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du 10 février 2005
JURIDIQUE

DU CÔTÉ DES PRUD'HOMMES

RESPECTEZ BIEN LA PROCÉDURE DE LICENCIEMENT ÉCONOMIQUE

Tout licenciement qui résulte d'une suppression, d'une transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail en raison de difficultés économiques ou de mutations technologiques doit faire l'objet d'une procédure de licenciement économique. Mais celle-ci n'est pas de tout repos pour les employeurs, tant le formalisme et les obligations imposées sont draconiennes. Elles donnent souvent lieu à contentieux.

En effet, le licenciement pour motif économique fait l'objet d'un régime juridique très particulier. Fortement influencées par le contexte économique, social et politique dans lequel elles ont été créées, les règles qui le gouvernent visent à la défense de l'emploi. Elles sont multiples, complexes et donnent lieu à un abondant contentieux prud'homal.

L'employeur doit respecter l'obligation de reclassement
Reprenant la jurisprudence, l'article L. 321-1 dernier alinéa du Code du travail précise que "le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celle dont il occupe ou sur un emploi équivalent, ou, à défaut, et sous réserve de l'accord express du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient".
Ainsi, l'employeur est tenu d'assurer l'adaptation de ses salariés à l'évolution de leur emploi. S'il licencie les salariés sans leur avoir permis de suivre la formation qui aurait pu leur permettre de s'adapter à l'évolution de leur emploi, le licenciement peut être considéré par le juge comme dépourvu de motif économique.
L'employeur doit aussi, avant tout licenciement économique, tenter de procéder au reclassement des salariés concernés. Cette obligation de reclassement se réalisera en deux temps :
• Dans un premier temps, l'employeur devra rechercher l'ensemble des postes disponibles. Cette possibilité de reclassement doit intervenir au sein de l'entreprise et non dans le cadre du seul établissement où a lieu le projet de licenciement, ou, le cas échéant, dans le cadre du groupe auquel appartient l'entreprise. L'employeur doit chercher à reclasser l'intéressé en priorité sur un emploi relevant de la même catégorie professionnelle que celui qu'il occupe. Par catégorie professionnelle, il convient d'admettre l'ensemble des salariés qui exercent au sein de l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune (Cass. Soc. 13.02.1997, n° 95-16.648).
• Dans un second temps, l'employeur devra proposer par écrit au salarié les postes qu'il est susceptible d'occuper. Le Code du travail ne donne aucune indication sur le contenu de la proposition écrite ni sur la forme. En tout état de cause, cette offre doit indiquer la localisation de ce nouvel emploi, la qualification requise, le descriptif du poste ainsi que le niveau de rémunération.

Attention ! Ces offres de reclassement doivent être proposées au salarié avant la notification du licenciement. Le salarié est libre d'accepter ou de refuser l'offre de reclassement proposée par l'employeur. Si ce dernier a une obligation de recherche préalable au licenciement de toute possibilité de reclassement, il n'a pas d'obligation de résultat. En l'absence de possibilité de reclassement ou en cas refus du salarié, l'employeur sera autorisé à poursuivre la procédure.
Attention ! À défaut de satisfaire de façon loyale à cette obligation de reclassement, le licenciement sera qualifié d'abusif et le juge accordera au salarié des dommages et intérêts. Au surplus, ce juge doit contrôler le respect par l'employeur de cette obligation de reclassement, même si cette question n'est pas soulevée par les parties (cour Cass. 10.12.1996, n° 94-40.300).  

L'employeur doit respecter l'ordre des licenciements
Une fois la mesure de licenciement économique arrêtée, au vu du motif invoqué, l'employeur est à même de déterminer quelle catégorie d'emploi est concernée. Le chef d'entreprise doit alors déterminer ce que l'on appelle l'ordre des licenciements. Ce principe s'applique à tout licenciement individuel ou collectif. En cas de contestation relative à l'ordre des licenciements, l'employeur doit communiquer au juge les éléments objectifs sur lesquels il s'est appuyé pour arrêter son choix.  

1. Les critères déterminant l'ordre des licenciements
Les critères pris en compte pour déterminer l'ordre des licenciements sont fixés par le Code du travail et la CCN du 30 avril 1997. Il s'agit :
• des charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;
• de l'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ;
• de la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales pendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficiles, notamment des personnes handicapées, des salariés âgés ;
• des qualités professionnelles appréciées par catégorie.
L'employeur est tenu de respecter la totalité de ces critères. Il peut aussi compléter cette liste. Il peut enfin en privilégier certains après les avoir tous pris en considération. Dans tous les cas, il doit avoir consulté les représentants du personnel d'entreprise.
Ces critères s'appliquent à l'ensemble du personnel de l'entreprise, dans la catégorie professionnelle à laquelle appartient le salarié dont l'emploi est supprimé ou modifié. Bien évidemment, l'employeur ne sera pas tenu d'appliquer les règles relatives à l'ordre des licenciements si le licenciement concerne le seul et unique salarié de sa catégorie professionnelle, ou bien encore l'ensemble des salariés appartenant à la même catégorie professionnelle (Cass. Soc. 27.5.1997, n° 95-42.419).

2. La demande du salarié
Le salarié peut demander à l'employeur - dans un délai de 10 jours suivant la fin de son contrat de travail - les critères retenus à l'occasion de son licenciement. L'employeur doit alors faire connaître les critères qu'il a retenus par lettre recommandée avec accusé de réception au plus tard 10 jours après la présentation de la lettre du salarié (art. R. 122-3
alinéa 2 du Code du travail). Le défaut de réponse de l'employeur ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse. Un tel manquement constitue cependant une irrégularité qui doit nécessairement entraîner au salarié un préjudice et que le juge doit réparer en fonction de son étendue (Cass. Soc. 26 01.1989, n° 97-40.463).
Par ailleurs, si le juge considère que l'employeur n'a pas observé les règles relatives à l'ordre des licenciements, il doit accorder au salarié des dommages et intérêts en fonction du préjudice subi. En effet, la Cour de cassation affirme que l'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements constitue pour le salarié une illégalité qui entraîne pour celui-ci un préjudice pouvant aller jusqu'à la perte injustifiée de son emploi, lequel doit être intégralement réparé (Cass. Soc. 14.01.1997, n° 96-40. 713).
Enfin, il convient de préciser que les dommages et intérêts pour inobservation de l'ordre des licenciements ne se cumulent pas avec l'indemnité de licenciement pour cause réelle et sérieuse.  

L'employeur doit respecter la procédure de licenciement
Le juge doit vérifier que l'employeur a bien respecté la procédure de licenciement (lire encadré ci-contre). À défaut, il sera accordé au salarié des dommages et intérêts dont le montant pourra être fixé à un mois de salaire dans une entreprise occupant plus de 11 salariés, pour un salarié justifiant d'une ancienneté supérieure à 2 ans (art. L. 122-14-3 du Code du travail).

Ne pas oublier la priorité de réembauchage
La priorité de réembauchage concerne tout salarié licencié pour motif économique, quels que soient la taille du licenciement, l'effectif de l'entreprise et son ancienneté.
Cette priorité dure un an à compter de la date de la rupture du contrat ou, si le salarié manifeste le désir s'user de cette priorité, dans un délai d'un an à partir de cette date.  

Les obligations à la charge de l'employeur
L'employeur doit mentionner dans la lettre de licenciement pour motif économique la priorité de réembauchage ainsi que ses conditions de mise en oeuvre (art. L. 122-14-2 du Code du travail).
Cette formalité doit être respectée même si le salarié a trouvé un nouvel emploi.
L'employeur doit :
• informer le salarié qui a exprimé le désir d'user de cette priorité de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification ;
• informer les représentants du personnel des postes disponibles ;
• afficher la liste des postes disponibles.
Si un poste se libère, le salarié licencié pour motif économique sera donc prioritaire pour l'occuper.
Si plusieurs salariés licenciés pour motif économique entendent bénéficier de la priorité de réembauchage pour un même poste, l'employeur n'a pas à suivre un ordre déterminé : il peut choisir ses collaborateurs en fonction de l'intérêt de l'entreprise - sous réserve de communiquer au juge, en cas de contestation du salarié, les éléments objectifs sur lesquels il s'est appuyé pour arrêter son choix (Cass. Soc. du 02.12.1998, n° 96-44.416).

Les sanctions en cas de non-respect
• De la mention dans la lettre de licenciement de la priorité de réembauchage
La Cour de cassation considère que l'absence de mention
de la priorité de réembauchage cause au salarié un préjudice que le juge doit réparer par une indemnité (Cass. Soc. 16.12.1997, n° 94-42.089). En outre, si le salarié démontre que l'omission de mentionner dans la lettre de licenciement la priorité de réembauchage et si cela l'a empêché d'en bénéficier, l'indemnité spéciale prévue par l'article L. 122-14-4 du Code du travail sera due pour un montant égal à 2 mois de salaire.
• De la priorité de réembauchage
Le salarié bénéficiera d'une indemnité qui ne peut pas être inférieure à 2 mois de salaire. L'indemnité qui compense la violation de la priorité de réembauchage peut se cumuler avec l'indemnité due en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Pour conclure, il apparaît à l'évidence que l'examen d'un licenciement économique par le conseil de prud'hommes est très précis, à tel point que, pour l'employeur, il s'apparente à un parcours semé d'embûches dont peu sortent vainqueurs.
Franck Trouet (Synhorcat)
zzz60u

Les droits du salarié en cas de licenciement économique

Préavis
Pour connaître la durée de préavis applicable au salarié, il faut tenir compte de sa qualification et de son ancienneté, conformément à l'article 30-2 de la CCN des CHR du 30 avril 1997.

Moins de 6 mois De 6 mois à - de 2 ans  Plus de 2 ans
Cadres

1 mois

3 mois

3 mois

Maîtrise

1 mois

1 mois

2 mois

Employés

8 jours

1 mois

2 mois

Une indemnité de licenciement majorée
L'article L. 122-9 du Code du travail, modifié par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, prévoit une majoration de l'indemnité légale de licenciement lorsqu'il est prononcé pour un motif économique.
En cas de licenciement pour motif économique, le taux de l'indemnité légale est ainsi doublé par rapport à un licenciement fondé sur un motif inhérent à la personne du salarié : les salariés licenciés pour motif économique bénéficient désormais d'une indemnité minimum de 2/10es de mois par année d'ancienneté, auxquels s'ajoutent 2/15es de mois par année d'ancienneté au-delà de 10 ans.
Article R. 122-2 du Code du travail. zzz60u

 

La procédure de licenciement économique individuel dans les entreprises sans représentant du personnel

Convocation à entretien préalable
(lettre RAR ou remise en main propre contre décharge) :
5 jours ouvrables + délai d'acheminement (1)

Entretien préalable
Exposé des motifs de la mesure envisagée
Examen des possibilités de reclassement avec le salarié
Information du salarié sur le bénéfice du Pare-anticipé (2)

Envoi de la lettre de licenciement économique (3)
• Salarié : 7 jours ouvrables après l'entretien
• Cadre : 15 jours ouvrables après l'entretien
Attention ! La lettre de licenciement doit mentionner :
• le motif du licenciement économique
• l'échec du reclassement du salarié
• la proposition faite dans le cadre du dispositif du Pare-anticipé
• la priorité de réembauchage
• le droit à préavis

Information de la DDTEFP (4)
Dans les 8 jours de la notification du licenciement

(1) Ne comprend pas le jour où le courrier est présenté au salarié en main propre ou à son domicile, ni le jour de l'entretien préalable.
(2) Le Pare-anticipé doit être présenté au salarié justifiant de 6 mois ou 910 heures d'activité salariée, dans la même entreprise ou non, au cours des 22 derniers mois. Le délai accordé au salarié pour accepter la mise en oeuvre anticipée du Pare est de 8 jours à compter de la notification de la lettre de licenciement économique.
(3) Délai minimum à respecter avant l'envoi de la lettre de licenciement économique.

(4) Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. zzz60v

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L'Hôtellerie Restauration n° 2911 Hebdo 10 février 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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