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du 8 février 2007
MARKETING

POUR CONQUÉRIR ET FIDÉLISER VOTRE CLIENTÈLE

PRATIQUEZ-VOUS 'LE MARKETING OLFACTIF' DANS VOTRE RESTAURANT

Jusqu'où peut-on influencer le comportement des clients par olfaction ? La question, et a fortiori la réponse, intéressent les professionnels de l'accueil, et en particulier les restaurateurs, dont la matière du travail de base est forcément odorante !


En France, il est interdit de diffuser une odeur de pain chaud pour vendre davantage de pain, car la loi considère que le consommateur ne doit pas être trompé ou influencé à son insu

Commençons par l'histoire du roman Le Parfum de Patrick Süskind, qui est en fait celle d'un protagoniste - Grenouille - doué d'un don extraordinaire pour manipuler les individus par les parfums. Mais peut-on vraiment manipuler le comportement de l'être humain par l'odeur au-delà de la fiction ?
Il est aujourd'hui admis que l'odeur a un impact certain sur l'émotion des êtres humains dès leur plus jeune âge. Le jeune enfant perçoit les odeurs avant même de pouvoir distinguer les sons, les couleurs et les textures. L'olfaction agit lorsque les molécules odorantes empruntent 2 voies distinctes : la voie nasale directe et la voie rétronasale en provenance de la bouche ou de la trachée, pour atteindre les 50 millions de récepteurs de la muqueuse olfactive d'une surface d'environ 5 cm2. Ils capturent et transmettent l'information olfactive aux neurones du cerveau, qui peut distinguer jusqu'à 4 000 parfums différents.
Il existe à peu près 400 000 odeurs dans le monde, et chacune d'elles est censée avoir des effets sur l'humeur et le comportement humains. Toutefois, la perception des odeurs dépend de la sensibilité olfactive des individus ainsi que d'autres facteurs tels que l'âge, le tabagisme et les particularités physiologiques. À cet égard, il conviendrait de signaler des différences olfactives qui existent entre les deux sexes dès le plus jeune âge : en fournissant des jouets parfumés et non parfumés à des bébés, on note que les filles sont beaucoup plus attirées par les jouets parfumés que les garçons. Même plus âgées, les femmes auraient une meilleure perception des odeurs et seraient plus prédisposées que les hommes à leurs encodages et leurs mémorisations. Au-delà des comportements routines, les arômes peuvent également influencer le processus d'achat des êtres humains.

Un avantage commercial certain
En fait, depuis des années 1970, plusieurs recherches ont mis en évidence qu'un bon nombre de comportements d'achat ne peuvent pas être expliqués par le fait que les individus agissent d'une manière exclusivement rationnelle sans être affectés par leurs sensations et émotions. Cela veut dire que l'affectif n'est pas exclusivement post-cognitif (post-rationnel) : "J'ai essayé un nouveau plat (cognitif) que j'ai aimé (affectif)." Il est en fait aussi important que le cognitif dans le comportement du consommateur jusqu'à transformer la consommation en une expérience de sensations et d'émotions. Or, ces émotions orientent le processus de décision et d'achat sans que l'individu en soit conscient. Par exemple, les caractéristiques objectives des lessives telles anti-acariens, antibactériennes, etc. s'accompagnent souvent aux yeux des consommateurs de la sensation d'une odeur de propre, saine et naturelle. Le consommateur associe ainsi l'affectif au cognitif, et utilise l'odeur comme information complémentaire lors de l'évaluation du produit considéré. Par exemple, l'odeur du cuir est associée à la qualité des produits de maroquinerie. À cet égard, il conviendrait bien de rapporter un témoignage direct : "J'ai participé à des entretiens de consommateurs, et j'ai noté, dans de nombreux discours, la phrase j'aime que mon linge sente le propre". La propreté est donc évaluée par une odeur. Le consommateur considère que le parfum fait partie intégrante et inséparable du produit en tant qu'unité.
Les odeurs ressuscitent également des sensations enfouies, et font voyager les êtres humains vers des souvenirs lointains : le 'syndrome de Proust'. La raison en est que les odeurs restent stockées dans la mémoire à long terme, et les souvenirs qui leur sont associés, même les plus anciens, resurgissent avec une impressionnante précision. En fait, un mot, un son ou une couleur sont stockés tels quels dans la mémoire, alors qu'une odeur a souvent besoin d'un support (un lieu, une date ou une situation) pour être stockée dans la mémoire. De ce fait, si une personne s'est habituée à sentir une odeur dans un contexte spécifique, à chaque nouvelle perception de celle-ci, l'individu se remémorera le contexte associé. Aussi, l'odeur peut constituer un avantage commercial certain lorsqu'elle est associée aux yeux du consommateur à un produit ou à un restaurant.
Un test de goût a été mené auprès de ceux qui avaient été nourris, lorsqu'ils étaient bébés, au lait parfumé à la vanille et ceux qui avaient été allaités au sein. Les sujets devaient goûter 2 ketchups qui étaient rigoureusement identiques, mais dont l'un contenait de la vanille à un taux de concentration de 0,5 g/kg. Les préférences étaient nettement opposées. Les adultes ayant été nourris avec un lait contenant de la vanille affichaient une préférence plus importante pour le ketchup contenant de l'extrait de vanille. Ce n'était pas le cas de ceux nourris au sein, qui préféraient le ketchup sans vanille. Il semble donc y avoir un apprentissage non intentionnel de l'olfaction dès le plus jeune âge, qui 'pilote' les goûts par la suite.

Déjà dans les hôtels
Plusieurs hôtels et restaurants ont préféré, plutôt de sous-traiter l'odorisation de leurs locaux, la prendre en charge directement. Il existe aujourd'hui des entreprises spécialisées en marketing olfactif.
ScentAir (ScentAir.com ) a conçu plusieurs parfums pour ses clients : un parfum vanille-mandarine pour les boutiques de gadgets technologiques de Sony, une fragrance spécifique pour attirer les clients vers les produits Proctes & Gamble dans les grandes surfaces, et surtout des parfums ambiants pour les métiers de l'accueil. Aussi, lorsque les clients entrent dans les hôtels DoubleTree, ils sentent des cookies au chocolat, avant que de vraies cookies leur soient proposés au 'front desk'. ScentAir a également fabriqué pour les 127 propriétés de la chaîne de Westin Hotels & Resorts une fragrance de thé blanc ; à partir de laquelle la chaîne conçoit et vend une ligne de produits autours du parfum de thé blanc : bougies à 36 $ et parfum 'maison' à 65 $.

L'olfaction dans la stratégie du marketing expérientiel au restaurant
S'il est aujourd'hui admis que l'odeur affecte le comportement des individus, peut-on alors l'insérer dans la stratégie marketing dans le but de modifier favorablement le comportement des clients ?
La réponse est plutôt positive, mais il est bien étonnant de constater que l'olfaction, comme motif marketing, est davantage utilisée dans d'autres secteurs d'activité que la restauration, terre de prédilection de l'odeur et de la senteur. Par exemple, une grande surface a testé la diffusion d'air iodé au rayon poissonnerie et de senteurs de produits de saison au rayon fruits et légumes.
L'utilisation de l'odorat dans la stratégie marketing peut servir principalement 2 objectifs : modifier le comportement du consommateur et/ou établir un positionnement pour le restaurant. Tous les autres objectifs tactiques comme transmettre un message, créer des émotions, mettre le client en situation de confort olfactif, différencier les produits, influencer le comportement d'achat, créer une identité olfactive pour l'enseigne contribueront en fin de compte à
l'un des 2 objectifs mentionnés ci-dessus.
L'impact des odeurs sur les comportements a été l'objet de plusieurs études et de recherches. Le parfum a augmenté de 45 % l'utilisation des machines à sous dans les casinos parfumés ! Une autre étude montre que le parfum ambiant brouille la perception du temps, et donne aux clients la sensation d'avoir passé moins de temps dans le lieu de vente par rapport au temps réellement passé ; ils ont également l'impression de passer moins de temps à faire la queue ou à attendre de se faire servir. Finalement, l'étude montre que les évaluations et intentions d'achat sont significativement positives dans un lieu parfumé.
Les odeurs pourraient même pousser à consommer davantage dans les restaurants. Une étude expérimentale dans une pizzeria, à l'aide de diffuseurs électriques émettant une essence de lavande ou de citron - ayant respectivement un effet relaxant et un effet stimulant -, montre que l'essence de citron incite les clients à passer davantage de temps et à consommer plus, des desserts en l'occurrence. D'une manière générale, on peut dire que la senteur ambiante déclenche des réactions affectives et cognitives chez le client, et corollairement, un comportement d'approche ou de fuite.
L'odeur peut participer à l'augmentation des ventes, non seulement en influençant le comportement d'achat du consommateur, mais également en contribuant au positionnement d'une enseigne ou d'un restaurant. Dans ce cas, l'odeur d'ambiance se doit d'être en harmonie avec les valeurs et les messages que le restaurant communique auprès de sa clientèle. Un des meilleurs exemples de positionnement olfactif est sans doute celui de Nature et Découvertes, qui
a diffusé depuis son ouverture une odeur de cèdre. Lors d'une enquête, il a été constaté que cette odeur évoquait ce magasin.
Le restaurant américain Gril Shorty's Bar B.Q. (www.shortys.com) a associé son positionnement d'une ambiance simple, des tables de bois pique-nique et d'une cuisson lente de la viande sur les grils en salle à l'odeur de la fumée de barbecue dès son ouverture en 1951 à Miami, en Floride (États-Unis).


Quelques prestataires
Atmosphère Diffusion
www.atmospherediffusion.fr
Rouge Curacao
www.rougecuracao.com
Sigmacom
www.sigmacom.fr


Les limites du marketing olfactif
S'il est vrai que l'odeur a bien un impact sur le comportement des consommateurs et sur leur perception du temps qu'ils passent dans le magasin, il ne suffit pourtant pas de diffuser des odeurs agréables pour augmenter les ventes. Car malgré tout son intérêt, la mesure de la performance du marketing olfactif n'est pas exempte de contrariétés telles que la difficulté d'isoler l'effet de l'ambiance olfactive des autres facteurs, l'impossibilité d'empêcher la présence d'odeurs parasites et mesurer les réponses émotionnelles. Au-delà de la difficulté de mesure de la performance, la mise en oeuvre du marketing olfactif n'est pas moins difficile.
Tout d'abord, la diffusion de la fragrance dans un espace de vente représente un coût important à cause de la création et des équipements requis. La création d'une bonne odeur d'ambiance est réalisée généralement par des agences spécialisées qui demandent le paiement de droits d'auteur, alors qu'il s'avère difficile de breveter une fragrance spécifique comme odeur d'une marque ou d'une enseigne, parce que le dépôt d'une marque suppose obligatoirement une représentation graphique.
Une autre contrainte du marketing olfactif relève de l'extrême difficulté de fabriquer un parfum ambiant qui serait plaisant pour toute la clientèle. En fait, chaque individu a une perception des odeurs qui lui est propre. C'est pourquoi un client risque de ne pas reconnaître une odeur diffusée dans un magasin ou de la trouver désagréable. Une odeur ambiante jugée négativement aboutirait à une évaluation négative de l'atmosphère par le consommateur et l'inciterait ainsi à ne pas revenir. La diffusion d'odeur peut être également source de nuisances pour les employés et leur travail. Aussi, comme la culture influence inconsciemment la préférence des consommateurs pour les
senteurs, il conviendrait d'affirmer qu'une odeur diffusée dans un restaurant soit en adéquation avec la culture de la clientèle majoritaire afin d'éviter tout comportement d'évitement de la part de celle-ci.
Il faudrait également s'abstenir d'utiliser le marketing olfactif d'une manière abusive, parce que cet abus peut susciter la perte des références authentiques et des parfums : "Le skaï se met à sentir le cuir, le surimi le crabe. Le pin des Landes finira sans doute pour les générations montantes par évoquer davantage la cuvette des toilettes que les forets du Sud-Ouest !"
Le marketing olfactif est finalement tributaire des considérations éthiques et légales. En fait, l'odeur utilisée ne doit pas biaiser le jugement du consommateur sur les qualités effectives du produit vendu. En France, il est interdit de diffuser une odeur de pain chaud pour vendre davantage de pain, car la loi considère que le consommateur ne doit pas être trompé ou influencé à son insu. De même, les odeurs ne doivent pas induire les consommateurs en erreur sur les qualités effectives des produits. La diffusion d'odeur de fruits mûrs dans un rayon où ils ne le sont pas ou masquer une mauvaise odeur de poisson par un parfum 'marine' s'apparente à ce que l'on appelle en droit commercial le 'vice caché'. Ainsi, la marge de manoeuvre est relativement faible pour le marketing olfactif.
L'utilisation de l'odorat dans le domaine du marketing est donc particulièrement complexe, et doit être mise en oeuvre avec prudence et sans excès. Ceci implique la réalisation d'études prévisionnelles et de tests sensoriels afin de développer des fragrances qui provoquent chez le client l'effet désiré, et non l'inverse.
Djamchid Assadi
zzz22v zzz36v

les sites spécialisés
http://sophie.rieunier.name
www.mercadoc.org
www.fragrance.org
www.senseofsmell.org

La mise en place du marketing olfactif dans le restaurant
Pour bien réussir son marketing olfactif, un restaurant devrait mettre en oeuvre un process cohérent en plusieurs étapes : dans un premier temps, une étude de la clientèle afin de faire ressortir les cultures ou les ethnies dominantes de sa clientèle cible ; la seconde étape consistera à choisir une odeur qui soit perçue positivement par la majorité culturelle de la clientèle, et réaliser un test en magasin sur cette dernière en diffusant, sur une courte période, des odeurs d'ambiance et observer les ventes et les attitudes des clients en magasin. Le restaurant devra ensuite réaliser une étude relative aux techniques de diffusion d'odeurs. Depuis le développement de leur utilisation comme outil marketing, elles n'ont cessé de se diversifier et de s'améliorer.

La diffusion naturelle consiste à utiliser les odorants naturels
Cependant, afin que la diffusion d'odeurs soit efficace, il faudrait que l'air ambiant soit suffisamment brassé. La ventilation accentue à travers des ventilateurs ou des souffleries camouflées dans les plafonds la diffusion des odeurs naturelles quand l'air ambiant n'est pas assez brassé naturellement. L'inconvénient de cette méthode est que l'odeur diffusée ne soit pas homogène et ne reste pas identique à l'odeur initiale.
Le chauffage fait chauffer un liquide odorant, qui, en s'évaporant, le diffuse dans l'air ambiant. Toutefois, comme la chaleur modifie l'odeur initiale d'une solution, cette technique est de moins en moins utilisée, tout comme celle de la ventilation.
La technique de la pulvérisation projette dans l'air de l'eau mélangée d'huile en fines gouttelettes. L'inconvénient de cette technique réside dans le fait que celle-ci peut provoquer de l'humidité et favoriser le développement des microbes dans les appareils de climatisation nuisant ainsi au confort des clients.
La micronisation est une technique qui transforme une composition parfumante en un brouillard sec, dont les gouttelettes sont inférieures aux microbes à l'aide d'air comprimé. Grâce à la finesse des particules induites par ce procédé, le ressenti olfactif est très efficace, et la diffusion reste homogène et stable dans le temps. Aujourd'hui, la technique de micronisation est la plus utilisée.

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L'Hôtellerie Restauration n° 3015 Hebdo 8 février 2007 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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