenir l'activité et l'emploi, et de procéder à l'apurement du passif.

Redressement judiciaire
Quand l'entreprise est en état de cessation des paiements, mais que le tribunal de commerce et le dirigeant estiment que l'entreprise est encore viable et qu'il y a encore une chance de redresser la barre. L'entreprise est alors placée en redressement judiciaire au travers d'un jugement d'ouverture. Celui-ci est le point de départ d'une période dite d'observation à l'issue de laquelle il sera décidé soit d'un plan de continuation (avec et/ou sans les mêmes dirigeants), soit d'un plan de cession de l'entreprise. C'est dans ce dernier cas que vous pouvez être amené à racheter une entreprise en redressement judiciaire.

Liquidation judiciaire
Lorsque le juge estime qu'il n'y a plus aucune chance que l'entreprise puisse être remise à flots, soit par son dirigeant, soit par un autre qui prend le risque de la reprendre, le tribunal de commerce prononce sa liquidation judicaire, qui est en quelque sorte l'acte de décès de l'entreprise. Il nomme ensuite un mandataire liquidateur qui, tout comme le notaire dans le cadre de la succession d'un particulier, va faire l'inventaire des biens (actifs) et des dettes (passif). Il va vendre tous les éléments d'actifs, dont le fonds de commerce, au meilleur prix pour rembourser le plus de créanciers possibles.

Stéphane Alliel, gérant du restaurant Partie de Campagne à Bercy Village (Paris XIIe)
"Avec ma femme, cela faisait longtemps déjà que nous voulions tenir un restaurant dans Bercy Village, et nous avions déjà repéré ce restaurant-là en particulier, pour lequel nous avions eu un coup de coeur quelques années auparavant. Quand j'ai appris, par l'intermédiaire de mon agent immobilier, qu'il était à vendre dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, nous n'avons pas hésité. Entraînés par notre volonté d'acquérir spécialement ce restaurant, nous avions un petit grain d'inconscience (j'avais notamment pris le parti de ne pas visiter les locaux). Heureusement d'ailleurs, sinon je n'aurais peut-être pas poursuivi la démarche. Car il faut dire qu'en plus du risque financier que vous prenez et qui peut vous ruiner personnellement, si vous ne mesurez pas bien l'ampleur des difficultés qui entoure une telle reprise (état du bail, des locaux, reprise du personnel en place généralement démotivé…), le processus judiciaire est très éprouvant. En effet, vous pénétrez dans un monde judiciaire qui vous est totalement étranger, où vous allez devoir vous battre contre des repreneurs concurrents pour 'gagner' une affaire que vous voulez absolument, mais que vous connaissez mal. Il est donc indispensable de s'entourer de plusieurs experts : agent immobilier spécialisé dans la reprise d'entreprise en difficulté, juriste spécialisé dans l'étude des baux commerciaux, avocat d'affaires, et bien sûr, partenaires financiers. Dans notre cas, cette reprise est un succès car nous sommes parvenus à créer le restaurant que nous voulions."


Éric Martins, gérant du restaurant L'Arôme à Paris (VIIIe)
"J'étais déjà propriétaire de L'Ami Marcel dans le XVe, le restaurant fonctionnait bien, mais je souhaitais davantage de confort pour mes clients. J'ai cherché pendant quelques mois, et mon avocat m'a informé que cet ancien restaurant oriental pouvait être repris dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire. Le quartier et le volume de l'affaire correspondaient parfaitement à ce que je recherchais. J'ai donc tenté l'aventure. Mais j'ai bien pris soin de reprendre le fonds seul, sans le passif. Et j'ai bien fait, car tous les créanciers du précédent propriétaire (Trésor public, fournisseurs, bailleur…) viennent à moi pour se faire rembourser. Heureusement, je ne suis solidaire d'aucune dette et je suis bien conseillé par mon avocat. Cependant, c'est beaucoup d'énergie perdue. Or, lorsqu'on ouvre une affaire, on a besoin de s'investir à 200 % physiquement et moralement. Avoir à gérer en plus ce genre de difficultés est usant. Mon conseil : la reprise d'une affaire en redressement judiciaire peut permettre à des entrepreneurs qui n'ont pas beaucoup de capital d'acquérir l'affaire de leurs rêves, mais ils doivent éviter de reprendre l'entreprise et son passif, et accepter de payer un peu plus cher le fonds seul. En outre, il faut prévoir un budget conséquent de remise aux normes, d'équipement et d'embellissement, car ces affaires sont souvent malmenées par un ancien propriétaire qui a cessé de l'entretenir."

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L'Hôtellerie Restauration n° 3028 Hebdo 10 mai 2007 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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