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du 30 novembre 2006
RESTAURATION

UN VÉRITABLE ENJEU POUR LA FRANCE

L'INSCRIPTION DE L'ART CULINAIRE FRANÇAIS AU PATRIMOINE IMMATÉRIEL DE L'UNESCO

Branle-bas de combat à l'IEHCA* et au ministère de la Culture dont dépend la gastronomie. Il s'agit aujourd'hui de faire reconnaître le patrimoine culinaire français en tant que patrimoine immatériel de l'Unesco. Un enjeu fondamental pour l'image de la France dans le monde et pour les générations futures.


Le boeuf aux carottes : une des recettes du patrimoine culinaire et gastronomique français.

Depuis 1972 en vertu d'une convention, l'Unesco recense le patrimoine matériel de l'humanité. C'est ainsi qu'ont été reconnus comme faisant partie du patrimoine de l'humanité des monuments ou des sites aussi divers que le palais de Versailles, Venise, Tombouctou ou la Grande Muraille de Chine.
L'intérêt de cette démarche est, par l'attribution de moyens financiers, de protéger et de sauvegarder ces sites qui illustrent le génie de l'homme et représentent la quintessence de la culture humaine. Au lendemain de 1972, des voix se sont élevées pour demander à l'Unesco de s'intéresser également à un autre aspect de la culture de l'homme, à savoir sa dimension immatérielle. Cette demande a été prise en compte en 2003 après bien des réunions et discussions par la convention sur le patrimoine immatériel. "Le but de cette convention, explique Francis Chevrier, créateur et directeur de l'IEHCA, n'est pas d'inscrire des éléments sur la base de leur valeur exceptionnelle, mais plutôt de dresser la liste des éléments qui sont représentatifs de la créativité et de la diversité culturelle de l'humanité. Et, si on prend le texte de la convention, on peut imaginer qu'il a été écrit pour la cuisine. C'est pourquoi, j'ai attiré l'attention de notre ministre de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres, dont le ministère est chargé de la gastronomie." Et, Renaud Donnedieu de Vabres lors d'un discours prononcé le 24 novembre à l'IEHCA, à l'occasion des 2es Rencontres François Rabelais, a assuré à Francis Chevrier "le soutien de tous les services concernés pour l'assister dans les démarches qu'il entreprendra pour porter la candidature de la France".

Les pratiques culinaires : de véritables actes culturels
En effet, le texte de la convention précise bien qu'on entend par patrimoine immatériel, un patrimoine vivant et en constante évolution, un patrimoine recréé en permanence. "Il n'est donc pas question, ajoute Francis Chevrier, de figer ou muséifier la cuisine, bien au contraire. La cuisine est un patrimoine vivant, en constante évolution et également recréée en permanence. Notre objectif est plutôt de faire reconnaître les pratiques culinaires comme de véritables actes culturels." À ce jour, des discussions sont en cours dans le cadre du comité intergouvernemental de l'Unesco chargé de déterminer la liste des patrimoines immatériels à sauvegarder, pour établir des procédures, définir des critères et se prononcer sur les demandes d'inscription. Bonne nouvelle : la France qui a signé la convention de l'Unesco, pourra peser sur les décisions, car elle a été élue pour 2 ans, le 9 novembre, au comité intergouvernemental. Moins bonne nouvelle, la France n'est pas seule à postuler pour faire inscrire son patrimoine culinaire et gastronomique. Sont également en lice : la Chine, l'Italie, l'Inde et le Maroc… Tous ces pays ne sont cependant pas d'accord sur la procédure et les critères. La Chine et l'Italie préféreraient se baser sur un label prestigieux concernant quelques produits d'excellence comme le jambon de Parme sans chercher à effectuer un travail de fond pour une démarche durable et transmissible. La France tout comme l'Inde revendiquent une procédure de sauvegarde et de transmission du patrimoine. La Chine et l'Italie ne faisant pas partie du comité intergouvernemental, elles auront plus de mal à faire passer leur point de vue.

Faire un inventaire complet
Le comité intergouvernemental se réunira pour discuter des procédures et critères deux fois d'ici janvier 2008, à Pékin puis à Tokyo. "La gastronomie entrant dans l'approche d'un tourisme culturel et notre patrimoine culinaire constituant l'une des principales attractivités de notre pays, le ministère de la Culture a mis en place un comité technique réunissant toutes les directions concernées par la sauvegarde de ce patrimoine immatériel", explique lors de son intervention au 1er Forum des Traditions culinaires organisé par les Cuisineries Gourmandes (lire encadré), Marie-Paule Sanschagrin, chargée de mission au ministère de la Culture. Ce comité réunit des représentants des directions de l'architecture et du patrimoine et de la délégation au développement et aux affaires internationales. Des experts techniques y apporteront toutes leurs connaissances. Bien entendu, les ministères du Tourisme, de l'Artisanat, de l'Agriculture, de l'Éducation nationale… seront sollicités. "Nous voulons, poursuit Marie-Paule Sanschagrin, faire un inventaire complet de tout notre patrimoine culinaire et gastronomique, nous voulons le repérer, le recenser, le codifier, car il doit pouvoir être transmis selon des règles claires et bien précises. La France s'appuiera sur l'Inventaire du patrimoine culinaire effectué par le Cnac il y a 15 ans, et intégrera les sites remarquables du goût. Mais bien d'autres choses restent à faire. Le but étant de mettre en place une véritable politique de recherche cohérente, d'éducation et de valorisation sur les thèmes de la cuisine et de la gastronomie."

Sans chauvinisme et sans arrogance
Être le premier pays à voir son art culinaire reconnu patrimoine immatériel de l'Unesco rendrait la France bien fière. Ce serait une véritable consécration, cela renforcerait le rayonnement de la gastronomie française dans le monde et les retombées économiques ne seraient pas négligeables. Mais attention : les Français ne doivent surtout pas faire preuve de chauvinisme et d'arrogance. Tous les pays possèdent des savoir-faire artisanaux et culinaires traditionnels. La France n'est pas la seule à faire de bons fromages, de bonnes charcuteries ou autres… Si l'on n'a pas la chance ou la possibilité de voyager à travers le monde pour découvrir tous ces produits, il suffit de se rendre au Salon del Gusto organisé par Slow Food tous les deux à Turin, par exemple. La France n'est pas non plus la seule à maîtriser les sauces ou la cuisson des aliments. Et même si le mot 'terroir' au sens où nous le définissons n'a pas d'équivalent dans aucun des autres pays, tous ces derniers possèdent des produits et des cuisines du terroir… même les États-Unis dont la cuisine ne se réduit pas comme certains le pensent encore au barbecue, même le Japon où l'on ne mange pas que des sushis. Alors, pas de cocorico à la française. "Il faut que la France dans ce projet montre son ambition d'être inscrite pour ses arts culinaires dans le but de les préserver et les transmettre en héritage aux générations futures, mais également dans le but de servir de modèle aux autres pays qui désirent se lancer dans ce projet", précise Marie-Paule Sanschagrin. De toute façon, se battre pour faire reconnaître notre patrimoine culinaire va nous faire réfléchir sur notre façon de le préserver et de le transmettre dans les écoles et les établissements de formation professionnelle, et va entraîner une remise en cause et une formidable dynamique que ne peuvent être que bénéfiques.
Bernadette Gutel zzz50o

* IEHCA : Institut européen d'histoire et des cultures de l'alimentation.

LES CUISINERIES GOURMANDES
Véritables défenseurs du patrimoine culinaire et gastronomique français

À l'occasion de son premier Forum des Traditions culinaires qui s'est déroulé à Nantes le 27 novembre, Marie-Paule Sanschagrin, chargée de mission au ministère de la Culture, notamment pour l'inscription du patrimoine culinaire et gastronomique français au patrimoine immatériel de l'Unesco, est venue témoigner de tout l'intérêt que porte le ministère de la Culture aux démarches que ces restaurateurs entreprennent pour défendre les produits du terroir et la cuisine traditionnelle de nos régions. Si vous partagez leurs valeurs et si vous vous sentez concernés par l'inscription de la cuisine et de la gastronomie française au patrimoine immatériel de l'Unesco, venez les rejoindre à l'occasion de leurs deux prochains forums qui se tiendront le 4 décembre 2006 à Bordeaux et le 7 décembre 2006 à Toulouse.

Pour tous renseignements :
Tél. 05 63 56 06 58
contact@cuisineries-gourmandes.com

Complément d'article 3005p6

- la liste des premiers partenaires :

Ont commencé à rejoindre le COMITE DE SOUTIEN en faveur de l’inscription du patrimoine culinaire et gastronomique français au titre du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO (Extrait)

- ALLEMANDOU Gérard, chef cuisinier de La Cagouille, Paris.
- BARDET Jean, chef cuisinier du Château de Belmont, Tours.
- BERTRON Patrick, chef cuisinier du Relais Bernard Loiseau, Saulieu.
- BLANC Georges, chef cuisinier du Georges Blanc, Vonnas.
- BOCUSE Paul, chef cuisinier du Paul Bocuse, Collonges au Mont d’Or.
- BRAS Michel, chef cuisinier du Michel Bras, Laguiole.
- CAGNA Gérard, chef cuisinier du Relais Sainte-Jeanne, Cormeilles-en-Vexin.
- CHOUKROUN Gilles, chef cuisinier de l’Angl’Opéra, Paris ; Président de Génération C.
- COUPEZ Bernard, directeur de la promotion et des relations extérieures de la Nouvelle République.
- CRISCI Carlo, chef cuisinier du Cerf, Cossonay, Suisse.
- DUCASSE Alain, chef cuisinier du Plaza Athénée, Paris.
- DUTOURNIER Alain, chef cuisinier du Carré des Feuillants, Paris.
- EMSELLEM Bernard, directeur de la communication de la SNCF.
- FRAIN Irène, écrivain.
- GERMAIN, Jean, Maire de Tours.
- GUERARD Michel, chef cuisinier des Près d’Eugénie, Eugénie les Bains.
- HAEBERLIN Marc, chef cuisinier de L’Auberge de l’Ill, Illhaeusern.
- JUNG Emile, chef cuisinier du Crocodile, Strasbourg.
- KLEIN Jean-Georges, chef cuisinier de L’Arnsbourg, Baerenthal.
- LANG Jack, député du Nord-Pas-de-Calais, ancien Ministre de la Culture et de la Communication, ancien Ministre de l’Education Nationale.
- LEGENDRE Philippe, chef cuisinier du Le Cinq, Paris.
- LE SQUER Christian, chef cuisinier du Ledoyen, Paris.
- LHERITIER Jean, président de Sloow Food France.
- MENEAU Marc, chef cuisinier de L’espérance, Saint-Père-en-Vézelay.
- MINELLA Alain, responsable des grands projets et du partenariat à la SNCF.
- NAVE Michel, chef de cuisine du restaurant Pierre Gagnaire, Paris.
- PASSARD Alain, chef cuisinier de L’Arpège, Paris.
- PASSEDAT Gérald, chef cuisinier du Petit Nice, Marseille.
- PIC Anne-Sophie, chef cuisinière du Pic, Valence.
- PITTE Jean-Robert, Président de Paris IV-Sorbonne
- POURCEL Jacques, chef cuisinier du Jardin des Sens, Montpellier.
- REITHLER Eric, ancien chef cuisinier du Rendez-Vous des Pêcheurs, conseiller culinaire, Blois.
- REY Alain, conseiller linguistique des dictionnaires Le Robert.
- ROBIN Bernard, chef cuisinier du Relais de Bracieux, Bracieux.
- ROELLINGER Olivier, chef cuisinier des Maisons de Bricourt, Cancale.
- SAPINMichel, Président de la Région Centre
- SARRAN Michel, chef cuisinier du Michel Sarran, Toulouse.
- SAVOY Guy, chef cuisinier du Restaurant Guy Savoy, Paris.
- TRAMA Michel, chef cuisinier de L’Aubergade, Puymirol.
- TREMBLAY Jean-Dominique, directeur de la Mission Val de Loire- Patrimoine Mondial
- TROISGROS Pierre, ancien chef cuisinier des Troigros, Roanne.
- VEYRAT Marc, chef cuisinier de La Maison de Marc Veyrat, Veyrier du Lac.
- VIGATO Jean-Pierre, chef cuisinier d’Apicius, Paris.
- WYNANTS Pierre, chef cuisinier du Comme chez soi, Bruxelles.

- le texte de la convention de l'Unesco relative au patrimoine immatériel
- le discours de Renaud Donnedieu de Vabres
- Une présentation du projet rédigée par l'IEHCA :

Vers l’inscription par l’UNESCO du patrimoine culinaire et gastronomique français sur la liste du patrimoine de l’Humanité

Le cadre : la convention de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (2003)

La représentation que nous avons de l’UNESCO est très souvent liée à son travail d’inventaire du patrimoine mondial et pour son engagement dans la défense de monuments témoins du génie de l’humanité. Pourtant, en inscrivant un monument au patrimoine mondial, l’UNESCO n’a pas pour unique finalité de le protéger ou de le sauvegarder. En le désignant par son inscription aux regards de tous les hommes, l’Organisation attire surtout l’attention de tous sur sa valeur symbolique pour la culture de l’humanité. C’est la reconnaissance de cette valeur qui enclenche, si nécessaire, les mesures de protection.

Depuis octobre 2003, après un long processus de maturation, l’UNESCO a étendu son intérêt au patrimoine culturel immatériel (PCI). La Conférence générale qui a adopté le 17 octobre 2003 la convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel définit l’objet de cette protection comme les « pratiques, représentations, expressions, ainsi que les connaissances et savoir-faire que des communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel ». Le patrimoine culturel immatériel se manifeste, entre autres, dans les domaines suivants :

* Les traditions et expressions orales, y compris la langue comme vecteur du patrimoine culturel immatériel ;
* Les arts du spectacle (comme la musique, la danse ou le théâtre traditionnels) ;
* Les pratiques sociales, rituels et événements festifs ;
* Les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers ;
* Les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel.

La loi n°2006-791 du 5 juillet 2006, a autorisé l’approbation de la convention : cet instrument d’approbation a été déposé auprès du Directeur général de l’UNESCO le 11 juillet 2006. La convention est entrée en vigueur à l’égard de notre pays trois mois après le dépôt de cet instrument, c’est-à-dire le 11 octobre 2006.

Un élément du patrimoine culturel immatériel : La cuisine

De nombreux articles de la Convention de l’UNESCO s’appliquent au patrimoine culinaire et gastronomique, dont l’inscription paraît tout à fait envisageable. En effet, il résulte de « pratiques » ; il est l’émanation d’un « savoir-faire » reconnu. Il fait aussi appel à des « instruments » ou à des « objets » spécifiques qui sont eux-mêmes le produit d’une histoire. Ce patrimoine particulier est « transmis de génération en génération ». De fait, il est bien « recréé en permanence » par une communauté ou un groupe. Parallèlement, il correspond également à des « pratiques sociales » très souvent associées à des « rituels et à des événements festifs ». Le domaine culinaire est, d’autre part, l’objet de « représentations » et il est en fin de compte « l’expression d’une communauté ». Il identifie un groupe social, régional ou national. Comme la boule de sorgho rouge est constitutive de l’identité des Massa du nord Cameroun, le goulache renvoie aux stéréotypes consacrés à la Hongrie.

L’université de Tours et l’Institut Européen d’Histoire et des Cultures de l’Alimentation (IEHCA) ont saisi officiellement le Ministère de la Culture, en lui demandant que la France présente dès que possible devant l’UNESCO, un projet d’inscription de son patrimoine culinaire et gastronomique sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Le patrimoine culinaire et gastronomique : Vers une définition du périmètre

Le patrimoine culinaire et gastronomique français intègre et dépasse les simples notions de cuisine, gastronomie, arts de la table, produits, etc. Le périmètre de l’inscription est en cours d’élaboration. Plusieurs pistes sont évoquées :

Le discours gastronomique est le premier élément auquel on peut penser avec une certaine assurance. Le discours gastronomique est en effet un élément essentiel du patrimoine culinaire français.

Les pratiques et savoir-faire nous paraissent tout aussi essentiels. Par ces termes, nous entendons les opérations techniques qui précèdent la préparation culinaire : actions de stockage, de conservation et des activités de préparation des denrées qui demandent des savoir-faire élaborés avec le temps et correspondent à des actions physiques (égrenage, séchage, débitage, grillage…) ou chimiques (fumage, rouissage, fermentation…). La partie centrale des pratiques et savoir-faire est cependant constituée de la cuisine.

Les manières de tables sont un autre élément remarquable du domaine culinaire français. Il s’agit à la fois de rituels associés à la composition et à la gestion de la table, mais aussi des objets utilisés pour son service.

Certains produits, quelques plats, des méthodes de cuisson, caractéristiques d’une cuisine française et dans lesquels l’ensemble de la Nation se reconnaît, trouveraient également toute leur place dans une définition du patrimoine culturel immatériel.

Les célébrations, qui prennent souvent la forme de festivités populaires liées à l’alimentation (fêtes de saints nourriciers, abattage du porc dans les campagnes françaises) et créent des moments de sociabilité propres à souder les communautés.

La capacité à l’ouverture caractéristique d’une cuisine française qui ne cesse d’adopter des produits et des techniques venus d’ailleurs.

Enfin, le patrimoine culinaire est aussi constitué de lieux de mémoires sentimentalement associés à un art de vivre, à des pratiques sociales et à des événements festifs. Ainsi, le « restaurant » ou la Route Nationale 7 sont certainement les exemples les plus aboutis de cet affectif collectif.

Le patrimoine culinaire et gastronomique :

Les atouts français

La France a vocation à inscrire son patrimoine culinaire et gastronomique dans le cadre du patrimoine culturel immatériel pour plusieurs raisons.

La cuisine, une passion française

Les Français sont convaincus de la qualité et de la singularité de leur art à produire, travailler, accommoder et cuisiner d’excellents produits. En raison de son histoire, l’image nationale s’est inextricablement mêlée au domaine culinaire.
En effet, la France est de loin le pays d’Europe qui accorde le plus d’importance à son art culinaire et les Français communient volontiers autour de ses valeurs en les intégrant à un art de vivre. Comme la cuisine peut être un puissant vecteur de l’identité nationale, elle peut être également un facteur de cohésion sociale. Il existe donc un véritable état d’esprit favorable à ce domaine.
Nul doute qu’un dossier visant à inscrire le patrimoine culinaire et gastronomique français au titre du patrimoine culturel immatériel recevra le soutien de lu pays, dans toute sa diversité.

La cuisine française, un bien culturel

Jack Lang, comme Ministre de la Culture, a beaucoup œuvré pour rendre crédible la notion d’arts culinaires. Progressivement, de nombreux chefs furent élevés au rang de chevalier (Alain Senderens, Michel Sarran, Pierre Hermé par exemple), d’officiers (Joël Robuchon ou Michel Guérard) ou de commandeur (c’est le cas de Pierre Gagnaire) dans l’ordre des Arts et des Lettres (un ordre qui avait créé, en 1957, afin de récompenser et d’encourager les activités dans le domaine des Arts et des Lettres). Autre signe des temps, le 250ème anniversaire de la naissance de Brillat-Savarin fut inscrit à la liste des célébrations nationales 2005 établie par le ministère de la Culture et de la Communication.

Se nourrir c’est pratiquer sa culture. Notre désir d’être culturel nous fait redoubler d’humanité dans notre alimentation. Manières de table, origine des gestes, des savoir-faire et des recettes, interdits alimentaires, sont à l’image de la tradition mais aussi de l’évolution de nos cultures et de nos sociétés. Ce regard sur la nourriture, l’alimentation, la cuisine en tant que pratiques éminemment culturelles, est sans doute assez nouveau. Pourtant, la cuisine et l’alimentation sont bien, dans leur nécessité quotidienne, l’une des plus belles métaphores de la culture. C’est pour cela qu’aujourd’hui nombre de chercheurs en sciences humaines ont pris comme objet d’étude l’alimentation. Ce regard sur la cuisine n’est pas réservé aux universitaires, à tous les niveaux de la circulation du savoir et de l’information : la cuisine devient vecteur de curiosité, d’acceptation de l’autre, de partage et d’inventions. En cela l’alimentation et la cuisine ont quitté le champ du folklore pour devenir un enjeu économique et social. Car cuisiner se trouve à la confluence d’enjeux politiques essentiels sur la répartition des richesses, les modèles économiques de production, la santé, mais aussi l’accession à l’imaginaire et à la création.

La cuisine française, lieu de partage

Les valeurs qui ont présidé à la création de l’UNESCO, telles qu’elles ont été exposées par la charte de 1945 comme le « maintien de la paix », la « compréhension mutuelle » entre les peuples, la « collaboration » et la « coopération », sont autant de notions fondamentales véhiculées par la cuisine et les manières de tables.
La cuisine française, inscrite dans l’histoire, balaye aujourd’hui un champs de pratiques très large, allant de la cuisine de ses nombreux chefs étoilés jusqu’au couscous, encore récemment considéré comme le plat préféré des Français. Car c’est bien là que se situe la dynamique de cette cuisine en France, patrimoine vivant s’inscrivant dans une interaction continue avec ses milieux naturels, ses terroirs, son histoire et son évolution sociale. Effectivement, cuisiner pour se nourrir, s’inscrit à la fois comme une tradition culturelle vivante, recréée de manière permanente en fonction des évolutions de sa société.
Les termes de “Cuisine française” recouvrent des définitions multiples et diverses suivant le regard de chacun de ses acteurs contemporains. Les restaurants gastronomiques sont l’image d’exception que tout le monde a en tête. Mais c’est aussi la pratique quotidienne, dans et hors foyers, qui donne le pouls d’une cuisine de tous les jours. Dans notre assiette se bousculent nos désirs de terroirs et de retour à l’origine mais aussi nos envies d’ailleurs, d’exotisme ou tout simplement de côtoyer plus intimement la diversité qui fait une France black/blanc/beur.
La cuisine française est donc, ainsi, lieu de partage, de communion, d’échanges et de convivialité. Manger est un rite social qui assure la continuité et la densité des contacts humains.

La cuisine française, un perpétuel mouvement

La convention de l’UNESCO insiste sur les notions d’évolution et de développement. Le patrimoine culturel immatériel est défini comme devant être “recréé en permanence par les communautés et les groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire”. “Créativité” et “patrimoine vivant” sont deux notions fondamentales définissant un patrimoine qui, par ailleurs, doit aussi procurer “un sentiment d’identité et de continuité” contribuant ainsi à promouvoir “le respect de la diversité culturelle et la créativité humaine”. L’agence des Nations Unies n’oublie pas que les domaines proposés à l’inscription au patrimoine immatériel doivent être un “témoignage unique d’une tradition culturelle vivante” et ainsi reconnaître “l’excellence dans la mise en œuvre de savoir-faire et des qualités des techniques déployées”.
En effet, une inscription du patrimoine culinaire et gastronomique français au patrimoine mondial de l’UNESCO n’a pas pour objet de muséifier et de figer une image passéiste. Il est, de Vatel à Ducasse, “recréé en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire”. Cette recréation peut être le fait de grands chefs, de jeunes restaurateurs ou de cuisiniers – amateurs. Elle repose sur les progrès des sciences et techniques, des processus endogènes (la « redécouverte » de la tradition par exemple) ou exogènes (l’appropriation de techniques culinaires ou de produits étrangers).

La cuisine française : des valeurs universalistes

La cuisine française est toujours reconnue et saluée par l’ensemble de la communauté internationale. Notre culture culinaire et gastronomique, dans sa diversité, est intimement liée à l’image même de la France à l’étranger. Notre cuisine, indéniablement, identifie la France aux yeux de l’Autre.
En cela, le patrimoine culinaire et gastronomique française correspond très clairement au patrimoine culturel immatériel tel qu’il a été délimité par la commission de spécialistes de l’UNESCO, comme devant avoir “acquis une reconnaissance internationale en tant que facteur vital pour l’identité culturelle, la promotion de la créativité et la préservation de la diversité culturelle”.
LLa cuisine française dans sa diversité, ses évolutions et sa capacité à offrir généreusement (de nombreux chefs étrangers, tels Ferran Adria, Martin Berasategui, Charlie Trotter, Heston Blumenthal, s’accordent à reconnaître tout ce qu’ils lui doivent) ou à accepter ce qui vient d’ailleurs (produits exotiques venus, jadis, des colonies ou des techniques de cuissons amenées d’Orient par les grands chefs) rassemble toutes les caractéristiques qui en font un patrimoine non pas national mais propre à l’ensemble de l’humanité.

Nous ne voulons pas que notre patrimoine soit reconnu sur la base d’une valeur exceptionnelle : en d’autres termes, la cuisine française ne se veut pas supérieure aux autres. Le jugement de valeur ou l’établissement de hiérarchies sont très éloignés de notre démarche. Elle nous semble être, malgré tout, fruit du génie humain et représentative de la créativité et de la diversité culturelle de l’humanité.

Par l’inscription du patrimoine culinaire et gastronomique français, notre objectif est de faire reconnaître les pratiques culinaires comme de véritables actes culturels. La France a une légitimité certaine pour défendre un tel dossier. Sa victoire sera celle de tous ceux qui, à travers le monde, pratiquent et pensent la cuisine. L’inscription du patrimoine culinaire et gastronomique français servira la reconnaissance culturelle de toutes les cuisines du monde qui, dans le passé ou le présent, ont influencé ou se sont inspirées de la cuisine de notre pays.

L’inscription du patrimoine culinaire et gastronomique français : Un long combat

Le combat pour inscrire le patrimoine culinaire et gastronomique français sur la liste du patrimoine culturel immatériel sera long et difficile. Dans un premier temps, il faudra convaincre les autorités françaises de porter ce dossier : d’ores et déjà, le Ministre de la Culture et de la Communication, Renaud Donnedieu de Vabres, nous a confirmé son intérêt et son soutien quant à notre démarche.
Un comité de soutien est en cours de constitution. D’ores et déjà, plusieurs grands noms de la cuisine, de la politique, des Arts et des Lettres, du journalisme ou de l’Industrie nous ont rejoints (Cf liste du comité de soutien).

La France, dans le même temps, devra faire entendre sa voix au sein du comité intergouvernemental, instance qui, au sein de l’UNESCO, est chargée de définir les modalités pratiques de fonctionnement de la Convention (processus des candidatures, définition plus précise du patrimoine culturel immatériel, calendriers, etc.). Il sera notamment important de veiller à l’inclusion du domaine culinaire dans le champ d’application de la Convention.
SSuivant les procédures en vigueur (et même si elles doivent être encore définies avec plus de précision), chaque pays ne pourra présenter qu’un seul dossier par an de classement de patrimoine immatériel.

Enfin, il faudra convaincre l’Assemblée générale des États Parties à la Convention d’inscrire le patrimoine culinaire et gastronomique français. En tout état de cause, la France ne pourra pas porter un dossier devant cette instance avant 2008.

L’Institut Européen d’Histoire et des Cultures de l’Alimentation est déterminé à mener ce combat. Mais l’IEHCA a besoin du soutien et des encouragements de toutes celles et tous ceux qui pensent légitime l’inscription du patrimoine culinaire et gastronomique français au titre du patrimoine culturel immatériel pour les raisons évoquées ci-dessus.

L’inscription au patrimoine culturel et immatériel permettrait de souligner une histoire, une culture pour en faire le socle d’un développement futur. Elle assurerait les produits de qualité, les artisans et les créateurs d’un label reconnu à l’étranger. Il ne s’agit pas de figer ce patrimoine culinaire dans une tradition normative et, à terme, stérile mais au contraire de lui donner les bases de son épanouissement et de son développement dans un contexte d’ouverture au monde de plus en plus prégnant. Le propos de cette démarche n’est pas de classer pour figer et protéger (même s’il est évident que certains savoirs faire ne doivent pas se perdre) mais de faire connaître officiellement par l’organisme mondial compétent que le patrimoine culturel et gastronomique français est un monument de la culture universelle.

L’inscription du patrimoine culinaire et gastronomique français ne doit pas être une fin en soi. Fort de cette reconnaissance internationale, il concentrera les énergies comme ce ne fut jamais le cas auparavant. Comme le précise la convention de l’UNESCO, l’inscription oblige l’État initiateur d’une demande à “encourager des études scientifiques et techniques” et, plus largement, à “adopter une politique générale visant à mettre en valeur la fonction du patrimoine culturel immatériel dans la société”. De la même façon, cet État doit s’engager à assurer la sensibilisation et l’éducation à ce patrimoine par des “programmes éducatifs et de formations spécifiques”.
En fait, l’inscription du patrimoine culinaire et gastronomique permettrait au niveau national la mise en place d’une véritable politique de recherche cohérente, d’éducation et de valorisation, sur les thèmes de la cuisine et de la gastronomie. À l’heure où tous les spécialistes s’accordent à dire que les dérèglements alimentaires (obésité, anorexie, destructuration des repas, etc.) relèvent de problématiques socioculturelles et éducatives, l’enjeu pour les générations futures est fondamental.

Pour plus d’information :
Institut Européen d’Histoire et des Cultures de l’Alimentation
16 rue Briçonnet, BP.31437, 37014 Tours cedex 1
02 47 05 90 30
ieha@wanadoo.fr

L’Institut Européen d’Histoire et des Cultures de l’Alimentation

Une institution consacrée à l’approche culturelle de l’alimentation

L’Institut Européen d’Histoire et des Cultures de l’Alimentation est une fondation abritée par l’Institut de France. Adossé à l’université de Tours, il aborde le domaine de l’alimentation par le biais des sciences humaines et sociales en réunissant et en fédérant, de manière unique en Europe, de nombreuses disciplines (histoire, géographie, sociologie, ethnologie, anthropologie…).

Sa démarche, résolument innovante, s’inscrit dans un projet plus vaste de constitution d’un pôle de recherche national sur l’alimentation par l’université François-Rabelais de Tours, dont l’IEHCA sera un des partenaires essentiels. D’ores et déjà, il a accompagné l’émergence, au sein de l’université, d’une équipe d’historiens constituée autour de trois axes de recherches : les banquets ; l’innovation alimentaire ; le patrimoine culinaire et gastronomique français. D’autre part, un plan pluri-formation de quatre années associe l’IEHCA et l’ensemble des enseignants – chercheurs qui s’intéressent à l’alimentation (sciences humaines, sociales et dures). Ce plan devra aboutir à la rédaction d’un dictionnaire historique et culturel de l’alimentation qui sera structuré autour de trois axes : le rôle de l’État dans l’alimentation ; Santé, sécurité alimentaire ; Cuisine, culture et patrimoine.

L’activité de l’IEHCA s’articule autour de plusieurs missions :

• Favoriser la rencontre des chercheurs, grâce à la tenue de colloques scientifiques ou d’universités européennes d’été et à la constitution d’un réseau international de spécialistes qu’il coordonne ;

• Développer la recherche et la formation universitaire : pour ce faire, l’IEHCA dispose d’outils (une bibliothèque, unique en France, consacré à l’histoire et aux cultures de l’alimentation) qui lui permettent de former les universitaires de demain, grâce à un master histoire et cultures de l’alimentation, de coordonner ou de soutenir des programmes de recherche ;

• Contribuer à la diffusion des savoirs, au sein de la communauté scientifique, auprès des professionnels ou du grand public. L’IEHCA mène une politique éditoriale ambitieuse (les revues Food & History ou Gusto, l’édition des actes de colloques en sont les fruits) ou organisent des manifestations culturelles qui médiatisent largement ses actions et valorisent la recherche auprès des citoyens. Le Forum Alimentation et Culture est la pierre angulaire de ce dialogue entre science et société .

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